D’où vient l’azote ?
Pour capter l’azote, le règne végétal a deux solutions. La première réside dans l’absorption par les racines de l’azote, qu’il provienne des résidus organiques de la végétation (résidus aériens et racinaires), des effluents d’élevage ou bien des engrais azotés de synthèse, fabriqués par l’homme. Dans ce dernier cas, l’azote de l’air, minéral, est transformé en engrais azotés (nitrates) grâce à de l’énergie fossile et par un processus coûteux.
« La seconde solution concerne une minorité de plantes, les légumineuses. Elles sont capables de fixer l’azote par l’intermédiaire de bactéries symbiotiques, les rhizobiums, explique Bernadette Julier, chercheur à l’INRA de Lusignan. La plante et la bactérie se rencontrent dans le sol et se reconnaissent grâce à des mécanismes génétiques complexes ». Elles établissent une symbiose, association favorable aux deux partenaires, qui donne naissance à des nodules au niveau des racines (des « petites boules »). La bactérie y retire deux avantages : elle est logée dans les nodules et nourrie par la sève de la plante. En échange, la bactérie, capable de fixer l’azote atmosphérique, va en allouer à la plante. La symbiose fonctionne bien lorsque la plante est vigoureuse, bien verte ; les nodules sont visibles sur sa racine, et rouges à l’intérieur. L’azote de l’air, grâce à l’énergie du soleil, est ainsi transformé gratuitement en azote assimilable par les plantes !
Lumineuses légumineuses : des engrais verts !
Comment valoriser, en agriculture, la capacité de ces plantes à fixer l’azote ? Semer des légumineuses permet d’économiser des énergies fossiles. « L’agriculteur peut intégrer les légumineuses dans la rotation, c'est-à-dire en alternance avec une autre culture comme le blé ou le colza. Celle-ci profite largement des résidus de culture des légumineuses (racines, feuilles et nodules) qui enrichissent le sol. On observe pour ces cultures des gains de rendement », poursuit la spécialiste. Une autre technique pour profiter des qualités des légumineuses est l’association des cultures : une légumineuse est cultivée en même temps qu’une graminée (ex : trèfle incarnat et Ray-Grass italien). L’azote fixé par la légumineuse est relâché dans le sol, bientôt disponible et capté par la graminée.
Le coût des engrais est estimé à environ un tiers de la facture énergétique globale d’une exploitation agricole. En effet, seulement 17% de la consommation française d’azote est issue de la fixation symbiotique ! « La marge de progression est donc vraiment élevée ; elle permettra avantageusement de réduire les engrais de synthèse, leur coût et leurs pollutions », indique Bernadette Julier. Les engrais de synthèse sont en effet à la source de l’émission de gaz à effet de serre, que ce soit du CO2 lors de la fabrication des engrais ou du N2O relâché par les sols saturés en azote…
Une large biodiversité au service de l’élevage
Une large palette de légumineuses existe, cultivées pour leurs graines ou pour le fourrage, adaptée à certains sols et à certains climats, à certains usages. Leurs qualités sont valorisées pour l’alimentation humaine (lentilles, pois chiches, petits pois, etc.) mais surtout animale. Plutôt que d’acheter les
protéines sous forme de tourteaux de soja américains, l’éleveur peut les produire lui-même à la ferme. « Les légumineuses participent largement à l’autonomie protéique d’un élevage : le coût de l’alimentation animale est réduit puisque les éleveurs ne l’achètent (presque) plus à l’extérieur ; de plus, la protéine est tracée, cultivée localement, sur le terroir même », analyse Nathalie Harzic, ingénieur de recherche chez Jouffray-Drillaud.
On introduit les protéines dans l’alimentation animale différemment selon la constitution des animaux : sous forme de grains (pois, féverole, soja, etc.) chez les monogastriques ou sous forme de fourrage (luzerne, trèfle, etc.), parfois avec des compléments protéiques (comme le lupin), chez les ruminants, dits poly-gastriques. Les légumineuses sont soit stockées (ensilage ou foin) soit pâturées directement au champ par le troupeau. « Les prairies associent alors une large diversité de graminées et de légumineuses, offrent un fourrage régulier dans l’année. Les légumineuses ont aussi une incidence sur la santé animale : le sainfoin et le lotier sont par exemple riches en tanins, des molécules bénéfiques pour les petits ruminants », explique la spécialiste.