L’Europe dicte-t-elle la politique agricole française ?

Comme dans les domaines de la santé, de l’énergie, de l’eau, des déchets ou des transports,  les initiatives pour l’agriculture et l’alimentation, suivies de lois, sont d’abord européennes. Elles doivent être « traduites » en droit national, avec des adaptations possibles mais sans dénaturation du texte originel. Et le budget est, lui aussi, en grande partie européen.

 Alors que la France a pris au 1er janvier la présidence de l’Union européenne pour six mois, quelle est l’ambition agricole européenne, et comment se conjugue-t-elle avec les aspirations plus nationales ? 

La PAC, l’outil historique agricole de l’Union européenne

Mise en place en 1962, la politique Agricole Commune (la PAC) est la plus ancienne et une des plus importantes des politiques communes, avec près de 40% du budget européen qui y est consacré.

Inventée pour stabiliser les prix, assurer un revenu aux agriculteurs et garantir la sécurité des approvisionnements, la PAC est désormais critiquée pour la répartition des allocations et la difficulté de sa gestion avec une Europe passée de 6 à 28 pays. A chaque révision, les Etats membres ont pourtant cherché à mieux répartir les aides, à mettre en place des mesures pour rémunérer des actions spécifiques en faveur de l'environnement et à renforcer l'organisation du secteur.

La dernière PAC, votée en novembre 2021, prévoit un soutien accru aux petites exploitations et aux jeunes agriculteurs. Mais, depuis quelques années, avec le changement climatique, l’Europe est aussi attentive à l’impact de l’agriculture sur les émissions de gaz à effet de serre et sur la baisse de la biodiversité.

Le montant alloué à la PAC pour la période 2021-2027 a été maintenu à 336,4 milliards d'euros. La France conserve un budget d’environ 62 milliards d'euros, et demeure le premier pays bénéficiaire de ces aides.

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Le pacte vert : la nouvelle feuille de route de l’Europe

Le pacte vert (Green deal en anglais), voté par le Parlement européen en 2020, veut rendre l’Europe « climatiquement neutre ». L’objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre de l'Union Européenne pour 2030 à au moins 50 % par rapport à 1990.

Ce plan très ambitieux consiste à revoir chaque loi européenne existante selon ses performances climatiques. Le pacte vert concerne, entre autres, l’économie circulaire, la rénovation des bâtiments, l’agriculture et la biodiversité.

Deux stratégies, découlant du pacte vert, concernent plus particulièrement l’agriculture : « Farm to Fork » et « Biodiversity ».

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Farm to Fork : « de la ferme à la fourchette »

Ce plan vise, d’ici à 2030, à réduire de moitié l'usage de pesticides et de 20% celui d'engrais, à baisser de 50% les ventes d'antimicrobiens pour les animaux d'élevage et à consacrer un quart des terres cultivées à l'agriculture biologique. Un certain nombre de décisions législatives européennes devrait soutenir ce plan.

Pour certains agro-économistes, cette stratégie conduirait à une perte de rendement allant de 10 à 20% selon les plantes et pourrait conduire à une diminution des exportations de l’Union européenne et à une forte augmentation des importations (qui pourraient doubler).

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Pour d’autres, la transformation est nécessaire pour repenser un modèle agricole qui est en crise depuis plusieurs années et qui n’est plus en phase avec les attentes des citoyens et des consommateurs.

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La stratégie Biodiversité

La stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 est un autre plan global visant à protéger la nature et à enrayer la dégradation des écosystèmes. Diverses propositions sont avancées comme la transformation d’au moins 30 % des terres et des mers d'Europe en zones protégées gérées efficacement. Il est prévu un recensement européen de la biodiversité. Là aussi, cette stratégie concerne plusieurs textes réglementaires, et des budgets adéquats.

Des stratégies en opposition avec les politiques françaises ?

Non, mais elles n’ont pas les mêmes périmètres. Et la France est plutôt « bonne élève » dans le domaine de l’agriculture durable.  Elle a été pionnière avec le concept d’agroécologie qui fait écho à la stratégie « Farm to Fork ». On peut aussi citer de nombreux plans par filière, le plan dédié à la production de protéines végétales pour suppléer leurs importations, deux plans pour l’innovation (le plan France 2030) et le Programme d'investissements d'avenir  ou encore l’accompagnement du Bio via le fonds "Avenir Bio".

Trop de plans ?

Dans ce « mille-feuille » de plans et de stratégies, français ou européens, le souci est désormais pour les agriculteurs, les transformateurs et les distributeurs de trouver l’aide concrète compatible avec leurs projets.

L’autre problème est que les plans ne se déroulent pas tous de manière simultanée ou coordonnée, ce qui peut mettre des filières dans des impasses technologiques, réglementaires ou financières.

Enfin, l’agriculture européenne a aussi une vocation d’exportation, c’est-à-dire de compétitivité vis-à-vis des marchés mondiaux. Au-delà de la transition agricole et alimentaire, l’agriculture européenne a toujours eu une vocation nourricière au-delà de ses frontières. Pourra-t-elle, saura-t-elle la conserver ?

Marie Rigouzzo

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