Séquençage et ciseaux moléculaires
Aujourd’hui, deux facteurs sont en train de changer la donne en génétique. Tout d’abord, le matériel de séquençage (qui permet d’identifier et de « lire » tous les gènes intéressants) est accessible techniquement et financièrement pour toutes les espèces et pas seulement pour les grandes cultures. Ensuite, des « ciseaux moléculaires » sont capables de cibler et modifier finement les gènes, créant ainsi une mutation identique à celle que peut faire la nature.
Différents outils développés ces dix dernières années parmi les ciseaux moléculaires, dont le petit dernier CRISPR CAS*, peuvent inactiver un gène ou changer légèrement l’ADN d’un gène intéressant. « Il est possible de modifier la durée de conservation de la tomate, de modifier sa forme ou de la rendre résistance à des virus, précise Fabien Nogué. On peut aussi faire produire de la bêta-carotène à des graines ou des fruits et légumes qui n’en contiennent pas. C’est d’ailleurs un projet que nous aimerions lancer sur la pomme de terre. »
L’utilisation de ces ciseaux moléculaires peut aussi supprimer certains composés toxiques comme l’acide érucique chez les choux (provoquant des lésions cardiaques lorsqu’il est ingéré en grande quantité), l’acrylamide chez la pomme de terre (cancérigène à haute température), mais aussi les allergènes chez la cacahuète ou chez le blé (le fameux gluten).
Aux Etats Unis, des champignons de Paris qui ne brunissent pas, des pommes de terre qui produisent moins d’acrylamide ou encore des huiles au profil en acides gras modifiés sont déjà commercialisés. En Europe, le statut réglementaire de ces outils n’est pas encore défini, même lorsque la modification est similaire à une mutation naturelle. Il n’existe donc pas encore de végétaux améliorés avec ces nouvelles techniques dans nos assiettes, mais la recherche avance vite, y compris en France.
GENIUS, projet phare de l’Inra
La France a développé le projet d’avenir GENIUS* en 2012. Il associe 10 partenaires publics dans les domaines des sciences de la vie et des sciences sociales, ainsi que 5 entreprises du secteur privé spécialisées dans la création variétale et/ou les biotechnologies. Fabien Nogué, très impliqué dans le programme GENIUS, précise : « Il a permis d’acquérir et d’améliorer les méthodes d'ingénierie cellulaire pour 9 espèces cultivées (blé, maïs, riz, colza, tomate, pomme de terre, peuplier, pommier, rosier). Le fait de pouvoir éteindre des gènes ou d’en réveiller d’autres sans modifier le reste du génome ouvre de nouvelles possibilités pour les agriculteurs mais aussi les consommateurs. 15 laboratoires maîtrisent la technologie. Il serait dommage de ne pas utiliser et tester les outils performants qui sont disponibles. ».
Marie Rigouzzo
* CRISPR CAS et les ciseaux moléculaires : en savoir plus sur www.horizonbiotechs.com