Peut-on cultiver sans apport d'eau ?

Avec les épisodes de fortes chaleurs de l'été 2022 et surtout une sécheresse prolongée, toutes les cultures ont vu leur rendement diminué en France. La question de l'irrigation et de l'arrosage s'est de nouveau posée : peut-on cultiver sans apport d'eau ?    

Le changement climatique oblige à rechercher des variétés et des modes de production plus résilients. © Pixabay-Wolfgang Eckert

Faire pousser des légumes sans eau…

Régulièrement, des articles ou des vidéos montrent des maraîchers qui font pousser des tomates sans arrosage. Est-ce possible ? « C'est abusif de laisser croire qu'une plante peut ne consommer que très peu d'eau : pour produire de la matière sèche, n'importe quelle plante demande de l'eau et même beaucoup (200 à 250 g d'eau par g de matière sèche totale produite) ; on peut réduire de 10 à 20 % maximum cette quantité d'eau » indiquaient en 2015 trois généticiens en réaction à un reportage sur ce thème (1).

La plante a besoin d’eau, mais pourquoi ?

Pour croître, les plantes - cultivées ou non - ont besoin d’eau. En effet, pour fixer le carbone nécessaire à la photosynthèse, il faut que les pores situés à la surface des feuilles, appelés stomates, soient ouverts. Cela permet au gaz carbonique de l’air de rentrer dans la feuille et d’être transformé en sucres, alors que l’eau - pompée au niveau des racines - est rendue à l’atmosphère. Ce phénomène dit d’évapotranspiration est vital pour la croissance de la plante et aussi pour le climat. Car l’évapotranspiration (passage de l’état liquide à l’état gazeux) s’accompagne d’une consommation d’énergie qui refroidit l’atmosphère.  

Toutes les plantes n’ont pas les mêmes besoins en eau

Ce sont les plantes tropicales, comme la banane ou le riz, qui consomment le plus d’eau. Sur notre territoire, contrairement à une idée reçue, le maïs n’en consomme guère plus que le blé mais ses besoins se situent l’été, entrant alors en compétition avec d’autres usages estivaux. 
En cas de sécheresse ou plus globalement de déficit d’eau, l’agriculteur peut en apporter artificiellement et adopter des techniques qui permettent de mieux valoriser l’eau de pluie. Il peut aussi choisir des cultures adaptées et adopter des pratiques culturales qui maintiendront le sol humide.

Les cultures qui consomment le plus d'eau
Besoin en eau en mm (10 m3/hectare)

Cultures Besoins en eau
Canne à sucre 1250
Bananes 1200
Dattes 1100
Pamplemousses 825
Riz 770
Coton 750
Betterave à sucre   650
Soja 637
Arachide 600
Maïs 575
Blé 550
Patate douce 537
Pommes de terre   487
Sorgho 475
Oignons 475
Tomate 450
Tabac 400
Haricots 375

Source : FAO

La recherche de plantes tolérantes à la sécheresse

Certaines espèces peuvent s’avérer plus adaptées à la sécheresse. Par exemple, dans le Sud-Ouest, le sorgho, plante d’origine africaine, est de plus en plus cultivé car il résiste mieux que le maïs.
D’un point de vue génétique, la tolérance à la sécheresse est un caractère complexe qui implique souvent des parties de gènes sur plusieurs chromosomes. Depuis 2020, un blé OGM résistant à la sécheresse est commercialisé en Argentine. Néanmoins, l’amélioration variétale se fait surtout en recherchant des zones de gènes favorables dans les collections de plantes existantes. Les variétés qui les contiennent pourront être introduites dans les programmes de sélection. 

Changer les modes de culture pour « garder » l’eau dans les sols

Les pratiques qui conservent au maximum l’eau dans les sols sont celles qui permettent aussi une agriculture plus durable. Ainsi, le choix de cultures et plus précisément de variétés adaptées, la diversité, l’espacement, l’enracinement mais aussi la couverture des sols, permettent aux plantes de croître et de passer les étapes critiques de fortes chaleurs et de sécheresse.

Pas de miracle

Produire sans eau n’est pas possible. Le faire croire serait une aberration biologique et un risque pour la production alimentaire. Des experts de la Commission européenne (2) indiquaient fin août 2022 que «les fortes chaleurs et la sécheresse ont aussi considérablement détérioré les perspectives déjà négatives de rendements pour les cultures d'été. Les prévisions actuelles pour le maïs grain, le soja et le tournesol au niveau de l’Union européenne sont, respectivement, inférieures de 16 %, 15 % et 12 % à la moyenne sur 5 ans. » 
En revanche, le changement climatique que nous expérimentons montre qu’il est urgent de développer les variétés et les modes de production les plus résilients, avec science et pragmatisme !

Marie Rigouzzo

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