Le haricot, ambassadeur de la diversité génétique

Il était une fois des lianes grimpantes très vigoureuses du genre Phaseolus poussant dans les montagnes du Mexique et donnant des petites graines noires, devenues en quelques millénaires l’une des plantes les plus cultivées et consommées dans le monde. Ainsi pourrait commencer un conte sur le haricot. Cette légumineuse a une belle histoire à raconter. C'est l'histoire de l'évolution, de la domestication, de la biodiversité.

L’extraordinaire richesse du vivant

Les chercheurs ont décrit récemment 70 espèces du genre Phaseolus qui ont commencé à se diversifier il y a 5 millions d’années, en raison de l’émergence d’un axe volcanique au Mexique. Aujourd’hui, le haricot témoigne de l’exceptionnelle richesse du vivant. Son grain peut être petit ou gros, rond ou réniforme, blanc, rose, jaune, vert, noir, bleu, tacheté, strié. La plante est naine ou grimpante, et la fleur rose, violette ou blanche, la récolte précoce ou tardive. Vous pouvez le manger vert ou jaune quand il est encore immature et sec après la maturité. En effet, tant par sa diversité de type de plante (grimpante, arbustive) que pour ses utilisations multiples (principalement comme grains secs et gousses vertes – mangetout), le haricot commun est véritablement le plus domestiqué des haricots.

5 espèces domestiquées

Dans le genre Phaseolus, 5 espèces ont été domestiquées : le haricot commun, le haricot de Lima, le haricot d’Espagne, le haricot tépari, le haricot acalete. La grande diversité phénotypique (les caractères visibles) des haricots résulte de la combinaison de trois facteurs : les domestications multiples, l’ancienneté de la domestication et la dissémination très ample de cette culture à partir de ses centres d’origine. Le haricot commun aurait subi des domestications à partir de 2 populations de haricots : l’une au Mexique, l’autre dans les Andes méridionales (sud du Pérou, nord-ouest de l’Argentine, Bolivie). Les premiers haricots introduits étaient grimpants et avaient besoin de tuteurs pour pousser. Les rames constituaient toutefois une contrainte pour une production de masse. On a donc développé des variétés naines plus faciles à cultiver mais aussi à récolter. C’est pourquoi, au jardin, on peut cultiver à la fois des haricots nains et des haricots à rames.

Comment a-t-on domestiqué le haricot ?

Les plantes sauvages, pour survivre dans toutes les conditions, ont des graines atteintes de dormance. Elles ont un réveil échelonné. Le phénomène de dormance a un inconvénient pour l’agriculteur ou le maraîcher. Chacun préfère que toutes les graines germent, de façon homogène. C’est ainsi que par une sélection progressive, les haricots domestiqués ont des semences non dormantes qui germent toutes lorsqu’elles sont dans des conditions de température et d’humidité favorables. Les haricots sauvages dispersent leurs graines contenues dans des gousses de façon explosive. La contraction des fibres des parois de la gousse donne une torsion en spirale qui expulse et disperse les graines. Naturellement, cette dispersion des graines n’est pas le but recherché par l’homme. Il a donc fallu sélectionner des variétés avec moins de fibres. L’élimination complète des fibres a donné les variétés mangetout. Les haricots sauvages sont des plantes tropicales, adaptées à des jours courts. Ces plantes, cultivées en zones tempérées avec des jours longs en été, attendront des jours plus courts, c’est-à-dire l’automne, pour fleurir. Mais le froid ne permettra pas à la plante de produire les graines qui permettraient aux haricots de se reproduire, et aux hommes de se nourrir.
On crée de nouvelles variétés par croisement avec des variétés existantes choisies en fonction des caractères qu’elles possèdent. Plus la diversité génétique est large, plus les possibilités de création sont grandes. Une ancienne variété peut posséder des gènes nécessaires pour ses qualités gustatives, ou pour résister aux parasites ou à des conditions climatiques changeantes. Elle peut avoir une valeur culturelle ou historique. En préservant les anciennes variétés, on comprend l’évolution des plantes, on sait d’où l’on vient, et surtout ce qu’il faudrait faire si on avait un jour besoin de certaines de leurs propriétés.
Le rôle des maraîchers et des jardiniers amateurs est également essentiel pour préserver et valoriser le patrimoine génétique. A l’image du haricot Lingot du Nord, du coco de Paimpol ou du haricot tarbais, les cultures traditionnelles contribuent à l’identité d’un territoire. Un grand nombre d’établissements semenciers œuvre également pour la conservation et l’utilisation des variétés ne répondant pas aux exigences de la spécialisation. Les jardiniers et les fins gourmets peuvent être rassurés.
Le haricot est devenu une culture industrielle avec des variétés adaptées à ce type de production. Ainsi, le nombre de nouvelles variétés s’est réduit. Mais en France, le Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences (GEVES) conserve dans ses tiroirs environ 2.500 variétés de haricots. De quoi maintenir sa diversité génétique. L’objectif des chercheurs vis-à-vis de cette diversité : mieux la mettre en valeur, c'est-à-dire mieux la mettre en saveur !
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