Ces plantes qui ont conquis le monde

Chaque jour, nous consommons de nombreux fruits et légumes qui, même s’ils sont produits en France, peuvent avoir une origine lointaine. Qui se souvient que la tomate est originaire d’Amérique du Sud ou que le blé provient d’Extrême Orient ?

Il y a environ 10 000 ans, les premiers agriculteurs ont domestiqué et amélioré les plantes sauvages présentes localement. Si l’alimentation n’était pas très variée dans certaines parties du monde, certaines zones comme le pourtour méditerranéen et le Moyen-Orient disposaient de céréales, de fruits et légumes échangés entre populations, améliorant ainsi la diversité alimentaire.
Pour les sélectionneurs actuels, il est important de conserver ces plantes ancestrales, généralement très différentes de ce que nous consommons actuellement, car elles permettent d’apporter dans les croisements de nouvelles caractéristiques, comme une plus grande résistance aux maladies ou une meilleure capacité d’adaptation à la sécheresse ou aux fortes chaleurs. Il est donc important de connaître les aires d’origine des plantes et de conserver un maximum de biodiversité in situ.

Les premiers transports vers d’autres continents

Les échanges alimentaires ont pu se faire, dans un premier temps, grâce aux flux terrestres et maritimes. Ainsi, les axes commerciaux comme la Route de la soie ont diffusé les plantes dans de nouvelles aires géographiques. Les échanges se sont amplifiés avec le développement du transport aérien.
Néanmoins, les adaptations ont nécessité beaucoup de temps et se sont faites avec plus ou moins de succès, essentiellement pour des raisons climatiques.
Un exemple emblématique est celui du maïs, une plante tropicale originaire des hauts plateaux du Mexique. Ce dernier est devenu un aliment central dans les civilisations d’Amérique centrale et des Andes. Dès le Ve millénaire avant notre ère, le maïs était non seulement un aliment de base, mais il occupait aussi une place prépondérante dans la religion et les rites de ces peuples. Il s’est ensuite répandu sur l’ensemble des zones tropicales et équatoriales d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud.
Aujourd’hui, grâce à la sélection, le maïs est cultivé dans des zones tempérées, voire froides comme la moitié nord de la France.
 

Evolution des habitudes alimentaires

Implanter un fruit ou un légume dans de nouvelles aires géographiques n’est pas qu’un problème agronomique mais c’est aussi un choix de consommateur. Par exemple, deux produits très consommés de nos jours ont dû convaincre : la tomate et la pomme de terre.
Originaire des Andes, la tomate sauvage était probablement cultivée par les Aztèques et les Incas dès 700 av. J.-C. En Europe, cependant, sa consommation n’a débuté qu’au XVIe siècle, après que des graines eurent été importées par les Espagnols et disséminées dans le sud du continent. Considérée longtemps comme une plante vénéneuse, la tomate fut pendant de nombreuses années utilisée uniquement comme plante ornementale. Ce sont les variétés jaunes, appelées « pommes d’or » (pomodoro), qui furent vraisemblablement consommées les premières, en Italie, avant que la tomate ne gagne le nord de l’Europe.
La pomme de terre a connu, elle aussi, un désamour des consommateurs avant de devenir le tubercule le plus consommé en Europe. Originaire d’Amérique du Sud, la pomme de terre fut introduite par les conquistadors en Espagne sous le nom de « patata », puis elle a gagné timidement l’Italie.
À partir du XVIIe siècle, elle s’implante assez rapidement dans la plupart des pays européens, sauf en France. Considérée comme toxique, la pomme de terre y était réservée à l’alimentation des animaux. C’est au XVIIIe siècle que le célèbre Parmentier, convaincu de son intérêt nutritif, cultive les premiers champs de pomme de terre. Grâce à un subterfuge, il réussit à la faire connaître et adopter par les consommateurs : il fait surveiller les champs par des soldats le jour, incitant la population à les piller la nuit, contribuant ainsi à faire de la pomme de terre un produit « désirable ».
 

Une acclimatation continue

Aujourd’hui encore, de nouveaux fruits sont acclimatés à nos terroirs. C’est le cas du kiwi, originaire de Chine. Décrit pour la première fois par un botaniste jésuite français au XVIIIe siècle, ce fruit sauvage a été consommé dès le début du XXe siècle en Australie. Sa culture en France ne débute qu’en 1970 ! Il existe désormais plus de 40 variétés de kiwis, même si deux seulement dominent le marché.
La recherche variétale n’a donc pas dit son dernier mot, y compris pour adapter de nouvelles variétés aux terroirs français et aux préférences des consommateurs. Elle permet ainsi de contribuer à une alimentation diversifiée et saine et d’assurer une plus grande souveraineté alimentaire. 
Marie Rigouzzo

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