Du lupin pour réduire l'importation de soja ?

Peu développée dans les champs français, la culture de lupin cumule pourtant de nombreux atouts. Cette plante riche en protéines peut aider à réduire l'importation de soja. Intéressante en alimentation animale, la graine de lupin trouve aussi de nombreux débouchés innovants en alimentation humaine. Un projet de recherche lancé en 2024 vise à soutenir son déploiement.

Le lupin forme des gousses sur plusieurs étages, où se trouvent les graines. © Olivier Lévêque

Le lupin regroupe une grande diversité d’espèces. Il existe le lupin ornemental aux nombreuses couleurs dans nos jardins, le lupin jaune du bassin méditerranéen dont les graines sont consommées en saumure, ou encore le lupin bleu cultivé en Allemagne. Mais c’est bien le lupin blanc (Lupinus albus) qui est majoritaire en France. Cultivé principalement dans l’Ouest, en particulier les Pays-de-la-Loire et l’ex-région Poitou-Charentes, cette légumineuse mesure 1 à 1,2 m et présente un feuillage vert plutôt foncé avec des feuilles composées de 5 à 9 folioles. Les fleurs sont blanches, voire bleutées, et les graines, aussi grosses qu’une fève, sont plates et carrées, souvent de couleur blanc-crème.
Ne nécessitant pas d’apport d’azote grâce à sa capacité à fixer l’azote de l’air par ses racines, le lupin est intéressant dans les rotations de cultures. Il aide en effet à rompre les cycles de maladies et des ravageurs sur les céréales. Plutôt robuste, il s’adapte bien à la culture en agriculture biologique. Si la plupart des variétés de lupin se semait à la sortie de l'hiver, la sélection a permis d’obtenir depuis peu des lupins résistants au froid, implantés dès septembre ou octobre. 
 

Des débouchés multiples

Le débouché classique du lupin est l’alimentation animale. Riche en protéines (jusqu’à 40 % de la graine décortiquée), la graine est en effet donnée - souvent broyée - aux animaux monogastriques comme les poules ou les porcs, ainsi qu’aux ruminants (vaches, moutons, chèvres). Produite localement, cette légumineuse se présente comme une alternative intéressante à l’importation de soja, souvent brésilien, affichant ainsi un meilleur bilan environnemental. 
Ces dernières années, le lupin a aussi trouvé sa place en alimentation humaine. Transformé en farine, il devient un ingrédient aux nombreux usages agro-alimentaires. Cette poudre jaune vif, très nutritive (riche en protéines et acides gras essentiels) offre de nombreux intérêts, comme remplacer le jaune d’œuf en pâtisserie-viennoiserie, ou entrer dans la fabrication de produits sans gluten ou sans protéine animale. Des pâtes à base de farine de lupin sont aussi proposées depuis peu sur le marché. Enfin, de nouveaux ingrédients et actifs à base de lupin blanc sont valorisés par l'industrie de la cosmétique.

Un objectif de 25 000 ha de lupin en France

En 2024, 6 000 ha de lupin blanc étaient cultivés sur l’hexagone, dont 1 500 ha par les adhérents de  la coopérative agricole Terrena, indique Bertrand Pinel, responsable innovation de la coopérative basée à côté de Nantes. « Dans les meilleures années, notre coopérative a compté jusqu’à 3 000 ha de lupin. Mais les rendements aléatoires conduisent parfois les agriculteurs à délaisser la culture, pour des productions plus sûres, comme le blé. Par exemple, en 2024, le rendement moyen n’était que de 1,5 t/ha, contre un objectif de 3 t/ha. L’ensemble de notre collecte de lupin a été donc valorisée en alimentation humaine. Mais nous aimerions accroître les volumes à destination des éleveurs. »
Pour défendre cette culture, et espérer atteindre à terme les 10 000 ha de lupin sur son territoire, Terrena a monté avec d’autres partenaires, dont l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) et l'institut technique de la filière des huiles et protéines végétales Terres Inovia, le projet Arsène. Celui-ci se déroule de 2024 à 2029, pour 3 M€ de budget. L’objectif global est de parvenir à 25 000 ha de lupin, pour un volume de 75 000 t de graines. 
 

Sélectionner sur différents axes

Parmi les axes de recherche, l’amélioration génétique des semences. Le semencier Cérience, filiale de Terrena, est d’ailleurs le premier acteur en Europe sur la sélection semencière de lupin blanc. Le travail sur la tolérance à l’anthracnose, une maladie causée par un champignon, doit sécuriser les rendements. « En 2024, avec les conditions météo très pluvieuses, l’anthracnose s’est fortement développée sur le lupin, et explique en partie les chutes de rendements », ajoute Bertrand Pinel. La tolérance au froid est également travaillée en sélection variétale. En échangeant autour des facteurs clés de la culture de lupin, les techniciens et conseillers agricoles pourront mieux accompagner les agriculteurs dans la réussite de cette culture. « Certains agriculteurs obtiennent déjà de bons rendements, jusqu’à 3,5 t/ha ! Mais il est important de choisir les parcelles adaptées, sans excès d’eau, et de maîtriser techniquement cette culture », insiste le responsable innovation de Terrena. Grâce au projet Arsène, une filière lupin blanc pourrait se déployer durablement en France et permettre ainsi aux élevages français de gagner en autonomie protéique.

Olivier Lévêque

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