Des abeilles domestiques et leurs alliés
En tournesol, s’il n’existe pas de chiffres aussi précis qu’en colza, il est admis que les insectes pollinisateurs réalisent une très grande partie de la pollinisation en production de semences : au moins 70 à 80 %. En soja, à l’inverse, les pollinisateurs n’ont pas de rôle stratégique, les fleurs étant auto-fécondes.
Les pollinisateurs regroupent les abeilles domestiques, élevées par les apiculteurs, mais aussi toute une cohorte d’abeilles sauvages (bourdons, andrènes, osmies, mégachiles, etc.). « Ce qui est souvent méconnu, c’est le besoin de complémentarité entre insectes pollinisateurs pour obtenir une bonne fécondation des fleurs en production de semences, précise Jean-Christophe Conjeaud. Par le passé, la production de semences de colza se faisait majoritairement en région Centre, région très céréalière. Avec l’arrivée des hybrides en 2006, nous avons vu les rendements en semences baisser, malgré la présence de ruches autour des champs. En déployant la multiplication de semences dans des secteurs plus diversifiés, notamment la façade Atlantique ou le sud-est de la France, à proximité de bois et de haies, les rendements sont remontés ! », indique le responsable. La présence d’abeilles sauvages peut multiplier jusqu’à cinq fois l’efficacité pollinisatrice des abeilles domestiques.
Des pollinisateurs chouchoutés
La présence de pollinisateurs, domestiques et sauvages, est donc primordiale pour la réussite d’une production de semences en quantité et en qualité. Elle est d’ailleurs totalement comprise par les producteurs de semences, qui ont su faire évoluer leurs pratiques pour préserver les pollinisateurs. « Les producteurs de semences ne traitent jamais avec des produits phytosanitaires en période de floraison. Ils limitent aussi au maximum les divers traitements en présence de pollinisateurs. Au final, nous recensons très peu de mortalités sur les colonies d’abeilles en lien avec nos pratiques agricoles », se félicite Jean-Christophe Conjeaud.
Avec près de 30 000 ha de surfaces semencières en colza et tournesol sur la France, et à raison de deux colonies nécessaires par hectare de semences sur ces cultures, ce ne sont pas moins de 60 000 colonies d’abeilles domestiques qui sont déployées pour assurer une bonne pollinisation chaque année. Des partenariats sont conclus depuis de nombreuses années entre agriculteurs et apiculteurs, pour garantir une présence suffisante d’abeilles au moment des floraisons, et ainsi, assurer la meilleure production de semences possible.
Partenariats agriculteurs-apiculteurs
En 2011, un outil a été conçu par l’Anamso pour mettre en relation agriculteurs et apiculteurs. Cette plateforme en ligne, nommée Beewapi, est actuellement en veille, pour être redéployée en intégrant un nouveau volet informationnel, sur les enjeux de la pollinisation. Autre outil pensé par l’Anamso et déployé plus récemment : Beexpert. Construit grâce aux résultats du projet de recherche Polapis mené de 2013 à 2016, ce service a pour but de mieux caractériser les colonies d’abeilles domestiques à des fins de pollinisation. L’enjeu est de pouvoir identifier plus finement le nombre d’abeilles domestiques présentes dans chaque ruche et leur capacité à polliniser les fleurs, afin d’obtenir une bonne fécondation.
Aujourd’hui encore, des travaux de recherche sont menés autour de l’apiculture et des enjeux de pollinisation. En 2024, une nouvelle unité mixte technologique (UMT) a été validée par le ministère de l’Agriculture pour engager différents partenaires sur ces sujets. Son nom : ETTAP (Équipe Transdisciplinaire pour la Transition de l’Apiculture et de la Pollinisation). Les abeilles, et plus généralement l’ensemble des pollinisateurs des cultures, ont encore de nombreux secrets à livrer.
Olivier Lévêque