La cameline, une petite graine qui a de l’avenir

D’abord introduite dans les mélanges d’espèces pour couverts végétaux, la cameline est aussi cultivée seule, en dérobée au printemps ou en interculture d’hiver. Ses graines peuvent alors être transformées en biocarburant pour le secteur aéronautique.

Graines et huile de cameline. L'huile de cameline est obtenue par trituration des graines.  © Saipol

Associée aux légumineuses et à d’autres crucifères, la cameline est une plante couramment utilisée dans les mélanges de couverts végétaux. Mais elle est également cultivée seule, notamment en agriculture biologique, pour une valorisation en alimentation humaine et en cosmétique, son huile étant particulièrement riche en acide gras oméga 3. En nutrition animale, son tourteau peut être intégré dans la ration des ruminants. Mais c’est surtout en tant que “biocarburant avancé” pour le secteur de l’aviation que la cameline se dessine un avenir.

La décarbonation de l’aviation

Contrairement aux biocarburants conventionnels, majoritairement élaborés à partir de matières premières concurrentielles de cultures à destination de l’alimentation humaine ou animale (colza, tournesol, betteraves, céréales), les biocarburants de deuxième génération, dits « avancés », utilisent des sources de biomasse non destinées à l’alimentaire (huiles de friture usagées, graisses animales, marcs de raisin…). La réglementation européenne fixe le taux d’incorporation des énergies renouvelables dans les transports à 29% en 2030 dont 4,5% minimum de biocarburants avancés (1). La décarbonation des transports aériens table, elle, sur 6% de “carburants aviation durables” (CAD) dans le kérosène en 2030, 20% en 2035 et 70% d’ici 2050. Les biocarburants aéronautiques avancés devront être produits à partir de ressources listées à l’annexe IX de la directive énergie renouvelable (2). Les intercultures comme la cameline sont sur le point d'intégrer cette liste en attente de publication pour l'été 2024. L’industriel Saipol (filiale du groupe Avril), l’institut technique Terres Inovia, le semencier espagnol Camelina Company et une dizaine de coopératives du nord-ouest de la France travaillent d'ores et déjà à la structuration d’une filière française cameline pour une culture en dérobée à destination du marché des biocarburants avancés (3). Le carburant d’aviation durable est obtenu après trituration et raffinage des graines.

Une culture de rente

La cameline Camelina sativa est une espèce oléagineuse de la famille des brassicacées, originaire d'Europe du Nord et d'Asie centrale. Culture rustique, elle est peu exigeante en eau et en intrants (40 à 60 U d’azote au semis), peu sensible aux températures élevées et tolérante aux bioagresseurs. “Sa culture est adaptée au contexte estival en France et son itinéraire engage de faibles coûts ”, indique Terres Inovia. Son rendement potentiel est de 15 à 17 q/ha mais en pratique il se situe plutôt autour des 10 q/ha. Grâce à son cycle court (90 à 100 jours), la cameline se positionne en interculture entre deux cultures principales. En dérobée estivale, elle est semée après la récolte d’une orge d’hiver ou d’un pois d’hiver et se récolte en octobre, laissant la place à un semis de céréales. Cela dit, les conditions d’humidité au semis ne sont pas toujours réunies pour implanter une dérobée d’été. Une autre stratégie consiste à insérer la cameline en interculture d'hiver avec un semis à l’automne et une récolte fin mai à début juin au plus tard. Deuxième piste, comme culture principale d’été, semée mi-mai après la récolte d’une Cive (4) et récoltée fin août. Mais dans ce cas, “elle ne se positionne plus en interculture et ne rentre donc plus dans les critères des biocarburants avancés”, précise Sylvain Marsac, responsable du pôle Bioressources agroéquipements services environnementaux chez Arvalis-Institut du végétal.

Sabine Huet

(1) En octobre 2023, le Conseil européen a adopté la mise à jour de la directive sur les énergies renouvelables : la RED III. La RED II (RED pour Renewable Energy Directive) fixait le taux d’incorporation des énergies renouvelables dans les transports à 14% en 2030 dont 3,5% minimum de biocarburants avancés. www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/70/renewable-energy

(2) Directive énergie renouvelable 2018/2001/CE mise à jour par la directive (UE) 2023/2413

(3) www.saipol.com/actualites/saipol-acheteur-de-cameline-en-interculture-des-2024-avec-lappui-dorganismes-collecteurs-engages/

(4) Cive : culture intermédiaire à vocation énergétique

• Elle est facile à implanter et atteint la maturité trois ou quatre mois après le semis.

• Sa croissance rapide et son fort pouvoir couvrant concurrencent le développement d’adventices indésirables et nettoient les parcelles.

• Son effet allélopathique réduirait l’enherbement des parcelles.

• Peu exigeante en fertilisant et très peu sensible aux maladies, aux ravageurs, c’est une culture à bas niveau d’intrants. Elle supporte les terres pauvres.

• Elle est à la fois peu sensible au froid et résistante à la sécheresse et aux fortes chaleurs (sauf les températures supérieures à 35°C à la floraison). Bien que peu gourmande en eau, elle en a besoin pour démarrer son cycle.

• De la famille des crucifères, la cameline permet de rompre le cycle des bioagresseurs liées aux rotations céréalières.

• Culture piège à nitrate, elle améliore la fertilité du sol.

• Son système racinaire pivotant est intéressant pour la structure du sol.

• Elle est très mellifère et attire les pollinisateurs.

• Elle participe au stockage de carbone dans le sol.

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