Des arbres au coeur de parcelles agricoles

L’agroforesterie occupe une place de choix dans la transition vers des systèmes agricoles durables. Les arbres et les haies sont source de nombreux bénéfices autant pour les productions végétales associées que pour l’élevage.

L'arbre agroforestier, ici associé à du maïs, est un maillon essentiel du cycle de la fertilité. ©Séverin-Lavoyer

Inspirée des techniques ancestrales combinées à l’innovation, l'agroforesterie s’inscrit pleinement dans le développement d’une agriculture durable. Le GIEC (1) considère d’ailleurs qu’elle a un effet positif sur l'atténuation, l'adaptation au changement climatique et la sécurité alimentaire, ainsi que dans la lutte contre la désertification ou la dégradation des terres.

Différents modèles

Mais de quoi parle-t-on ? Il existe une infinité de systèmes agroforestiers dont le principe de base est d’intégrer des arbres et haies bocagères à une production agricole. En grandes cultures et maraîchage, des essences forestières et/ou fruitières sont plantées en alignement dans une parcelle ou en bordure. Le sylvopastoralisme et le pré-verger consistent à faire pâturer des animaux (ovins, bovins, caprins, porcins) dans des bois ou prairies arborées d’arbres fruitiers, forestiers ou fourragers. Les parcours volailles plein air accueillent des arbres alignés ou isolés, des haies ou des bosquets. Le jardin-forêt diversifie les plantations étagées sur différentes strates de végétation. Enfin, la vitiforesterie se développe dans les vignobles. “L’agroforesterie s’inspire du modèle de la forêt, l'arbre étant le maillon essentiel du cycle de la fertilité”, expose Fabien Balaguer, directeur de l'Association française d’agroforesterie. Les objectifs de l'agriculteur, les débouchés agroforestiers envisagés, les contraintes de sol et du système de production,  la dimension des machines agricoles déterminent les essences, la densité de plantation, l'orientation et la distance entre les rangées d'arbres. Quelques exemples. Le saule et l’aulne s'adaptent bien aux zones humides. Les merisiers, noyers et ormes de Lutèce ont un bon potentiel en bois d’œuvre pour la menuiserie et construction de bâtiments. Les érables, tilleuls et charmes taillés en têtard produisent du bois de chauffage. Le frêne, le cornouiller sanguin et le noisetier présentent un intérêt fourrager.

Des bénéfices à foison

L arbre agricole est un véritable couteau suisse environnemental. Puissamment ancré, il retient le sol, le protégeant de l’érosion. Il évite que les pluies emportent la terre dans les rivières par ruissellement. Il améliore l’infiltration et la filtration de l’eau et aide à recharger la réserve utile du sol. Plus de cultures et d’arbres, c’est plus de photosynthèse. La restitution des feuilles et racines mortes enrichit le sol en matière organique et participe à la formation d’humus. En parallèle, les racines remontent des nutriments de la roche mère. Il en résulte une amélioration de la vie du sol, de sa structure et de sa fertilité et une meilleure disponibilité en nutriments et eau pour les cultures.

Les arbres stockent le carbone atmosphérique dans le bois mais surtout dans les racines et le sol, luttant ainsi contre le changement climatique. Question biodiversité, les haies et arbres offrent gîte et couvert aux oiseaux, arthropodes et petit gibier, mais aussi aux pollinisateurs et prédateurs de ravageurs. Ils servent de corridors pour les mouvements de la faune et fournissent nectar et pollen aux abeilles. Enfin, ils contribuent à la préservation des paysages.

Un bonus économique

En formant une barrière naturelle, les arbres protègent les cultures du vent, du soleil et de la chaleur. Ce microclimat amortit les extrêmes climatiques et limite leurs impacts négatifs sur les productions végétales. Bien gérés (2), les arbres ne concurrencent pas les cultures, ils améliorent les rendements agricoles. Les chercheurs indiquent qu’une production agricole en agroforesterie fournit 15 à 60% de biomasse supplémentaire à l'hectare, comparé aux mêmes cultures menées en solo (arbres et céréales, prairies, etc). En élevage, les arbres participent au bien-être des animaux, ils leur épargnent les vents forts et leur apportent de l’ombrage. Ils peuvent également fournir un complément de fourrage (feuilles, tables de pâturage) pendant l’été. À l’échelle de l exploitation, l’agroforesterie est un moyen de diversifier les productions, donc les sources de revenus. L’agriculteur peut à terme valoriser les arbres en bois d’œuvre, bois énergie ou BRF (3), en litière plaquettes pour l’élevage ou en récolte fruitière.

Encourager la plantation

L'agroforesterie se déploie peu à peu sur le territoire et compte 1,6 Mha, soit 5,6% de la surface agricole totale. L Ademe (4) estime le potentiel de nouvelles plantations à 2,2 Mha d ici 2030. Les investissement sont encouragés par des aides régionales, nationales et européennes et par des aides privées via le mécénat d’entreprise (Fonds After). Les parcelles agroforestières sont éligibles aux aides PAC (5) du premier pilier (écorégime). L’accent est mis sur la plantation mais maintenir ce qui est en place est tout aussi crucial. “L’enjeu dans certaines régions est davantage de revaloriser l’existant en insérant les haies dans l’économie rurale et en développant des filières bois pour pérenniser la ressource.

Sabine Huet

(1) GIEC : Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat

(2) La gestion, essentielle en agroforesterie, consiste à tailler, récolter et valoriser les produits de l'arbre.

(3) BRF : bois raméal fragmenté

(4) Ademe : Agence de la transition écologique

(5) PAC : politique agricole commune

LG
MD
SM