Le melon : une diversité foisonnante de types et d'usages

Catherine Dogimont - Directrice de Recherche à l’INRA

En France, nous aimons les melons-fruits sucrés, de types charentais. Etaient-ils différents il y a un siècle ? Catherine Dogimont, Directrice de Recherche* à l’INRA, nous dévoile les origines et les évolutions de ce fruit. En réalité, le melon présente une diversité foisonnante de types et d’usages selon les traditions dans chaque région du monde et les sélections opérées au fil des siècles.

Que penseraient nos arrière-grands parents des melons d’aujourd’hui ?

Vers 1900, sur le marché de Cavaillon on trouvait de gros melons ovoïdes, comme des ballons de rugby, à chair blanche : rien à voir avec les types charentais cultivés en grande majorité aujourd’hui, à Cavaillon comme dans le reste de la France ! Ces melons ont quasiment disparu chez nous, mais on les trouve encore cultivés en Espagne (types Tendral ou Rochet, Vert olive d’hiver). De même, le Blanc d’Antibes qui était aussi à chair blanche, mais rond et à écorce vert clair, n’est plus qu’une curiosité en France mais est un type de melons très appréciés aux Etats-Unis, sous le nom de Honey Dew.

On retrouve actuellement un intérêt pour ces melons anciens, mais leur fragilité rend leur production aléatoire. Pour les cultiver il faudrait refaire avec eux tout le long travail de sélection pour introduire les résistances aux maladies et aux ravageurs ainsi que pour améliorer la durée de conservation après récolte, comme cela a été accompli avec succès au cours des 40 dernières années sur les types charentais, tout en maintenant leur goût sucré et aromatique. Grâce à ce patient travail, les variétés actuelles assurent une production régulière en même temps que leurs résistances aux maladies et pucerons contribuent à limiter l’emploi de produits phytosanitaires pendant leur culture. 

Sait-on combien il existe de types de melons ?

Il en existe une multitude de cultivés de par le monde. Chaque population a sélectionné un ou des types qui leur sont propres. Cette diversité de formes (ronds, allongés, très allongés ou plats), de couleur d’écorce (jaune, verte, orange, de couleur uniforme ou tachetée, striée..), de couleur de chair (orangé, verte, blanche), de texture (fondante, croquante, farineuse…), et de goût sucré ou non, aromatique ou non, correspond aussi à une diversité des usages. De nombreux types de melons sont consommés comme des légumes, soit immatures et crus comme des concombres, en pickles conservés dans le vinaigre, ou cuits en légumes. Ainsi en Afrique du Nord et de l’Est, on consomme couramment des melons « serpents » de types flexuosus ; ils peuvent atteindre 1,80m de long !

Les melons desserts présentent aussi une très grande diversité de goûts et de textures. Autour de la Méditerranée, l’Espagne préfère le Piel de Sapo et le Canari, l’Italie de gros melons à chair orange, très brodés et côtelés, la Turquie le type Kirkagaç. Aux Etats-Unis, on aime les melons à chair orange et écorce très brodée (western shipper), ou à chair blanche et écorce lisse (Honey Dew). 

Le melon sauvage d’origine n’a pas grand-chose à voir avec celui d’aujourd’hui. Est-il comestible, consommable ?

Vraisemblablement originaire d’Asie, comme son cousin botanique le concombre, le melon sauvage est une plante très ramifiée à petites feuilles et fleurs (mâles et femelles), aux fruits de 3 à 5 cm de diamètre remplis de petites graines, avec très peu de chair, et cette dernière non sucrée voire amère. Ces fruits ne sont pas toxiques mais il est sûr que nous ne les mangerions pas ! On trouve encore ces formes sauvages en Asie, en Afrique et en Australie. Au début de la domestication, ils ont pu servir à alimenter le bétail, à la consommation humaine des feuilles et des fruits cuits dans des sauces, comme cela se pratique encore aujourd’hui, ou à usage médicinal. Au fil des siècles, les hommes les ont sélectionnés sur la taille et la forme des fruits et sur l’épaisseur de la chair, et l’amertume a disparu.

Ces types de melons sont-ils tous répertoriés, conservés ? Peut-on les cultiver ? 

A l’INRA d’Avignon, dans le Centre de Ressources Génétiques du GAFL*, plus de 2300 variétés de melons sauvages et cultivés, du monde entier, sont conservées. Il est possible de demander des échantillons de graines de la collection nationale.

Nous étudions la diversité de ces melons pour décrire en détails leurs caractères d’intérêt agronomique, telles des résistances aux maladies et aux ravageurs des cultures. Par exemple, les melons que nous consommons résistent à des maladies, suite à des croisements opérés avec des melons originaires d’Asie.

Les sélectionneurs privés participent à ce travail de conservation et d’évaluation des ressources génétiques. Il est très important de conserver cette diversité pour le futur. Lorsque de nouveaux parasites apparaîtront, par exemple à la faveur du changement climatique, nous pourrons puiser dans ce vivier de nouvelles sources de résistances naturelles pour protéger les cultures. Actuellement nous étudions les systèmes racinaires, où les plantes puisent leurs forces pour se développer, pour voir si certains caractères pourraient favoriser une meilleure tolérance des melons aux maladies et parasites du sol, ou encore leur permettre de pousser dans des sols plus secs ou légèrement salins.

* Catherine Dogimont, Directrice de Recherche à l’INRA, animatrice du groupe « Résistances et reproduction du melon » de l’Unité de Génétique et Amélioration des Fruits et Légumes (GAFL)

Propos recueillis par Isabelle Ferrière

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