Bioénergie, chimie verte & biomatériaux

La croissance démographique, le réchauffement climatique, et la nécessité de préserver notre environnement, tous ces défis nous poussent à explorer des solutions plus efficaces, moins polluantes pour nous nourrir, nous déplacer, nous vêtir, nous loger... Que peut-on attendre des bioénergies ? Qu'entend-on par chimie verte ? Où se cachent les biomatériaux ? Des questions qui mettent les ressources végétales au coeur de la réflexion.

Colza oléagineux, Paysage du sud ouest © Gnis-Studio 77

Les bioénergies : une alternative durable au pétrole ?

La bioénergie s’appuie sur l’utilisation de la « biomasse », les matériaux non-fossiles d’origine biologique, comme les cultures à vocation énergétique (Miscanthus), les déchets et sous-produits agricoles (paille de céréales) et forestiers, le fumier et la biomasse microbienne. Tous ces substrats permettent la production d’une énergie renouvelable via la combustion des résidus de plantes, entiers ou sous forme de granulés, et la méthanisation, quand des bactéries digèrent la cellulose des plantes. 

Les plantes peuvent également produire des biocarburants. Ils sont dits de première génération quand on exploite directement leur huile (pour produire du biodiesel) ou leurs sucres (pour produire du bioéthanol), ou de deuxième génération quand ils sont fabriqués à partir de biomasse lignocellulosique (une solution encore non rentable). L’éthanol et le biodiesel représentaient moins de 2 % des carburants pour le transport en 2007 et les projections indiquent que, d’ici à 2030, leur part dans les carburants atteindra entre 3 et 10 %.

Mais ces bioénergies sont-elles réellement durables ? La FAO invitait à une certaine prudence en juillet 1992 en soulignant divers risques en lien avec la pratique de la monoculture à grande échelle, avec des impacts forts sur la biodiversité et la ressource en eau notamment. En revanche, la mise en place de cultures énergétiques pérennes, pourrait contribuer à améliorer la gestion des sols et à réduire leur érosion, grâce à la couverture permanente et à la formation de racines… à condition toutefois que cela ne génère pas de déforestation pour réimplanter les cultures annuelles déplacées.

Biocarburants : deux générations qui ne cessent de s'améliorer

L’or noir… une ressource précieuse qui nous a permis de rouler toujours plus loin et toujours plus vite. Mais une ressource finie, dont les réserves commencent sérieusement à baisser. D’où l’importance de développer des biocarburants. Car ils permettent, d’une part, de réduire de façon importante les émissions de CO2 d'origine fossile et, d’autre part, de sortir le transport de la dépendance énergétique du tout pétrole, explique l’ADEME  : « Les carburants issus de la biomasse constituent dès à présent la réponse la plus concrète à ces enjeux. » Et des objectifs concrets ont été fixés : en 2020, la France devra avoir incorporé 10 % de biocarburants dans l’énergie dévolue aux transports.

Biocarburants de première génération

Le biodiesel, également appelé « biogazole » ou « diester », est fabriqué à partir de plantes produisant de l’huile (colza, tournesol, Jatropha, caméline, etc.). L’utilisation du biodiesel de tournesol permettrait de diminuer de 73 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à la consommation d’un gazole conventionnel. Une réduction moindre pour le biodiesel issu du colza, de 60 %. 

« Le colza représente en France la culture énergétique la plus importante en surface utilisée, indique l’Inrae. Le biodiesel est le biocarburant privilégié en France. En 2006, la surface de colza énergétique était de 0,68 millions d’ha, contre 0,71 millions pour les usages alimentaires et les autres usages industriels. Pour augmenter la production de biodiesel, il est nécessaire d’améliorer le rendement énergétique du colza. Pour cela, l’une des voies consiste à obtenir des variétés à haut rendement dédiées à cet usage. Les recherches coordonnées des scientifiques de l’Inrae et des sélectionneurs se concentrent depuis quelques années sur la production d’hybrides de colza. » 

Une évolution saluée par l’Académie des technologies dès 2006 : « On doit aux organisations interprofessionnelles une remarquable évolution de la qualité des semences mises à la disposition des agriculteurs et des grains livrés aux industries de transformation ; l’interprofession des oléo-protéagineux a été spécialement active et performante pour assurer le développement de filières industrielles (biocarburant) [...]. »

De son côté, le bioéthanol (ou ETBE pour Ethyl Tertio Butyl Ether) est un alcool issu du sucre contenu dans la betterave à sucre, la canne à sucre ou les céréales (blé, maïs, etc.). Après avoir subi une opération de déshydratation, il peut être incorporé directement à l’essence SP95 jusqu’à 10 %. 

