Un bijou de biodiversité au coeur de Marseille

« C’est un jardin extraordinaire » avons-nous envie de fredonner à l’instar de Charles Trenet lorsque l’on pénètre dans les jardins familiaux Joseph Aiguier.  Au cœur de la ville de Marseille, dans un quartier très urbain, à proximité de grandes artères, une petite porte verte donne accès à 3,7 hectares de biodiversité cultivée ! C’est au son des cigales que Badis Mérad, référent du comité local du jardin, et administrateur de la Fédération Nationale des Jardins familiaux et Collectifs, nous fait visiter ce lieu exceptionnel par sa taille et son histoire.  

Jardins familiaux Joseph Aiguier, Marseille  ©Snezana Gerbault

« Il y a 100 ans, c’était la campagne : des prairies à perte de vue, avec des vaches en train de paître. L’usine Chambourcy était juste à côté », raconte Badis Merad. Le site est classé Jardin cultivé protégé et c’est l’un des domaines les plus anciens de France, aux portes des Calanques. La terre n’est pas favorable aux cultures, « nous sommes sur une dalle calcaire ». D’ailleurs, une partie reste en friche : « c’est une relique de la forêt méditerranéenne, mixte, avec des chênes verts, des pins d’Alep, frênes et pistachiers. » Et pourtant, le jardin accueille 111 jardiniers, engagés – par adhésion à la fédération, à être « acteurs de la biodiversité ». Badis Merad, pourrait fait figure de modèle : sur sa parcelle de 18x6m, il cultive plus de 500 espèces et variétés qu’il fait tourner : arbres fruitiers, plantes ornementales, de compagnonnage, légumes, plantes aromatiques. …Ingénieur agronome de formation, il cultive selon les principes de l’agriculture conservatrice. « J’installe d’abord des plantes perpétuelles, puis, tout le reste vient compléter cette structure pérenne, ce qui me permet de ne pas venir tous les jours», explique ce passionné.

Le jardin ouvrier, l’idéal d’une époque

Comme Badis Merad, ils sont de plus en plus nombreux à vouloir cultiver des parcelles. Il faut parfois attendre jusqu’à 6 ans pour qu’un jardin se libère. « La moyenne d’âge des jardiniers se rajeunit, du fait de la crise du COVID, de l’inflation et des préoccupations autour du bien manger » explique le référent du domaine. Le principe du jardin collectif n’est pourtant pas récent. La paternité du jardin nourricier, dit jardin ouvrier ou jardin familial, revient à l’Abbé Lemire, député du Nord au début du XXème siècle, qui a porté devant l’Assemblée l’idée d’une propriété avec un lopin de terre, pour offrir un bol d’air et des ressources complémentaires aux familles ouvrières. Délaissé un temps, durant les 30 glorieuses, le jardin ouvrier a vu sa demande exploser depuis les années 90 et, surtout, récemment. Si les jardiniers ne sont plus forcément des ouvriers, l’accès à un espace de verdure et la démarche nourricière perdurent. Pour bénéficier d’une parcelle, il faut motiver sa démarche et prouver son engagement pendant « un an ». Chaque domaine a son règlement, indépendamment de la Fédération. Par exemple, dans celui de la cité phocéenne, les jardiniers se doivent de donner une demi-journée, 3 fois par an, pour des travaux collectifs et d’entretien.

Un jardin historique

Ce jardin marseillais tient son nom de Joseph Aiguier, négociant du vieux port, gestionnaire de bien, qui avait rétrocédé le lieu à l’église dans le but d’aider les « pauvres » à se nourrir. Celle-ci l’a ensuite légué à la FNJFC. Autre singularité, la présence de « cures d’air », c’est-à-dire des espaces qui accueillaient à l’origine les tuberculeux. On y trouve aussi des ruches et des espaces de convivialité, dont deux jardins pédagogiques qui accueillent les enfants des établissements à proximité, dont ceux d’un institut médical éducatif :« ils viennent deux fois par semaine passer la journée dans leur jardin avec leur maison ; ils se régalent ! ». Un exemple, parmi d’autres, de trajectoire pour ces espaces. Les jardins ouvriers conservent leur vocation première mais évoluent pour s’adapter à la société : « lutte contre le stress, création de lien social, découverte et contact avec la natureAvec le réchauffement climatique, ces jardins vont être une nécessité », anticipe Badis Merad.

Caroline Pépin

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