Les légumes aussi ont leurs virus

Les plantes doivent, comme les êtres humains, se défendre contre les virus. Et c’est ainsi depuis des siècles. Mais la mondialisation des échanges commerciaux et le changement climatique accentuent le risque. L’année 2020 en est un formidable exemple avec l’apparition de nouveaux virus sur tomates, concombres et courgettes.

Plants de concombre malade ©Alina Demidenko

Depuis un an, la pandémie du coronavirus fait la une de l’actualité partout dans le monde. Au cœur de cette crise sanitaire, un organisme d’à peine un micron de diamètre. Les virus ont toujours existé : chez les humains, mais aussi chez les plantes. Ces derniers mois, le monde végétal a également été touché. En février 2020, en plein salon de l’Agriculture, le premier cas de virus de la tomate, le ToBRFV (1), était confirmé dans le Finistère. En octobre, c’était au tour des courgettes, concombres et melons d’être la cible d’un nouveau virus, le ToLCNDV (2). Et bien entendu, comment ne pas citer la forte infestation de jaunisse sur betteraves à l’automne, provoquée par des virus transmis par le puceron Myzus persicae.

Des zones indemnes, désormais touchées

L’apparition de nouveaux virus est-elle rare ? « Malheureusement non, explique Dominique Daviot, secrétaire général de la section semences potagères et florales à SEMAE, l’interprofession des semences et plants. Les plantes ont toujours eu à se défendre contre maladies et parasites. Mais il est vrai qu’avec le déploiement des transports et des échanges commerciaux, les semences et les légumes circulent davantage d’une région à l’autre, d’un continent à l’autre. Les virus étendent donc leur zone potentielle d’action et certaines régions, indemnes jusque-là, se trouvent à leur tour touchées. »

Face à ce constat, l’Europe se protège avec notamment la mise en place, en décembre 2019, d’un nouveau cadre réglementaire relatif à la santé des végétaux. L’enjeu : lister et classifier les organismes nuisibles pour garantir que les végétaux qui entrent sur l’un des pays européens en sont exempts.

Le climat, un rôle clé

« L’évolution du changement climatique explique également l’émergence de nouveaux virus en leur offrant de nouvelles zones propices à leur déploiement », poursuit Dominique Daviot. Autre raison pour expliquer la recrudescence de certains parasites : la disparition du marché de moyens de lutte très efficaces. Le cas de la jaunisse de la betterave en est un bon exemple. Le retrait des traitements de semences à base de néonicotinoïdes a permis aux populations de pucerons de se déployer massivement : les insecticides utilisés en végétation n’étant pas aussi efficaces. Dans ce cas, contenir l’impact des virus passe avant tout par la maîtrise des insectes vecteurs.

La lutte n’est jamais gagnée

Face à l’apparition de ces nouveaux virus, l’homme déploie une tonne d’ingéniosité pour en venir à bout. Et Dominique Daviot de citer : « mesures prophylactiques pour éviter leur propagation, recherche de variétés résistantes, mise en place de pratiques culturales adaptées pour limiter leur pression... » Oui mais voilà, les virus sont malins ! Dès que des barrières sont créées, les virus cherchent à les contourner. « La lutte n’est jamais gagnée, résume Dominique Daviot. La vigilance doit rester permanente. » Si ces différents virus ne sont pas dangereux pour la santé humaine, ils impactent lourdement la qualité et le rendement des récoltes. Sur tomates, le ToBRFV provoque l’apparition de tâches et la déformation des fruits. Autant de symptômes qui compliquent leur commercialisation avec, à la clé, un préjudice économique énorme pour les agriculteurs. Maîtriser ces virus s’avère donc une nécessité. Pour le virus de la tomate, tout s’est finalement plutôt bien terminé. Destruction des productions touchées, décontamination des serres... Les mesures prises rapidement ont permis de contrôler son extension. Malgré tout, la vigilance reste de mise pour la campagne à venir sans oublier que le recours à l’achat de semences certifiées reste une parade très efficace pour sécuriser la qualité de sa production.

Carole Loiseau

(1) Tomato brown rugose fruit virus

(2) Tomato leaf curl New Delhi virus

Les virus font preuve d’ingéniosité en matière de transmission. Ainsi, le virus de la tomate (ToBRFV) est véhiculé par les semences, les plants et les fruits infectés. Mais pas seulement ! Un simple contact par les mains, les vêtements, les outils ou tout autre support contaminé suffit à transmettre la maladie à une plante. Sans compter que le virus peut survivre longtemps à l’air libre sans perdre son pouvoir infectieux.
Sur concombre, courgette et melon, le ToLCNDV est transmis principalement par une mouche blanche, l’aleurode Bemisia tabaci. Cet insecte vecteur acquiert le virus en 15 à 30 minutes lorsqu’il ponctionne la sève de plantes infectées. Il conserve ensuite le virus à vie et peut ainsi le disséminer pendant plusieurs jours en infectant des plantes saines.
Sur betterave, même s’il existe plusieurs pucerons responsables de jaunisses, le plus représenté en France est le puceron vert du pêcher, Myzus persicae. Ce puceron pique les feuilles de betterave pour se nourrir, prélève la sève et, en échange, lui injecte des virus, vecteurs de jaunisses.

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