Les espèces messicoles, une richesse à préserver

Les plantes messicoles, aussi appelées « habitantes des moissons », constituent un trésor de biodiversité. Considérées parfois comme des mauvaises herbes, elles méritent pourtant d’être préservées d’autant que certaines sont en voie de disparition en France. Plusieurs semenciers les collectent pour assurer leur sauvegarde locale et avec elle, leurs caractéristiques initiales. 

Fleur de bleuet © SEMAE-Paul Dutronc

À l’image du coquelicot, de la pensée, de la caméline ou du bleuet, les plantes messicoles vivent dans les parcelles agricoles. Elles sont souvent inféodées à une culture et, ce, depuis plusieurs siècles, voire plusieurs millénaires. Elles germent et poussent au rythme des plantes cultivées et parviennent difficilement à se maintenir dans d’autres conditions. Leurs graines se disséminent au moment de la moisson. « Les « vraies » espèces messicoles, une vingtaine répertoriée, sont locales et sauvages, explique Paul Dutronc, inspecteur chez SEMAE pour la région Sud-Est. L’enjeu de préserver ce patrimoine est précisément de conserver leurs qualités originelles. Comment ? En les collectant, en les multipliant et en les réimplantant au sein d’un même territoire. » 

Une multiplication complexe

Source d’une biodiversité inégalée, ces populations disposent d’un fort attrait pour les pollinisateurs. Les qualités nectarifères et pollinifères de plusieurs messicoles comme le bleuet, le Delphinium ou le Viola sont bien connues. Sans oublier l’aspect esthétique de ces fleurs qui, en plus, offrent une ressource alimentaire aux oiseaux des plaines cultivées. Leur présence dans les talus, dans les bandes enherbées, dans les jachères fleuries... attire une faune propre à cette flore. « C’est aussi le rôle de la filière semencière de s’intéresser à ces espèces, concède Paul Dutronc. Mais leur multiplication est plus difficile car les graines, souvent de petites tailles, ne sont pas forcément mûres en même temps : cela complique la récolte et le tri. Un référentiel technique a été édité par l’OFB, l’office français de la biodiversité, pour détailler, étape par étape, la marche à suivre. À la clé, une marque, « Végétal local », attribuée aux espèces prélevées en milieu naturel et vouées à une utilisation locale, là où a eu lieu la collecte. » 

Réimplanter des espèces locales

Pourquoi s’intéresser à ces espèces messicoles ? « Tout simplement car de plus en plus de maîtres d’ouvrage et de gestionnaires d’espaces souhaitent utiliser ces plantes pour réaménager des sites suite à des chantiers de routes ou d’autoroutes par exemple, précise Paul Dutronc. Le référentiel garantit et contrôle l’origine de ces végétaux sauvages. Il assure notamment que ces semences n’ont subi aucun croisement ou sélection et ont donc conservé leur diversité génétique originelle. Certains projets ont même l’obligation de rendre le site à son état d’origine pour préserver la fonctionnalité écologique des milieux. En effet, les végétaux sauvages et locaux ont bénéficié d’une longue co-évolution avec la faune et la flore locales. En réimplantant les mêmes espèces, le bon fonctionnement des écosystèmes est préservé. » 

Carole Loiseau

Le 19 avril 2021, huit acteurs du monde des ressources génétiques végétales (1), d’horizons divers, ont lancé un fonds de dotation pour préserver la biodiversité des espèces cultivées et de leurs apparentées sauvages. L’enjeu est de financer des programmes pour participer à l’inventaire, à la caractérisation, à l’évaluation, à la conservation, à la gestion pérenne et à la valorisation de cette biodiversité, dans son milieu naturel ou dans des centres de conservation. Cette biodiversité constitue en effet une réserve potentielle pour répondre aux enjeux présents ou à venir de l’agriculture face aux attentes sociétales et à l’évolution du changement climatique. Cette richesse présente également une valeur patrimoniale, expression d’une culture locale, régionale ou nationale. Ce fonds vise ainsi à préserver cette biodiversité pour éviter toute perte irréversible.


(1) ACVF (Association des créateurs de variétés fourragères), CCVS (Conservatoire des collections végétales spécialisées), CNPMAI (Conservatoire nationale des plantes à parfum, médicinales, aromatiques et industrielles), GEVES (Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences), Promaïs, SEMAE, SNHF (Société nationale d’horticulture de France), UFS (Union française des semenciers).
 

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