Beaucoup de variétés disponibles
La production de tomates française se fait, très majoritairement sous serre et à 70% en système hors sol, c’est-à-dire sans contact avec la terre. Cela a orienté la demande vers des variétés productives, adaptées à ce mode de production, à la cueillette et à la conservation. Plus de 15 000 variétés de tomates sont recensées à travers le monde, dont 4000 figurent dans le catalogue européen des espèces et variétés et 480 au catalogue officiel français. Ce nombre important de variétés reflète la recherche intensive sur ce fruit, à la fois pour son aspect, sa couleur, son rendement et sa capacité à résister au maladies.
La cueillette et la conservation : un enjeu industriel
La culture sous serre permet d’approvisionner tous les marchés tout au long de l’année. Des pieds de tomates sont sélectionnés pour produire plus de fruits, ou des fruits plus gros, assurant ainsi un rendement maximal. D’autres facteurs peuvent intéresser les industriels pour assurer une meilleure conservation des tomates. Par exemple, pour éviter que les tiges restées attachées aux pédoncules des tomates lors de la récolte ne les endommagent, des chercheurs français ont réussi à sélectionner des tomates sans pédoncule. Pouvant paraître anecdotique, cette caractéristique n’en est pas moins importante car les blessures des fruits et légumes après la récolte entraînent des pertes de production importantes.
Les consommateurs plébiscitent les formes et les couleurs
Pour répondre à la demande des consommateurs, la taille et la couleur des tomates ont fortement évolué au cours des dernières années. Les gènes principaux impliqués dans la forme des fruits sont connus depuis les années 1950. Après les grosses tomates rondes, rouges et parfaitement calibrées, les consommateurs plébiscitent désormais les tomates plus petites, de couleurs variées, allant du jaune au pourpre, se rapprochant de l’image qu’ils se font d’une « tomate de jardinier ». Certains sélectionneurs ont cartographié les gènes de leurs variétés de tomates et peuvent ainsi guider plus efficacement leurs croisements.
Le graal : retrouver la saveur des tomates d’antan
Le goût des tomates est devenu une attente forte des consommateurs. Or la saveur est liée au contenu des fruits en sucres, en acides et autres composés volatils aromatiques. Des chercheurs de l’INRAE ont identifié de très nombreuses variations fines du génome impliquées dans la perception du goût. Proposer des améliorations est un exercice difficile pour les sélectionneurs car ils doivent composer avec, d’un côté, une perception très personnelle du consommateur et, de l’autre, des schémas d’amélioration compliqués car beaucoup de gènes sont concernés. A cela s’ajoute le fait que la saveur se perd rapidement dans les transports et au cours du stockage.
Prendre soin de sa santé en consommant des tomates
Une autre piste de recherche intensive est celle liée aux aspects nutritionnels avec, notamment, un enrichissement scientifiquement prouvé en composés « bons » pour la santé qui permet de revendiquer une allégation « santé». La tomate est ainsi devenue le premier aliment modifié par la technique Crispr et commercialisé avec cette allégation pour des teneurs augmentées en GABA. Le GABA est produit par notre organisme et joue un rôle clé dans le cerveau et le système nerveux. La tomate appelée « Sicilian Rouge High GABA » contient cinq fois plus de GABA que les tomates normales.
Revenir aux tomates sauvages ?
Le jardinier et l’horticulteur ont donc accès à de très nombreuses variétés cultivées mais qui sont le plus souvent issues de croisements répétés et cela, sur plusieurs générations. Avec des outils d’analyse du génome de plus en plus performants, les chercheurs découvrent que des propriétés de résilience ont été involontairement écartées des programmes de sélection parce qu’elles n’étaient tout simplement pas retenues dans le cahier des charges du sélectionneur.
Ainsi la tomate a fait l’objet d’une sélection si forte sur certains caractères qu’elle en a perdu sa diversité. Alors, retrouver des plantes sauvages permet de reconsidérer des caractéristiques liées à des stress de type adaptation à la sécheresse, à la salinité… ou encore à des voies de régulation de symbiose entre plantes et bactéries des sols qui favorisent la bonne santé des plantes et la bonne croissance des fruits.
A une époque charnière où le cout de l’énergie, l’accès à l’eau et la réduction de produits de traitements autorisés deviennent des freins aux cultures sous serre, l’expression d’une plus grande biodiversité cultivée à partir de variétés sauvages permettra d’améliorer la culture de la tomate pour réduire son impact environnemental, tout en augmentant ses qualités.
Marie Rigouzzo