Les plantes sont immobiles mais toujours en alerte
Les plantes perçoivent leur environnement, notamment les dangers, et elles sont capables de se prévenir entre elles grâce à des signaux chimiques. Une des premières preuves issues des travaux de chercheurs a été celle de l’acacia de savane. Cet acacia augmente considérablement la teneur en tanins de ses feuilles lorsqu’il est brouté par une antilope, le koudou. Les feuilles sont alors impropres à la consommation. Mais, ce qui est étonnant, c’est qu’il en est de même pour les arbres situés dans un rayon de quelques mètres. Les chercheurs qui ont étudié ce phénomène ont détecté un gaz émis par l’acacia, l’éthylène, qui prévient les arbres voisins. Ces derniers ont alors le temps de produire des tanins et ne sont pas broutés par les antilopes.
Les plantes disposent, en fait, de multiples récepteurs sensibles aux composés émis par d’autres plantes. Les chercheurs estiment qu’il en existe 200 000 de tailles et de morphologies différentes, mais ne savent généralement pas lesquelles induisent une forme de communication. Le plus souvent, ils identifient des « bouquets » qui varient selon les espèces. Le noyer, par exemple, est connu pour produire des molécules dans ses feuilles qui sont émises dans l’air et qui provoquent des réactions de toxicité chez beaucoup de plantes qui s’installeraient à proximité.
Les plantes s’entraident ou se repoussent…
Les signaux entre plantes peuvent être émis par les feuilles, mais beaucoup se transmettent par les racines. Ils peuvent donner des indications sur la sécheresse. Ainsi, les feuilles de petits pois se ferment naturellement pour limiter la perte d’eau. Mais le plus intéressant est que les plantes voisines, pas encore concernées, font de même grâce à des signaux chimiques qu’elles reçoivent, par le sol, des plantes déjà en manque d’eau.
Récemment, des chercheurs ont montré que lorsque des jeunes plants de maïs se touchent par les feuilles, ils envoient des signaux chimiques via le sol et signalent ainsi à leurs voisins les zones trop peuplées à éviter. Les plantes peuvent ainsi induire des stratégies de croissance entre elles, en favorisant plus de feuilles et moins de racines dans le cas des maïs.
Un autre exemple connu est celui de la canopée dans les forêts tropicales : les arbres ne se touchent pas et cessent leur croissance pour éviter de se gêner… la compétition est ainsi empêchée !
A l’inverse, il existe des cas où les plantes s’excluent les unes les autres. Les plants de myrtilles, par exemple, entravent la germination des épicéas. Il a été montré que ce sont des signaux chimiques émis par leurs feuilles et leurs racines qui empêchent le développement des sapins, permettant aux « landes » de myrtilles de se développer pour notre plus grand plaisir…
Les plantes se protègent contre les ravageurs et les aléas climatiques
Les plantes peuvent rechercher l’aide d’insectes pour combattre leurs propres nuisibles. Il a été ainsi démontré qu’une attaque de chenilles entraîne chez le cotonnier des émissions de composés qui attirent spécifiquement des guêpes capables de parasiter les chenilles.
Des haricots attaqués par des acariens émettent eux aussi des molécules qui peuvent stimuler les défenses de haricots sains, les rendant plus résistants à l’acarien. La connaissance des bouquets de signaux chimiques, clairement différents selon les agresseurs, pourrait être un moyen de renforcer naturellement la résistance aux ravageurs.
Une autre application concrète est développée par l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) sur la famille des brassicacées (chou, radis, navet, colza) qui est attaquée par des larves de mouche (dite du chou). Une dizaine de composés, émis par des diffuseurs au champ, permettent à la fois de modifier le comportement de ponte de la mouche et d’attirer les ennemis naturels. C’est une stratégie dite de « push-pull », qui pourrait se traduire par « attirer-repousser ». Attirer les « bons insectes », repousser les mauvais. C’est un moyen de lutte naturel qui fonctionne particulièrement bien pour toutes les cultures bio et à forte valeur ajoutée, comme la lavande qui est cultivée avec des cahiers des charges très stricts.
Tout un environnement à comprendre
La perception du milieu extérieur et les signaux chimiques (naturels) qui en découlent sont connus depuis une quarantaine d’années. Appelée écologie chimique, cette science des composés émis par les plantes est en pleine expansion. Alors que les consommateurs-citoyens demandent des produits « naturels », sains et en quantité, les applications concrètes de l’utilisation de ces signaux devraient permettre de renforcer la résistance naturelle des cultures aux maladies et de mieux gérer les méthodes culturales pour obtenir de meilleurs rendements. Les plantes se parlent, apprenons à les comprendre !
Marie Rigouzzo