Le jardin de fleurs comestibles de Pauline

Installée à Coëx dans l’ouest de la Vendée, Pauline Dominicy produit des fleurs comestibles et s’attache à conserver précieusement des graines de chaque variété. Au menu, pas moins de 300 espèces différentes aux goûts et aux couleurs des plus atypiques. Ses clients restaurateurs et pâtissiers en redemandent. Pour structurer cette dynamique en plein essor, une association a même vu le jour. 

Les deux associées, Nathalie et Pauline (à droite) © Carole Loiseau

Ne vous fiez pas aux apparences. Au « Jardin de Pauline », dans ce méli-mélo de fleurs et d’herbes aromatiques, chaque espèce est à sa place. Pas moins de 300 recensées sur ce terrain de 2700 m2, à Coëx, dans l’ouest de la Vendée. Chaque plante, chaque fleur est reconnue par les yeux et les papilles expertes de la maîtresse des lieux. « Ici, il y a de la couleur, des odeurs et des goûts à découvrir tout au long de l’année », affirme Pauline Dominicy, paysagiste et pépiniériste de formation, à la tête de son entreprise depuis avril 2019. Pour cette amoureuse de la nature et plus particulièrement des fleurs, la création de son jardin fut un long parcours. Quand, en 2012, alors responsable du fleurissement de la ville d’Aizenay, elle subit un grave accident, elle se retrouve clouée dans un fauteuil roulant. Pauline ne pense qu’à une chose : se reconstruire, remarcher. Elle y parvient. Interdite de travail et reconnue handicapée à 60 %, elle rebondit pourtant en créant sa propre entreprise.

« J’ai toujours mangé des fleurs »

« Des fleurs comestibles, j’en ai toujours mangé, aiguillée par les connaissances pointues de ma grand-mère. Nous dégustions celles de notre jardin, foisonnant, et quelques-unes sauvages, prélevées dans la nature. Cela m’a toujours intéressée alors, année après année, je me suis documentée sur le sujet. En 2015, en parcourant les allées du Min (Marché d’intérêt national) de Nantes, je m’aperçois vite qu’il n’existe pas de productions françaises, malgré l’intérêt grandissant des cuisiniers et des pâtissiers pour les fleurs, pour décorer ou donner du goût à leurs mets. Ces produits sont alors importés du Maroc, d’Espagne ou d’Israël. Je me dis qu’il y a un créneau à exploiter. » Une idée germe. Elle la teste quelques semaines plus tard au Serbotel, le salon de la pâtisserie de Nantes. Son stand, recouvert de fleurs comestibles de son jardin, est un vrai succès. Lulu Rouget, un restaurateur nantais décoré d’une étoile au guide Michelin, est le premier à lui passer commande. Puis, très vite, tout s’accélère. Aujourd’hui, une cinquantaine de restaurateurs, de pâtissiers, de traiteurs et de fromagers, de Vendée et de Loire-Atlantique, viennent s’approvisionner chaque semaine.

Une collection en perpétuelle évolution

« J’ai commencé par ma propre collection de graines et de plants et l’ai enrichie au fil des fêtes des plantes et des rencontres avec des horticulteurs aussi passionnés que moi », précise-t-elle. En 2019, elle édite même un livre (1) pour répertorier chaque fleur, son goût et ses possibles utilisations en cuisine. Si le jardin produit toute l’année, l’essentiel des semis et plantations se fait au printemps. Pauline n’hésite pas à faire monter à graines quelques pieds pour renouveler son stock de semences qu’elle conserve précieusement au sec, dans le noir, chez elle. Bien évidemment, la production est bio. Quelques poules se chargent même d’éliminer les ravageurs au sol. La cueillette a lieu en général en début de semaine, le matin. Stockés dans des sachets en plastique et conservés en bas du frigo, les fleurs et pétales cueillis peuvent se conserver, selon les espèces, d’une à trois semaines. Nathalie Guérineau, l’associée de Pauline, l’a rejointe en juillet 2022 pour l’épauler mais aussi pour développer de nouvelles activités. « Je m’occupe par exemple des visites guidées sensorielles qui ont lieu chaque lundi et mercredi, d’avril à septembre, précise-t-elle. Je reçois aussi les particuliers qui souhaitent acheter des plantes comestibles et aromatiques, avoir des conseils. Je propose également la vente d’ail noir, une innovation, obtenue après passage de l’ail dans un fermenteur. Une véritable gourmandise, moelleuse et fondante ! »

Une association, pour structurer la filière

Consciente que le marché de la fleur comestible était jusque-là peu structuré, Pauline Dominicy a créé, en mars 2023, l’Apfco, l’Association des producteurs de fleurs comestibles de l’Ouest. Elle en assure la coprésidence. « Nous sommes pour l’heure une dizaine de producteurs, désireux de mettre en place une vraie filière pour rassembler tous les acteurs, de la production à la consommation. Cette association permet d’être plus visible aux yeux de nos futurs clients. » Pauline et Nathalie accueillent régulièrement des stagiaires, pour transmettre leurs connaissances et faire découvrir les richesses de la nature. « En plus des plaisirs olfactifs, visuels et gustatifs, les fleurs ont de réelles vertus pour la santé, à l’image du pourpier ou de la capucine, riches en vitamine C », précise Nathalie.  Pour continuer dans cette transmission, Pauline aimerait créer une formation autour de la fleur comestible au lycée Nature de la Roche-sur-Yon pour attirer de nouveaux talents dans cette voie, pâtissiers, cuisiniers ou particuliers. « Ce serait une première à l’échelle nationale », reconnaît-elle. Un projet d’acquisition d’un autre terrain, de 6000 m2, est également en cours pour multiplier les essais.

Carole Loiseau
 

(1)    « Osons la fleur dans nos assiettes », vendu à 700 exemplaires en 9 mois. Pauline recherche un éditeur pour le rééditer.
 

Boutons, fleurs, feuilles, tiges... le plus souvent, tout se mange ! Les goûts sont différents, selon qu’on les consomme crus ou en infusion. Parmi les plus surprenants du jardin de Pauline ? La plante à fromage dont les feuilles sentent... le fromage, la bourrache au goût de concombre, la capucine qui nous rappelle le radis, l’odeur de cola de l’armoise, la forte amertume de l’achillée, le goût citronné du bégonia ou encore l’impressionnante saveur des petites fleurs de l’ail d’Afrique ! « En général, plus c’est petit, plus c’est fort, note Pauline. Il y a aussi les feuilles au goût d’huître, de champignon, de fruits de la passion ou de curry. Quand un cuisinier vient visiter mon jardin, il a le cerveau en ébullition. Chaque goût, chaque odeur lui donne l’idée d’un nouveau plat. Ces échanges sont, à chaque fois, passionnants. »

Le « Jardin de Pauline » détient le label « Collège culinaire de France » depuis 2022. Ce mouvement associatif regroupe plus de 3000 restaurateurs et artisans locaux, tous militants pour promouvoir des produits de qualité.

LG
MD
SM