Maintenir des variétés anciennes pour l'avenir des jardins

Les variétés potagères dites “anciennes” retrouvent une place de choix dans les potagers des jardiniers amateurs et chez les petits maraîchers. La Ferme de Sainte Marthe conserve et multiplie ces variétés riches en histoire et produit leurs précieuses semences.

La Ferme de Sainte Marthe a bénéficié du fonds d'aide de l'interprofession des semences et plants pour le maintien de cinq variétés :  l'aubergine Monstrueuse de New York (ici en photo), la tomate Reine des Hâtives, le potiron Vert Olive, le piment Purple et la tomate Prince Borghese. ©Ferme de Sainte Marthe

L’aubergine Monstrueuse de New York, une variété du catalogue Vilmorin de 1870, la tomate Reine des Hâtives, première tomate distribuée en France datant de 1858 ou encore la laitue Blonde Paresseuse, pas pressée de monter à graines. Des noms évocateurs qui font voyager dans le temps et saliver les jardiniers amateurs, pressés de les voir pousser dans leurs carrés. Mais où trouver les graines de ces petites merveilles ?
La Ferme de Sainte Marthe, installée dans la vallée de l’Authion entre Angers et Saumur, propose à la vente pas moins de 1400 variétés anciennes dont les deux tiers sont produits sur site et par les agriculteurs multiplicateurs partenaires. “Chaque année, nous ajoutons des anciennes variétés populations, remettons en lumière ces souches oubliées. Nous travaillons les variétés anecdotiques, les petits volumes, les souches retrouvées”, raconte Dominique Velé, directeur de la ferme. Un musée à ciel ouvert !
 

Repérer des pépites

Depuis plus de 40 ans, la ferme de Sainte Marthe défend la biodiversité des espèces potagères cultivées et oeuvre pour rendre disponible aux jardiniers amateurs et petits maraîchers professionnels une diversité de variétés anciennes. “Nous réinscrivons les variétés anciennes au Catalogue Officiel et assurons le travail de maintenance.” Quezaco ? Maintenir une variété, c’est la préserver telle qu’elle a été décrite à l’origine. Et comment fait-on ? “Je repère dans les anciens catalogues des semenciers français et européens, dans les collections privées de jardiniers et dans les collections institutionnelles de l’Inrae (1) une variété population intéressante qui pourra être reproduite puis cultivée dans les jardins.”  Une fois identifiée, un échantillon de graines est récupéré auprès de l'institut ou d’un jardinier collectionneur, puis mis en culture. L’homogénéité des plantes est LE critère qui donne le feu vert pour la suite. “Si la souche est homogène à 75 - 80%, il sera possible de la maintenir.

Comme sur la photo

Commence alors le travail de sélection massale (1) conservatrice. Les plantes indésirables, non conformes, sont éliminées. Les individus qui ressemblent le plus à l’original sont extraits et, cela, le plus tôt possible en végétation pour éviter les croisements entre plantes. "Les espèces allogames comme les courges, pour lesquelles il y a beaucoup de variabilité à cause des croisements entre individus, sont plus difficiles à travailler. Les espèces autogames comme les tomates s’épurent plus facilement.” La sélection des plantes est réalisée selon le descriptif historique du catalogue officiel ou des anciens catalogues commerciaux des semenciers. “Lors de l’épuration, on se base surtout sur le visuel de la plante et du fruit. L’objectif, c’est que le fruit obtenu dans le jardin corresponde à la photo sur le sachet.” Il faudra plusieurs années entre le semis des premières graines et la mise en marché de la variété. Exemple, “trois ans pour une tomate cerise, 5 à 7 ans pour une grosse tomate produisant moins de graines.
Sabine Huet

(1) La sélection massale est une méthode d'amélioration des plantes qui consiste à sélectionner les graines des meilleures plantes d'une population donnée pour les utiliser comme semences.

Il existe deux listes dans le Catalogue officiel sur lesquelles les variétés potagères anciennes pour jardiniers amateurs peuvent être inscrites : celle des “variétés de conservation" menacées d’érosion génétique, et celle pour les variétés dites "sans valeur intrinsèque” mais adaptées à des conditions de cultures particulières. Inscrire une variété sur ces listes représente un coût. De même que la maintenance, c’est-à-dire le fait de conserver la variété avec toutes les caractéristiques qui y sont traditionnellement attachées. C’est pourquoi l’interprofession des semences et des plants a lancé,en 2020,un fonds pour encourager et soutenir le travail de maintenance des variétés du domaine public qui ont une valeur patrimoniale et dont le marché est trop étroit pour couvrir les frais de maintenance. L’objectif est aussi de préserver, de maintenir et d’enrichir une diversité de variétés proposées aux utilisateurs professionnels ou amateurs. Toute entreprise, structure ou personne physique qui réalise le travail de maintenance et de production de semences de ces variétés peut solliciter le fonds. Parmi les premiers dossiers déposés fin 2020, 32 variétés anciennes de légumes concernant 12 espèces légumières (chou, pois potager, carotte, haricot, oignon, tomate, cardon, céleri, laitue, mâche, pastèque, radis) ont été retenues et soutenues financièrement par le fonds. Et 56 variétés déposées en 2021 ont été acceptées début 2022 !
 

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