Pommes de terre : un patrimoine bien vivant

Scientifiques et médias évoquent souvent la réduction générale de la biodiversité. Mais ce constat est-il valable pour toutes les espèces, et en particulier dans le cas d'une espèce aussi importante pour l'alimentation humaine que la pomme de terre ?

Solanum andigena, espèce voisine de la pomme de terre cultivée (journées biodiversité de 2010) © Gnis-Sidney Kapuskar

En Europe, depuis le XVIème siècle...

La pomme de terre arrive en Europe, au milieu du XVIème siècle, dans les bateaux des conquistadores revenant du Pérou. Elle est peu à peu diffusée sur tout le continent par les soldats, les moines, les savants et les agronomes. Au fur et à mesure de sa dispersion géographique et de sa culture par l'homme, l'on trouve de plus en plus de pommes de terre différentes. A partir du XIXème siècle, la pomme de terre ayant pris une grande place dans l'alimentation des hommes, le travail de sélection devient intense. Et c'est ainsi qu'il existe aujourd'hui environ 1.180 variétés de pommes de terre inscrites au catalogue européen des espèces et variétés.

Variétés et biodiversité cultivée

Au sens large, la biodiversité concerne l'ensemble des formes de vie. Elle recouvre à la fois la diversité des écosystèmes et celle des espèces. Elle se manifeste également à l'intérieur d'une même espèce, par les différences génétiques qui distinguent les individus, dont certains peuvent être regroupés en ''variétés'' dans le cas des plantes cultivées. Ainsi, les plantes d'une même variété de pomme de terre possèdent des caractéristiques communes du point de vue de leur forme, de leur couleur, de leur facultés biologiques (comme la résistance à telle ou telle maladie), ou encore de leurs qualités culinaires. Du fait de l'importance de la pomme de terre à travers la planète, des spécialistes du monde entier cherchent en permanence à sélectionner de nouvelles variétés, adaptées à des besoins spécifiques liés au climat, aux conditions de sol, aux habitudes alimentaires etc. Et chaque nouvelle variété de pomme de terre vient enrichir la biodiversité cultivée !

Des ressources génétiques à préserver

Les différents types de plantes liés à la pomme de terre, qu'il s'agisse de représentants d'ancêtres sauvages et de populations anciennes, ou bien de variétés contemporaines, constituent les ressources génétiques de la pomme de terre. Ces ressources font partie du patrimoine de l'humanité, ce qui rend leur conservation tout à fait essentielle. Pour créer de nouvelles variétés, les sélectionneurs croisent entre elles des plantes aux patrimoines génétiques différents. Plus la diversité des plantes utilisables est large, plus les possibilités d'obtenir des pommes de terre susceptibles de répondre aux besoins d'aujourd'hui et de demain sont étendues. L'intérêt de la conservation des ressources génétiques apparaît là encore de façon évidente. Cependant, la gestion des ressources génétiques exige des compétences multiples et un suivi rigoureux. Des réseaux de scientifiques les collectent , les étudient, les décrivent et font en sorte qu'elles perdurent dans le temps sous forme de graines ou de plants bien vivants. Ils conservent toutes les sources de biodiversité du monde entier. Parmi ces scientifiques, les sélectionneurs, en plus de leurs propres collections, participent à ces réseaux nationaux et internationaux.

Conserver en toute sécurité

En France, dans la station de l'Institut national de recherche agronomique de Ploudaniel (Finistère), plus de 6.000 plantes constituent la plus grande collection nationale pour la pomme de terre. Naturellement, toutes ces plantes doivent rester aptes à être multipliées et cultivées. La conservation des ressources génétiques se fait souvent par culture aux champs. Les plantes fragiles et mal adaptées à nos saisons sont protégées en serre pendant l'hiver. Par sécurité, des tubercules sont conservés en conteneur ou en culture in vitro. De nouvelles techniques apparaissent comme la conservation dans l'azote liquide. Enfin, il est également possible de conserver des variétés de pomme de terre sous forme de graines. Ainsi, en utilisant différentes méthodes de conservation, en France comme ailleurs dans le monde, les chercheurs mettent-ils toutes les chances de leur côté pour que des échantillons de tous les types de pomme de terre recensés jusqu'à aujourd'hui soient préservés pour les générations futures.

En 1567, une variété de pomme de terre rouge à fleurs violettes est importée à Anvers en provenance d'Amérique du Sud via Las Palmas. A la fin du XVIème siècle, une pomme de terre jaunâtre à fleurs blanches ou violacées arrive d'Amérique du Nord sur un bateau anglais. Même s'il est difficile d'obtenir des informations précises sur les variétés disponibles en Europe au fil du temps, plusieurs indices nous permettent de suivre la piste d'une progression impressionnante, grace en particulier au travail permanent des sélectionneurs :

  • 1730 : des textes irlandais signalent l'existence de 5 variétés de pomme de terre ;
  • 1777 : la fameuse encyclopédie de Diderot et d'Alembert en décrit 40 ;
  • 1810 : on répertorie 110 variétés de pomme de terre ;
  • 1846 : le catalogue d'Henri de Vilmorin en dénombre 177 ;
  • de nos jours : 1.180 variétés sont inscrites au catalogue européen.

La pomme de terre étant cultivée partout dans le monde, une organisation internationale en réseau a été mise en place pour assurer la conservation des ressources génétiques propres à ce tubercule. Les sélectionneurs y participent et peuvent par ailleurs s'y approvisionner pour leurs travaux de recherche.

Parmi les membres de cette organisation, citons : le Centre international de la pomme de terre au Pérou, le Centre de Wageningen aux Pays-bas, le Centre de Surgeon Bay aux Etats-Unis, l'Institut Vavilov en Russie et la Station INRA de Ploudaniel (Finistère) pour la France.

Le Centre international de la pomme de terre (CIP) a été créé à Lima au Pérou en 1971. C'est le plus important centre de recherche scientifique au monde pour les tubercules et les racines alimentaires : patate douce, pomme de terre... Il s'agit d'une association qui a pour objectif de diminuer la pauvreté, de développer la sécurité alimentaire dans les pays en développement, et à présent d'anticiper les changements climatiques.

Le CIP détient une banque génétique de plus de 5.000 variétés de pommes de terre sauvages et cultivées. En cas de catastrophes (inondations, tremblements de terre...), le CIP peut envoyer des plants des variétés détruites dans les régions dévastées pour recommencer de nouvelles cultures.

Le CIP produit également des variétés de pomme de terre génétiquement modifiées pour leur résistance aux maladies, aux pesticides ou aux accidents climatiques : sécheresse, inondation...

Source : Wikipédia - mise à jour du 16 mai 2008

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