La deuxième génération toque à la porte…

Néanmoins, cette première génération est encore en évolution. Reste en effet à améliorer les procédés de production pour atteindre des gains significatifs en termes d'efficacité énergétique. En attendant, nombreux sont ceux qui se penchent sur d’autres ressources agricoles pour produire ces biocarburants. Car il devient possible de valoriser des parties des plantes qui le sont insuffisamment aujourd’hui (paille, copeaux de bois, déchets agricoles), mais aussi des plantes peu utilisées et qui n’entrent pas en concurrence avec les cultures alimentaires. 

Des combustibles solides

Pour être utilisée en tant que source d'énergie, la biomasse peut-être convertie en combustible solide. Après récolte, les plantes sont concentrées en granulés destinés à alimenter poêles et chaudières. De nombreuses plantes, caractérisées par une production importante de biomasse, sont actuellement testées par l'Inrae dans cette perspective.

Quelques exemples : triticale (plante issue du croisement il y a une cinquantaine d'années entre le blé et le seigle), sorgho (plante proche du maïs et adaptée aux zones séches), fétuque (plante déjà utilisée pour les prairies et les gazons), luzerne (plante fourragère pour les animaux), miscanthus (graminée d'Asie du Sud-Est appelée également herbe à éléphants ou roseau de chine) , peuplier, canne de Provence…

Méthanisation : les plantes cultivées sources de biogaz

La méthanisation est un procédé biologique naturel qui permet de valoriser des matières organiques. Inscrite dans la démarche actuelle de valorisation de ressources énergétiques autres que les carburants fossiles, la méthanisation est un processus qui permet, à partir de presque n’importe quelle matière organique, d’obtenir du biogaz (du méthane à 55-60 % et du dioxyde de carbone à 35-40 %), une énergie renouvelable, et un fertilisant, le digestat. 

Pour cela, la matière organique doit être digérée 40 à 60 jours par différentes bactéries, dans une cuve brassée, et privée d’oxygène et de lumière. Le méthane obtenu peut ensuite servir de combustible carburant pour produire de l’électricité et de la chaleur. Ainsi, plus il y a de méthane dans le biogaz, plus il y aura d’énergie. Rappelons que 1m3 de méthane représente presque 10 kWh électrique (soit environ dix cycles d’une machine à laver de classe A de 5 kg avec une étiquette).

Biomatériaux : les usages se développent

Les plantes peuvent être utilisées pour la fabrication d'agromatériaux, dont les usages se multiplient fortement depuis quelques années.

Prenons l'exemple du lin et du chanvre. Autrefois essentiellement destinés à la fabrication de textiles (toiles, cordages, etc.), ils entrent aujourd'hui dans la composition de nombreux produits. Dans le domaine du bâtiment, leurs propriétés isolantes sont valorisées dans la fabrication de plaques, de revêtements de mur et de sol ou encore de produits de substitution à la laine de verre. On retrouve également du chanvre ou du lin dans des portières d'automobiles !

Ces matériaux offrent l'avantage d'être issus de matières premières renouvelables, et d'être dans certains cas biodégradables.

Chimie verte : une solution d'avenir

L'un des principaux débouchés de l'industrie pétrochimique est la fabrication de plastiques. Aujourd'hui, de nombreuses recherches portent sur l'élaboration de matériaux dotés de propriétés proches de celles des plastiques issus du pétrole, mais fabriqués à partir de végétaux. 

Cette chimie verte utilise comme matière première des productions végétales qui constituent donc une ressource renouvelable. 

De plus, pour se développer, les plantes consomment du gaz carbonique contenu dans l'atmosphère. Elles fonctionnent donc comme de véritables puits de carbone et contribuent ainsi à limiter la teneur en gaz à effet de serre. 

Il s'agit tout de même d'un véritable défi technologique. Dans le cas des bioplastiques par exemple, il n'est pas simple de fabriquer des sacs aussi solides que des sacs en plastique ''classiques'' du fait de leur extrême finesse.

La directive 2009/28/CE relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables définit la biomasse comme « la fraction biodégradable des produits, des déchets et des résidus d’origine biologique provenant de l’agriculture (y compris les substances végétales et animales), de la sylviculture et des industries connexes, y compris la pêche et l’aquaculture, ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et municipaux ».
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