La tomate à la pointe de toutes les recherches

La tomate est le fruit le plus consommé en France, avec une moyenne annuelle de 14 kg par foyer. Or si la tomate véhicule une image d’Épinal, son mode de production est en réalité très industriel. Elle fait ainsi l’objet de recherches très pointues et d’innovation à travers le monde, pour sa production et sa conservation mais aussi pour son goût, son aspect et ses bienfaits pour la santé.

Echantillon de la diversité des tomates © Semae-Paul Dutronc

Beaucoup de variétés disponibles

La production de tomates française se fait, très majoritairement sous serre et à 70% en système hors sol, c’est-à-dire sans contact avec la terre. Cela a orienté la demande vers des variétés productives, adaptées à ce mode de production, à la cueillette et à la conservation. Plus de 15 000 variétés de tomates sont recensées à travers le monde, dont 4000 figurent dans le catalogue européen des espèces et variétés et 480 au catalogue officiel français. Ce nombre important de variétés reflète la recherche intensive sur ce fruit, à la fois pour son aspect, sa couleur, son rendement et sa capacité à résister au maladies.

De nombreuses maladies

Même cultivée sous serre, la tomate reste très sensible à de nombreuses maladies, causées principalement par des champignons et des virus, comme le mildiou, l’oïdium, le botrytis, le « cul noir », la « maladie bronzée » ... La sélection classique a déjà permis d’obtenir et de commercialiser des variétés résistantes. Mais avec le changement climatique et la concentration des cultures dans certaines zones géographiques, les sélectionneurs comptent sur des techniques d’amélioration plus rapides et plus précises, comme la technique d’édition du génome Crispr-Cas9 (voir encadré), pour préserver les rendements. 

La cueillette et la conservation : un enjeu industriel

La culture sous serre permet d’approvisionner tous les marchés tout au long de l’année. Des pieds de tomates sont sélectionnés pour produire plus de fruits, ou des fruits plus gros, assurant ainsi un rendement maximal. D’autres facteurs peuvent intéresser les industriels pour assurer une meilleure conservation des tomates. Par exemple, pour éviter que les tiges restées attachées aux pédoncules des tomates lors de la récolte ne les endommagent, des chercheurs français ont réussi à sélectionner des tomates sans pédoncule. Pouvant paraître anecdotique, cette caractéristique n’en est pas moins importante car les blessures des fruits et légumes après la récolte entraînent des pertes de production importantes.

Les consommateurs plébiscitent les formes et les couleurs

Pour répondre à la demande des consommateurs, la taille et la couleur des tomates ont fortement évolué au cours des dernières années. Les gènes principaux impliqués dans la forme des fruits sont connus depuis les années 1950.  Après les grosses tomates rondes, rouges et parfaitement calibrées, les consommateurs plébiscitent désormais les tomates plus petites, de couleurs variées, allant du jaune au pourpre, se rapprochant de l’image qu’ils se font d’une « tomate de jardinier ». Certains sélectionneurs ont cartographié les gènes de leurs variétés de tomates et peuvent ainsi guider plus efficacement leurs croisements.  

Le graal : retrouver la saveur des tomates d’antan

Le goût des tomates est devenu une attente forte des consommateurs. Or la saveur est liée au contenu des fruits en sucres, en acides et autres composés volatils aromatiques. Des chercheurs de l’INRAE ont identifié de très nombreuses variations fines du génome impliquées dans la perception du goût. Proposer des améliorations est un exercice difficile pour les sélectionneurs car ils doivent composer avec, d’un côté, une perception très personnelle du consommateur et, de l’autre, des schémas d’amélioration compliqués car beaucoup de gènes sont concernés. A cela s’ajoute le fait que la saveur se perd rapidement dans les transports et au cours du stockage. 

Prendre soin de sa santé en consommant des tomates

Une autre piste de recherche intensive est celle liée aux aspects nutritionnels avec, notamment, un enrichissement scientifiquement prouvé en composés « bons » pour la santé qui permet de revendiquer une allégation « santé». La tomate est ainsi devenue le premier aliment modifié par la technique Crispr et commercialisé avec cette allégation pour des teneurs augmentées en GABA. Le GABA est produit par notre organisme et joue un rôle clé dans le cerveau et le système nerveux. La tomate appelée « Sicilian Rouge High GABA » contient cinq fois plus de GABA que les tomates normales. 

Revenir aux tomates sauvages ?

Le jardinier et l’horticulteur ont donc accès à de très nombreuses variétés cultivées mais qui sont le plus souvent issues de croisements répétés et cela, sur plusieurs générations. Avec des outils d’analyse du génome de plus en plus performants, les chercheurs découvrent que des propriétés de résilience ont été involontairement écartées des programmes de sélection parce qu’elles n’étaient tout simplement pas retenues dans le cahier des charges du sélectionneur.
 Ainsi la tomate a fait l’objet d’une sélection si forte sur certains caractères qu’elle en a perdu sa diversité. Alors, retrouver des plantes sauvages permet de reconsidérer des caractéristiques liées à des stress de type adaptation à la sécheresse, à la salinité… ou encore à des voies de régulation de symbiose entre plantes et bactéries des sols qui favorisent la bonne santé des plantes et la bonne croissance des fruits. 
A une époque charnière où le cout de l’énergie, l’accès à l’eau et la réduction de produits de traitements autorisés deviennent des freins aux cultures sous serre, l’expression d’une plus grande biodiversité cultivée à partir de variétés sauvages permettra d’améliorer la culture de la tomate pour réduire son impact environnemental, tout en augmentant ses qualités. 
Marie Rigouzzo

Si la tomate est originaire d’Amérique du Sud et donc de pays chauds, elle est désormais très largement cultivée dans le monde et sous beaucoup de latitudes. La Chine est le plus gros producteur, suivie de l’Inde et de nombreux pays méditerranéens. En Europe, la France est le 5e pays producteur. Près de 36% des tomates consommées sur le territoire sont importées, essentiellement du Maroc et de l’Espagne.

La technologie Crispr Cas9, récompensée par le prix Nobel, permet d'éditer, c’est-à-dire de modifier des parties d'un génome en supprimant, en ajoutant ou en modifiant des petites sections d’une séquence d'ADN, sans ajout d’ADN externe. Il s’agit actuellement de la méthode d’amélioration des plantes la plus efficace, la plus polyvalente et la plus précise. L'édition génétique, à l'aide du système Crispr-Cas9, permet aux scientifiques et aux sélectionneurs de plantes d'introduire les caractères souhaités dans les plantes de manière beaucoup plus ciblée et rapide. Selon le type de culture et ses caractéristiques, le cycle de sélection peut être raccourci. Par exemple, dans le cas des pommes, il peut être réduit et passer de 15-50 ans à 5-8 ans. L’édition génétique permettra de produire plus efficacement des plantes adaptées au changement climatique et à la nécessité de préserver notre environnement.

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