La production biologique serait sur une pente ascendante... Est-ce confirmé ? Et si oui, comment expliquez-vous cet état de fait ?
Le premier semestre 2016 a coïncidé avec un record historique du nombre d’engagements dans la production biologique en France. Cela a été établi par l’Agence bio, la plateforme nationale d'information et d'actions pour le développement de l'agriculture biologique en France. Il y a, selon moi, plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, une sensibilité grandissante à l’environnement et au bien-être animal au sein de la population française, dont font bien évidemment partie les agriculteurs et les éleveurs. Ensuite, il y a un marché pour le bio, des attentes des consommateurs. Car, même si la production bio est en croissance, un quart des produits bio vendus en France sont importés !
Je tiens à préciser que le développement, en parallèle du bio, de filière courtes attentives à l’origine de produits constitue une tendance de fond. Et cette tendance n’a cessé de se renforcer depuis trente-cinq ans. Il n’est plus possible aujourd’hui de la confondre avec un simple effet de mode.
Justement, pouvez-vous nous rappeler quels sont ces fondamentaux ?
On peut citer notamment :
• Le respect des cycles naturels et le maintien de la biodiversité.
• Le non-recours à des intrants de synthèse.
• L’amélioration du bien-être animal.
• L’absence d’utilisation de plantes OGM (organismes génétiquement modifiés).
• La traçabilité du bio depuis la semence pour la production végétale (ou de la naissance de l’animal en élevage) jusqu’à la commercialisation du produit.
Le cahier de charges AB s’engage exclusivement sur la qualité environnementale. La recherche d’un meilleur profil nutritif ne fait donc pas partie des objectifs du cahier des charges AB, contrairement à ce que certains articles de presse peuvent laisser penser. Toutefois, la production de produits de qualité figure dans les objectifs du règlement.
La conversion des agriculteurs au cahier des charges AB est-elle toujours encouragée par l’État ?
Oui, cette aide est instaurée pour une durée de cinq ans… Tout simplement, pour combler le manque à gagner des agriculteurs sur cette période. Cinq ans, c’est le délai pour acquérir le savoir-faire nécessaire à la production AB, et donc gagner en rentabilité.
Le cahier des charges AB tolère néanmoins l’utilisation de certains produits ?
Oui, car il faut être réaliste : on aurait peu, voire pas, de résultats si on ne recourait pas au cuivre par exemple. Il faut bien protéger les plantes des attaques qu’elles subissent. Or, elles sont nombreuses ! Mais le cahier des charges AB définit ce qui peut être utilisé, en termes de types de produits, ainsi que de modalités d’application (type de culture, nombre de traitement, doses à appliquer). Tout d’abord, l’impact environnemental doit être faible. Ensuite, il est interdit de traiter la plante avec des produits chimiques de synthèse, notamment les produits « systémiques », c’est-à-dire qui pénètrent dans la plante. Les produits non systémiques sont, bien entendu, moins puissants.
Vous dites que le bio commence à la semence, pourquoi est-ce nécessaire ?
La semence, c’est un matériel de reproduction : c’est le début de tout. Par conséquent, il est indispensable que les agriculteurs bio mettent en terre des semences bio. Celles-ci proviennent des champs d’agriculteurs multiplicateurs de semences qui, eux-mêmes, respectent le cahier des charges AB. Ainsi, il y a cohérence et traçabilité.
Parfois, comme ce que l’on a connu en 2016, les conditions climatiques engendrent trop de maladies, et il n’y a pas ou peu, pour certaines espèces, de production de semences en AB. Dans ce cas, les agriculteurs font des demandes de dérogation pour avoir le droit d’utiliser des semences venues d’agriculteurs-multiplicateurs conventionnels, avec l’exigence de ne pouvoir utiliser que des semences non traitées.
La semence est stratégique à un deuxième niveau. Elle porte en elle une génétique, qui sera décisive pour la suite…
On entend de plus en plus de voix, venues d’horizons variés, affirmer que les nouvelles techniques de sélection végétale (la mutagénèse, par exemple) sont l’avenir de l’agriculture biologique et de l’agro-écologie. Car, en apportant de plus grandes résistances naturelles aux plantes, elles permettraient de limiter l’apport de produits phytosanitaires. Pourtant, de nombreux représentants des producteurs AB ont des réticences sur ce sujet. Un consensus est-il envisageable dans un futur proche ?
L’Inao a pour mission la mise en œuvre de la politique européenne sur le sujet de la production bio, et n’a donc pas vocation à prendre position sur ce sujet. Mais la question est posée sur la table de discussion de l’Union européenne, afin d’avoir une prise de position concernant les variétés produites avec ces nouvelles techniques de sélection.
Propos recueillis par A.G.