La luzerne, atout de la transition agroécologique

Culture majeure pour la transition agroécologique, la luzerne séduit par ses nombreux atouts : riche en protéines pour l’élevage, fixatrice d’azote, protectrice des sols et mellifère. Autant de raisons qui poussent de plus en plus d’agriculteurs français à l’adopter.

Pâturage des chèvres dans un champ de luzerne. © Olivier Lévêque

Serait-ce le grand retour de la luzerne ? Dans les années 1960, il se cultivait près d’un million d’hectares de luzerne en France. La culture a ensuite reculé sur l’hexagone, descendant à 250 000 hectares en 2010. En 2024, elle est remontée à 300 000 hectares, soit 1 % de la surface agricole utilisée dans notre pays. Sur ces 300 000 hectares, environ 230 000 hectares sont auto-consommés sur les fermes par les animaux d’élevage et 70 000 hectares sont destinés à la production de luzerne déshydratée, là aussi pour nourrir le bétail. La production de luzerne sert en effet essentiellement pour l’alimentation animale, car elle constitue une excellente source en protéines.
Si elle est originaire d’Asie Mineure où elle a été identifiée il y a près de 10 000 ans, la plante s’est d’abord étendue en Europe méditerranéenne et Afrique de l’Est puis du Nord, et enfin dans le monde entier à partir du XVe siècle. C’est désormais la première légumineuse cultivée, avec 33 millions d'hectares, dont plus de 20 millions d’hectares en Amérique. L’hexagone est le 3e producteur européen de luzerne déshydratée derrière l’Espagne et l’Italie. Totalisant 80 % de la luzerne en France, la Champagne-Ardenne est une région majeure pour la culture. 

Une racine jusqu’à 5 m

« C’est la culture la mieux indiquée pour accompagner la transition agroécologique ! » indique le chef marché luzerne d’une entreprise semencière spécialiste de la culture. Pour lui, la culture multiplie les atouts ! Grâce à son système racinaire en pivot, la plante peut puiser de l'eau et des nutriments dans des couches du sol en profondeur, jusqu’à 5 m ! C’est donc une plante totalement adaptée pour résister aux étés chauds et secs, de plus en plus nombreux ces dernières années. 
Comme la culture est pérenne, restant en place 3 à 5 ans, elle limite l’effet d’érosion des sols, grâce à une couverture permanente dans les champs. Même en cas d’orage, la terre n’est pas emportée dans les eaux de ruissellement à la différence d’une parcelle nue. Cette couverture permanente des sols est aussi intéressante pour la biodiversité : gibier, polinisateurs, etc. La luzerne est d’ailleurs une espèce mellifère, qui offre du nectar aux abeilles. En Champagne-Ardenne notamment, le miel de luzerne est reconnu. Il est doux, à l'arôme léger et au goût discrètement fruité et acidulé.
 

Une culture peu gourmande

La luzerne est aussi une culture bas intrants, c’est-à-dire qu’elle n’a pas besoin d’apport d’azote, et peut se passer d’irrigation. Elle est peu sensible aux attaques d’insectes et de maladies. Pour alimenter les ruminants, elle est valorisée de différentes manières : en foin, en granulés grâce à la luzerne déshydratée, et même en pâturage ! Elle se cultive seule, ou mélangée à d’autres espèces, notamment des graminées (comme le raygrass), ou d’autres cousines légumineuses, comme le trèfle blanc ou violet. 
Avec le changement climatique, il est de plus en plus compliqué de réussir les semis de luzerne en fin d’été. Alors, les semenciers accompagnent les agriculteurs pour réussir leurs semis au printemps, y compris sous un couvert d’autres cultures. « L’objectif est de semer la luzerne du 15 février jusqu’à fin avril sous de l’avoine, de l’orge, ou du tournesol. Ces plantes font de l’ombre à la luzerne, qui peut pousser tranquillement jusqu’à la moisson de ces cultures. Et ensuite, elle pourra réaliser son développement ! Nous n’inventons rien, cela se pratiquait déjà par les anciens ! », explique l’un d’entre eux.

Un développement mondial

Aujourd’hui, la demande en semences de luzerne est forte. Plusieurs axes guident la recherche semencière en luzerne : productivité et taux de protéines, tolérance aux nématodes (vers microscopiques du sol) et aux maladies (champignons, comme l’anthracnose).
Les semenciers regardent également le comportement des luzernes à l’arrivée de nouvelles problématiques venant du Sud, comme des insectes et des viroses ! Une des réponses apportées est de mélanger des variétés, pour miser sur les meilleurs comportements des unes ou des autres en fonction du contexte. Et cela marche, à en croire les semenciers, confiants dans la capacité de la plante à relever de nombreux défis agroécologiques.

Olivier Lévêque
 

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