Le thé de compost, un concentré de vie

Très riche en micro-organismes bénéfiques, autant en quantité qu’en diversité, le thé de compost oxygéné est un excellent intrant en agriculture. Ce biostimulant liquide s’élabore à la ferme et s’applique facilement sur le sol ou la végétation. Il rééquilibre la vie microbienne du sol et renforce la vitalité des plantes. Jusqu’alors peu répandu en France, son utilisation se développe.

La qualité du thé de compost est le reflet du compost utilisé. © Sabine Huet

Non, le thé de compost oxygéné (TCO) n’est pas une nouvelle boisson à la mode mais l’infusion d’un compost de qualité. L’idée est d’en extraire les micro-organismes (bactéries, champignons, nématodes, protozoaires…) puis de les multiplier par l’ajout d’éléments nutritifs et de les inoculer au sol ou aux plantes. Assez récente et peu connue en France, cette pratique, qui vient des États-Unis, a été largement étudiée par le Dr. Elaine Ingham. « Elle a élaboré différentes recettes en fonction des familles de plantes et analysé les bénéfices sur le sol et les cultures », explique Jean-Charles Devilliers, formateur en agriculture bio régénératrice. Les micro-organismes ayant besoin d’oxygène pour se développer, la préparation se réalise en milieu aérobie (1). Ce n’est donc pas une solution qui s’achète en bidon, on la fabrique soi-même. « Pour que les micro-organismes soient vivants, actifs et qu’ils apportent le meilleur, le TCO doit être utilisé dans les six heures après sa fabrication. Il ne peut pas être stocké. »

Rééquilibrer la vie du sol

Le thé de compost rééquilibre les populations de micro-organismes des écosystèmes qui entourent les racines et les feuilles des plantes. Apportée au sol par irrigation ou pulvérisation, la solution stimule la nutrition des plantes. « Les organismes actifs dans l’environnement proche des racines forment une interface qui favorise l’assimilation des éléments minéraux et organiques. » Les interactions entre les populations microbiennes produisent des composés facilement assimilables par les plantes. Au-delà du bénéfice nutritionnel, les champignons, les protozoaires et nématodes inoculés au sol consomment les champignons et bactéries pathogènes. « On opère une bascule avec l’apport de bons éléments, on rétablit un équilibre. L’efficacité est d’autant plus grande que la vie biologique du sol a été affaiblie par des fongicides et des engrais minéraux. » Les autres effets constatés sont une meilleure décomposition de la matière organique, une meilleure infiltration de l’eau et une moindre compaction des sols.

Protéger et booster les plantes

Appliqué directement sur la végétation, le thé de compost crée un biofilm microbien qui agit tel un gant de protection sur le feuillage et limite l’apparition des maladies. « Une population dense de micro-organismes bénéfiques occupe l’espace à la surface des feuilles, fait barrière aux pathogènes et entre en compétition avec eux. » Les plantes activent leur système naturel de défense en préventif. « On déclenche une résistance induite aux maladies. » Elles présentent aussi une plus grande tolérance aux stress abiotiques (2) et une meilleure croissance. Le TCO se pulvérise à raison de 200 l/ha à faible pression, moins de 1,5 bar, tôt le matin ou tard au soir. « Les agriculteurs font trois applications au cours du cycle de végétation des grandes cultures, les maraîchers font une application toutes les 2 à 3 semaines ».
Le thé de compost convient aussi bien aux pratiques de l’agriculture biologique qu’à celles de l’agriculture de conservation des sols ou conventionnelle.
Il s’utilise également en traitement de semences ou en inoculation de plants maraîchers.
Sabine Huet

(1) Aérobie : en présence d’oxygène
(2) Contrairement au stress biotique déclenché par des organismes vivants (animaux, insectes, champignons et bactéries pathogènes…), le stress abiotique résulte de facteurs physiques et chimiques (température, sécheresse, inondations, salinité, gestions agronomiques, machines…).

 

Pour réussir le TCO, il faut disposer d’un compost « bio complet », c’est-à-dire comprenant l’ensemble des micro-organismes. Le compost doit présenter un bon équilibre entre les matières vertes azotées et les matières carbonées et avoir été fabriqué en milieu aérobie. « L’idéal est un compost riche en champignons, qui a une bonne odeur de sous-bois, issu d’un mélange de végétaux, de déjections animales avec des vers rouges de lombricompostage qui aèrent bien le tas », précise Jean-Charles Devilliers. Un compost de qualité s’achète chez un maître composteur dans le réseau Composteur de France. » Comptez 20 kg à laisser infuser dans 1000 litres d’eau non chlorée (ou 1 kg pour 20 litres). Le liquide est maintenu en milieu aérobie avec une soufflante d’air et stabilisé à une température de 20 degrés à l’aide d’un thermoplongeur. On y ajoute 1/1000 de mélasse pour nourrir les bactéries et on brasse régulièrement le mélange pendant 24 heures. Inutile de filtrer la solution, l’ensemble des micro-organismes sera ainsi conservé. Pour obtenir un TCO à dominance fongique, plutôt utilisé en maraîchage et grandes cultures, des acides humiques et fulviques sont apportés dans le liquide. « On laisse infuser 36 heures pour que les champignons puissent se développer. » Si le TCO est à destination des prairies et des brassicacées, on préférera un thé « bactérien » obtenu par l’ajout d’orties, de pissenlits, de consoude ou de luzerne.

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