Que nous promettent donc les plantes de blé ?

Fascinant ! Le blé tendre est en passe de livrer ses secrets aux chercheurs, ce qui va leur donner des clés pour créer les variétés à cultiver et à consommer demain. 

Blé tendre © SEMAE-Pascal Legrand

Le blé tendre est la céréale dont la farine sert à fabriquer notre pain et nos gâteaux. Comme toute espèce vivante, le blé possède une hérédité définie par ses gènes (microscopiques et assemblés dans ses chromosomes), dont l’ensemble constitue le « génome ». Chaque espèce vivante possède son propre génome ; c’est ce qui fait qu’un blé est un blé et qu’un chien est un chien, même s’il y a des races différentes. Les gènes quant à eux sont toujours constitués de combinaisons de 4 lettres, A-T-G-C.

Depuis juin 2016, la communauté scientifique a accès à l’assemblage de la séquence du génome du blé tendre sur un site web géré par l’Inra (Institut national de la recherche agronomique). En clair, le génome du blé est maintenant décrit à plus de 90 %, comme nous l’explique Isabelle Caugant, responsable communication du Consortium international de séquençage du génome du blé : « Les lettres qui le composent sont identifiées, placées dans l’ordre et positionnées exactement sur chaque chromosome. C’est comme un puzzle dont on aurait mis en place presque tous les morceaux, mais dont l’image ne serait pas encore nette partout », signifiant ainsi qu’il reste du pain sur la planche des scientifiques !

Pourquoi se donner tant de mal ?

L’ultime objectif sera de connaître chaque gène, où il est situé et à quoi il sert : par exemple, celui qui commande la résistance ou non du blé à une maladie qui l’affaiblit ou le rend inconsommable. « Cela prendra encore plusieurs années », précise Isabelle Caugant. Les sélectionneurs s’attellent à ces travaux partagés pour pouvoir créer des variétés toujours plus adaptées aux besoins des consommateurs. 

L’enjeu est important, puisque le blé fait partie des 3 céréales les plus cultivées au monde, avec le maïs et le riz. Il constitue la nourriture de base pour plus du tiers de l’humanité et fournit 20 % des calories consommées. Comme la population mondiale s’accroît et que les surfaces cultivables diminuent, il est impératif d’augmenter la production de blé par hectare pour nourrir les 9,5 milliards d’êtres humains prévus en 2050. Et cela, en limitant les apports d’engrais ou les traitements pour soigner les plantes, pour mieux respecter l’environnement, tout en sachant que les conditions climatiques sont de plus en plus irrégulières voire extrêmes.

Les chercheurs espèrent donc accroître le potentiel de rendement du blé, comme ils l’ont fait depuis plus d’un siècle, en créant de nouvelles variétés de bonne qualité. Les plantes de ces nouvelles variétés doivent aussi être capables de repartir quand elles ont commencé à jaunir par manque d’eau ou à s’asphyxier par excès de pluie, ou être à même de pousser dans des terrains salés en bord de mer…

La connaissance du génome va permettre aux sélectionneurs d’être plus précis et plus rapides pour créer ces nouvelles variétés attendues. L’expérience des succès en amélioration du riz, dont le génome a été décrypté en 2002, est un modèle porteur d’espoirs pour le blé, l’un des derniers génomes majeurs à nous livrer ses secrets.

Gigantesque : 5 fois le génome humain !

Le séquençage du blé sera un véritable exploit, car son génome est plus de 5 fois plus grand que celui de l’homme, et 35 fois plus riche que celui du riz !

Non seulement ce génome est volumineux mais il est d’une exceptionnelle complexité. En effet, le blé tendre d’aujourd’hui, cultivé depuis « seulement » 8 000 ans, a des ancêtres multiples et un arbre généalogique foisonnant pour un végétal ! Il résulte de croisements spontanés entre plantes voisines.

Au final, notre blé tendre actuel possède la somme de 3 génomes, très similaires, provenant de ses ancêtres. Ses 21 chromosomes portent en tout plus de 110 000 gènes ! Et ces gènes sont constitués de 17 milliards d’éléments unitaires, appelés paires de base, où une base est l’une des 4 lettres citées ci-dessus. Par comparaison, l’homme n’a « que » 22 000 gènes et 3 milliards de paires de base ; son génome a été séquencé en 2001 après une quinzaine d’années de recherches internationales.

11 ans de travaux, et ce n’est pas fini

Déjà, pour parvenir à cette étape de l’assemblage, il aura fallu plus de onze ans de travaux ! La tâche a été répartie entre une douzaine de laboratoires de recherche répartis dans le monde entier, au sein du Consortium international dédié à ce génome. Aujourd’hui 1 400 chercheurs travaillant dans 434 laboratoires de recherche de 59 pays adhèrent au Consortium. La France figure parmi les leaders du projet. Elle a permis de faire de grands pas en commençant par séquencer le plus gros chromosome, le 3B. Ce séquençage a servi de modèle pour continuer le travail d’assemblage sur le reste du génome.

Ce travail n’est pas fini ; il reste encore à affiner les résultats, combler les « trous », positionner précisément les gènes connus sur les chromosomes et à décrire leur fonction lorsqu’elle est déjà connue. Les scientifiques espèrent achever cela dans les prochains mois et publier une « séquence de référence » en 2017.

Isabelle Ferrière

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