L'abeille, acteur clé dans la production de semences de colza et tournesol

Sur les cultures oléagineuses comme le colza et le tournesol, les pollinisateurs sont importants pour une bonne fécondation des fleurs. Ils sont même indispensables en production de semences. Parmi ces pollinisateurs, l’abeille domestique, productrice de miel, réalise une bonne partie du travail.

Les abeilles butinent les fleurs de tournesol et réalisent par la même occasion la pollinisation. © Olivier Lévêque

Entre 70 et 75 % des plantes cultivées dans le monde dépendent de la pollinisation entomophile, c’est-à-dire par les insectes. Pour la culture de colza, la contribution des insectes à la production de graines se situerait autour de 30 %. Chez cette espèce en effet, l’autopollinisation passive (lorsque le dépôt du pollen sur le pistil peut s'effectuer seul) est prépon-dérante (70 %). Le vent, lui, ne contribue qu’en moindre proportion à la fécondation florale. 
En production de semences de colza, particulièrement en hybrides, la contribution des pollinisateurs à la production de graines atteint pour sa part les 93 % ! « Cela s’explique par le besoin de transport de pollen entre la lignée parentale mâle fertile, jusqu’aux lignées parentales femelles non productrices de pollen », indique Jean-Christophe Conjeaud, responsable de projets recherche et dévelopement à l’Anamso (Association nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences oléagineuses). Cette association représente 3 500 producteurs français de semences de colza, tournesol et soja.

Des abeilles domestiques et leurs alliés

En tournesol, s’il n’existe pas de chiffres aussi précis qu’en colza, il est admis que les insectes pollinisateurs réalisent une très grande partie de la pollinisation en production de semences : au moins 70 à 80 %. En soja, à l’inverse, les pollinisateurs n’ont pas de rôle stratégique, les fleurs étant auto-fécondes. 
Les pollinisateurs regroupent les abeilles domestiques, élevées par les apiculteurs, mais aussi toute une cohorte d’abeilles sauvages (bourdons, andrènes, osmies, mégachiles, etc.). « Ce qui est souvent méconnu, c’est le besoin de complémentarité entre insectes pollinisateurs pour obtenir une bonne fécondation des fleurs en production de semences, précise Jean-Christophe Conjeaud. Par le passé, la production de semences de colza se faisait majoritairement en région Centre, région très céréalière. Avec l’arrivée des hybrides en 2006, nous avons vu les rendements en semences baisser, malgré la présence de ruches autour des champs. En déployant la multiplication de semences dans des secteurs plus diversifiés, notamment la façade Atlantique ou le sud-est de la France, à proximité de bois et de haies, les rendements sont remontés ! », indique le responsable. La présence d’abeilles sauvages peut multiplier jusqu’à cinq fois l’efficacité pollinisatrice des abeilles domestiques.

Des pollinisateurs chouchoutés

La présence de pollinisateurs, domestiques et sauvages, est donc primordiale pour la réussite d’une production de semences en quantité et en qualité. Elle est d’ailleurs totalement comprise par les producteurs de semences, qui ont su faire évoluer leurs pratiques pour préserver les pollinisateurs. « Les producteurs de semences ne traitent jamais avec des produits phytosanitaires en période de floraison. Ils limitent aussi au maximum les divers traitements en présence de pollinisateurs. Au final, nous recensons très peu de mortalités sur les colonies d’abeilles en lien avec nos pratiques agricoles », se félicite Jean-Christophe Conjeaud.
Avec près de 30 000 ha de surfaces semencières en colza et tournesol sur la France, et à raison de deux colonies nécessaires par hectare de semences sur ces cultures, ce ne sont pas moins de 60 000 colonies d’abeilles domestiques qui sont déployées pour assurer une bonne pollinisation chaque année. Des partenariats sont conclus depuis de nombreuses années entre agriculteurs et apiculteurs, pour garantir une présence suffisante d’abeilles au moment des floraisons, et ainsi, assurer la meilleure production de semences possible.
 

Partenariats agriculteurs-apiculteurs

En 2011, un outil a été conçu par l’Anamso pour mettre en relation agriculteurs et apiculteurs. Cette plateforme en ligne, nommée Beewapi, est actuellement en veille, pour être redéployée en intégrant un nouveau volet informationnel, sur les enjeux de la pollinisation. Autre outil pensé par l’Anamso et déployé plus récemment : Beexpert. Construit grâce aux résultats du projet de recherche Polapis mené de 2013 à 2016, ce service a pour but de mieux caractériser les colonies d’abeilles domestiques à des fins de pollinisation. L’enjeu est de pouvoir identifier plus finement le nombre d’abeilles domestiques présentes dans chaque ruche et leur capacité à polliniser les fleurs, afin d’obtenir une bonne fécondation.  
Aujourd’hui encore, des travaux de recherche sont menés autour de l’apiculture et des enjeux de pollinisation. En 2024, une nouvelle unité mixte technologique (UMT) a été validée par le ministère de l’Agriculture pour engager différents partenaires sur ces sujets. Son nom : ETTAP (Équipe Transdisciplinaire pour la Transition de l’Apiculture et de la Pollinisation). Les abeilles, et plus généralement l’ensemble des pollinisateurs des cultures, ont encore de nombreux secrets à livrer.

Olivier Lévêque
 

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