La moutarde à la reconquête de la Bourgogne

Pot de Moutarde © liname 06 - Fotolia.com
Notre moutarde de Dijon est encore fabriquée dans le dijonnais, mais les graines qui servent à sa fabrication étaient, depuis les années 1970… en totalité importées ! Maintenant, grâce à la sélection de nouvelles variétés adaptées au terroir, la culture se relance en Bourgogne.

A partir d'une collection de plantes

En 1990, un enseignant-chercheur de l'ENESAD* a commencé à constituer une collection de moutardes brunes de provenance du monde entier. Les graines ont été semées, les plantes décrites ; les lignées ont été fixées, c'est à dire rendues stables et homogènes pour pouvoir devenir des géniteurs dans les schémas d'amélioration. Dès 1993, deux variétés issues de ces cribles ont été proposées à l'inscription du Catalogue officiel des espèces et variétés. Mais elles étaient trop tardives et sensibles à la verse. D'autres ont suivi, présentant des caractères agronomiques et industriels plus satisfaisants. * ENESAD : Établissement National d'Enseignement Supérieur Agronomique de Dijon

Un programme de création variétale efficace

Le vrai progrès vient du programme de sélection, avec des croisements orientés entre lignées aux qualités complémentaires. La première variété, Espérance, est déposée en 2003. Aujourd'hui les 3200 ha de moutarde sont ensemencés avec 9 variétés, et 78 variétés sont en expérimentation. Petit à petit, les améliorations variétales rendent la culture plus intéressante à la fois pour les agriculteurs et pour la transformation industrielle (voir encadrés).

Un développement intelligent

La raison pour laquelle la culture avait été abandonnée est la faiblesse du rendement de la moutarde brune. Chercheurs, agriculteurs, chambre d'agriculture et transformateurs bourguignons se sont regroupés dès 1990 en association pour promouvoir la culture. Les progrès variétaux et techniques joints aux efforts de prix, par rapport aux graines importées, consentis par les industriels bourguignons désireux de retrouver une production locale, ont abouti à un doublement des surfaces entre 2008 et 2009.
Pour les agriculteurs, le rendement est évidemment essentiel. Il est assuré par le potentiel de la variété et par ses aptitudes agronomiques. Le sélectionneur cherche à réduire la hauteur des plantes pour qu'elles soient moins sensibles à la verse. La moutarde brune étant une plante de printemps, on sélectionne des variétés qui résistent mieux au froid, ce qui permet de les semer à l'automne et d'allonger le cycle de végétation. C'est bon pour le rendement, puisque les plantes ont plus de temps pour accumuler des réserves. C'est bon aussi, grâce à la floraison plus précoce, pour mettre les fleurs à l'abri des attaques d'insectes qui se produisent en masse un mois plus tard. La résistance aux maladies est aussi recherchée par la sélection.
Les industriels ont besoin de variétés à graines plus grosses avec une haute teneur en sinigrine, le piquant de la moutarde. Un vrai progrès est apporté par les nouvelles variétés françaises : elles ont toutes un poids de mille grains supérieur à 3 g et une teneur en sinigrine comprise entre 90 et 110 micromoles par gramme de graines, tandis que ceux de la variété canadienne la plus utilisée sont à 2,4 g et 80 micromoles en moyenne. Pour sélectionner les variétés, d'autres critères comme la consistance et la viscosité de la pâte, la tenue dans le temps de la moutarde, la couleur,… sont pris en compte.
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