Pas assez de semences bio
Mais qu’est-ce qu’une semence bio ? C’est une graine qui a été produite selon les règles de l’agriculture biologique et qui respecte les normes de qualité régissant toute production de semences, c’est-à-dire puretés spécifique et variétale, faculté germinative et qualité sanitaire.
Très bien sur le papier. Mais sur le terrain, les agriculteurs ne trouvent pas toujours les semences bio de l’espèce ou de la variété qu’ils souhaitent semer, par manque de disponibilité sur le marché. “La betterave sucrière ou la carotte sont difficiles à produire, d’autres sont produites en trop faible quantité”, concède Michel Straëbler, en charge de la commission bio de SEMAE, l’interprofession des semences et des plants. Dans ce cas, l’agriculteur peut demander une dérogation pour utiliser des semences conventionnelles non traitées après récolte.
Structurer la filière semences bio
Il existe en France quatre statuts dérogatoires (voir encadré). Si l’espèce est classée “hors dérogation”, l’agriculteur a l’obligation d’utiliser des semences bio car le nombre de variétés multipliées en bio et les quantités sont suffisantes. Quarante espèces sont dans cette catégorie. Lorsqu’une espèce devient “hors dérogation”, le nombre de dérogations chute et la production de semences bio décolle. Exemple, le nombre de dérogations pour le blé tendre, classé « hors dérogation » en juillet 2018, est passé de 662 à 24 entre 2018 et 2020 et les surfaces en multiplication de semences ont plus que doublé (de 2000 à 5000 ha). “En blé tendre, il y a suffisamment de quantité et de choix variétal pour trouver son bonheur.” Cette organisation est un moyen efficace de structurer la filière semences, le statut “hors dérogation” garantissant aux établissements de semences que leurs lots trouveront preneurs et aux agriculteurs qu’ils pourront acheter des semences bio. La progression des surfaces en multiplication en apporte la preuve : + 28% par an depuis 2018.
Une plateforme d’échanges
Comment s’informer de la disponibilité en semences bio ? C’est sur la base de données www.semences-biologiques.org gérée par SEMAE, par délégation de l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao), que les fournisseurs de semences et plants bio indiquent les disponibilités variétales pour chaque espèce. C’est également sur cette plateforme que les utilisateurs déposent les demandes de dérogation. Cette possibilité de dérogation prendra fin en 2036 comme le précise le nouveau règlement sur l’agriculture biologique entré en vigueur en janvier 2022. “L’objectif est de monter en puissance pour que chaque espèce dispose d’une gamme variétale et de quantités suffisantes en semences bio pour couvrir les besoins des agriculteurs. ”
Élargir l’offre commerciale pour le bio
Grande nouveauté, la nouvelle réglementation bio autorise la production et la commercialisation de semences et de plants de matériel hétérogène biologique. “Cela permet d’encadrer et de faciliter la circulation et la vente de semences produites localement par les agriculteurs bio et qui ne répondent pas aux critères d’inscription habituels.” A l’inverse des variétés classiques qui doivent être homogènes, stables dans le temps et distinctes d’une variété existante, le matériel hétérogène biologique se caractérise par son hétérogénéité. Il ne sera pas inscrit au Catalogue officiel des espèces et variétés, mais enregistré gratuitement sur une liste européenne avec une simple description du matériel. Sa commercialisation sera soumise aux normes de pureté spécifique, de faculté germinative et de qualité sanitaire.
Des variétés adaptées au bio
Autre évolution, le règlement introduit la notion de variété biologique adaptée à l’agriculture biologique. Elle se définit par une diversité génétique et phénotypique et une sélection variétale pratiquée en mode biologique. De plus en plus de sélectionneurs consacrent une part de leurs recherches aux variétés dédiées au bio. Ils privilégient dans leur sélection des plantes résistantes aux maladies, aux insectes, à la verse, au stress hydrique, capables de couvrir le sol et d’utiliser l’azote disponible. Ainsi sept variétés de blé tendre adaptées à la production biologique ont été inscrites en 2018. Une première ! “La logique bio est en marche.”
Sabine Huet