Le long chemin des végétaux

Les plantes que nous consommons aujourd’hui sont très éloignées de leurs ancêtres sauvages. Elles ont toutes été façonnées progressivement par l’homme depuis le Néolithique, dans toutes les régions du monde. Savez-vous à quoi elles ressemblaient avant ? 

On a retrouvé début 2017 en Patagonie des fruits fossiles de la famille des Solanacées, famille de la tomate, de la pomme de terre et des poivrons, datant de 52,2 millions d’années ! Mais c’est des millions d’années plus tard que pour sa subsistance l’homme a utilisé les mutations naturelles repérées parmi les plantes. Il les a ressemées et a amplifié les caractères les plus comestibles (goût, consistance, couleur,…) en ne conservant que les plantes qu’il préférait sur plusieurs générations. Comme pour les animaux, on parle de domestication. Voyons-en quelques exemples...

Le maïs : l’un des plus anciens végétaux 

L’une des plus anciennes domestications est celle du maïs il y a 9000 ans. A l’époque, son épi ne mesurait que quelques cm et les hommes en mangeaient les grains minuscules qui étaient protégés par une coque dure. Le maïs était la nourriture de base des civilisations précolombiennes qui l’ont sélectionné et déifié. Il a été importé d’Amérique centrale en Europe par les premiers explorateurs au XVème siècle. Sa richesse, sa diversité génétique et son adaptabilité en ont fait la première céréale cultivée au monde aujourd’hui. La taille de son épi a été multipliée par 100, et ses grains nus sur un gros épi le rendent infiniment plus digeste pour l'homme et ses animaux domestiques tels que les porcs et les volailles.

Le blé, une origine complexe

Le blé cultivé aujourd’hui prend son origine dans le Croissant fertile du Levant, dans des territoires actuels syriens et turcs. Le blé que nous voyons dans les champs est issu de plusieurs ancêtres sauvages et résulte de deux hybridations spontanées entre blés cultivés et espèces sauvages, qui auraient eu lieu il y a  environ 200 000 et 12 000 ans. Les blés ancestraux ne comportaient que quelques grains sur chaque épi, qu’il fallait décortiquer un à un pour les consommer ! Puis la culture du blé s’est répandue en Europe vers – 7 000 ans. Ces ancêtres ont évolué, avec des épis plus grands, avec plus de grains, plus panifiables. Ils ont donné d’une part le blé tendre, dont on fait la farine et le pain, et d’autre part le blé dur, pour la semoule et les pâtes.

Les végétaux ont conquis le monde !

La tomate a été domestiquée au Mexique d’où elle a été rapportée en Italie vers 1550 des voyages de découverte initiés par Christophe Colomb, de même que le piment ou le haricot originaire d’Amérique Centrale et du Sud (il est présent dans un site archéologique au Pérou datant de 7000 ans av. J.-C.). L’aubergine fut, elle, domestiquée en Asie (de l’Inde à la Chine du Sud-ouest) dans les siècles précédant l’ère chrétienne. La famille du melon et des concombres est apparue en Asie mais on trouve aussi des melons sauvages en Afrique et en Australie. La carotte n’a été domestiquée qu’au Xème siècle en Afghanistan et la laitue proviendrait des montagnes du Kurdistan. Le chou provient du Sud-Ouest de l’Europe ; il était la base de l’alimentation jusqu’à la Renaissance en France.

Les méfiances surmontées, un foisonnement  de goûts et de couleurs

Dès son introduction au XVème siècle, le haricot a connu le succès comme légume car il était facile à cultiver et correspondait bien au goût de l’époque. Mais pour la plupart il a fallu des siècles pour que les plantes soient utilisées en légumes et fruits. A l’échelle de l’évolution, la diversité est récente mais elle explose maintenant ! 

A l’époque romaine, de nombreuses plantes n’étaient cultivées que pour l’huile de leurs graines ou à visée médicinale. Au XVIème siècle, on se méfiait des premières tomates (elles étaient jaunes d’où leur nom italien pomodoro) par crainte d’empoisonnement, car elles sont de la même famille que la belladone. Dans la vallée de Saint Nectaire en Auvergne, au XIXe, la laitue virosa était cultivée pour les vertus apaisantes de son latex, ou comme somnifère. Le melon non sucré est resté un légume en Afrique et en Asie, avec une grande diversité de formes : rond ou allongé type « serpent » à chair blanche, tandis que la version sucrée  a pris un essor comme fruit en Europe, là aussi avec une grande diversité de formes, de couleurs de la chair et de l’écorce, et de goûts.

 
L’adoption des végétaux nouveaux passait par l’engouement des rois ou du pape. Dès 812, Charlemagne préconisait la culture de 88 plantes comme les laitues, céleri, carotte, radis, fèves, concombre, melon… dans ses domaines royaux. Mais il faut attendre plusieurs siècles et la Renaissance pour que cette diversité commence à se retrouver dans l’alimentation plus ou moins courante. Aujourd’hui, nous bénéficions de tout cet héritage que les sélectionneurs préservent, entretiennent rigoureusement et utilisent comme sources pour diversifier toujours plus les aliments à notre disposition, et les adapter à nos goûts et attentes du moment ! 

Isabelle Ferrière

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