Les fruits et légumes sans pépins : naturels ou pas ?

Raisins, pastèques, mandarines mais aussi concombres et cornichons… les fruits et légumes sans pépins ont la côte sur les étals et dans les potagers. Pour répondre à cette demande, les catalogues de semences affichent par exemple des variétés de tomates « charnues et avec très peu de pépins ». Mais comment obtient-on ces variétés et à quoi ça sert ? 

Fruits et légumes sans pépins ©Unsplash- Juliet Furst

Les pépins sont en fait des graines

Un pépin est le fruit de la fécondation, c’est donc une graine. L’absence de graines est une voie sans issue pour l’évolution car il n’y a plus de descendances. Cependant, au cours de la domestication, l’homme a sélectionné des variétés produisant des fruits sans graines, ou avec moins de graines. Le consommateur y trouve son compte car il y a moins de graines dures dans un fruit plus charnu, tout comme le producteur, grâce à l’augmentation du rendement. Le métabolisme de la plante se concentre en effet sur la croissance de la plante, et non sur sa reproduction. 

L’absence de pépins peut être naturelle

Les oranges sans pépins sont un des rares cas d’absence naturelle de pépins. C’est une mutation spontanée découverte il y a deux cents ans qui est à l’origine d’un fruit sans graines.  Les producteurs d’agrumes ont continué à reproduire le processus en procédant à la greffe d’une tige sur un porte-greffe, et préservent ainsi cette caractéristique de génération en génération. 

Des concombres sans pépins

Aujourd’hui, la majorité des concombres consommés en France sont sans pépins, et cela correspond à un mode de culture particulier bien maîtrisé depuis les années 1950. Pour développer des fruits sans pépins, il faut éviter tout auto-croisement, c’est-à-dire éviter le dépôt de pollen venant d’une fleur mâle sur des fleurs femelles de la même plante qui produiraient donc une graine. Or, le concombre a généralement des fleurs femelle et mâle sur le même pied. La stratégie est donc de sélectionner des plants de concombre n’ayant que des fleurs femelles et d’assurer une fécondation avec quelques fleurs mâles d’une autre variété par des insectes pollinisateurs. Résultat, avec une fécondation, un fruit se forme, mais de manière imparfaite, sans graine. 

On ne mangerait pas de banane si…

Les animaux ont presque tous 2 copies de leurs chromosomes. Les plantes, elles, peuvent en avoir 2, 4 ou même 6 (normalement en nombre pair). Plus rarement, on peut rencontrer des plantes qui en ont 3, appelées plantes triploïdes.
Cette particularité des plantes triploïdes leur confère une stérilité à la fois mâle et femelle. Certaines espèces fruitières, développant naturellement des variétés triploïdes, ont été sélectionnées de manière empirique par l’homme pour leur absence de pépins. Ainsi, les bananiers cultivés, les citrons verts ou encore les melons d’eau que nous consommons depuis très longtemps sont triploïdes et ne présentent pas de pépins dans leurs fruits. Heureusement, car la banane sauvage est totalement immangeable, tant elle a de pépins.
Ces plantes sont stériles et ne peuvent être multipliées que par voie végétative (bouturage, greffage, marcottage).
 

Des méthodes pour induire la stérilité

Les chercheurs connaissent désormais finement les gènes impliqués dans la stérilité, qui peut être due à une ou plusieurs mutations. Cette stérilité peut apparaître spontanément (exemple des orangers ou de raisins), mais peut être aussi le fruit de la main de l’homme (croisements, cultures in vitro, modification du génome…). Rappelons toutefois qu’en Europe, aucun fruit et légume consommé n’est issu de la transgénèse.

… et des hormones pour stopper la formation des pépins

Il est possible aussi d’intervenir sur la plante au moment de la formation du fruit. Par exemple, la technique pour cultiver un raisin de table sans pépins est plutôt simple : on applique sur les ceps une hormone naturelle, – l’acide gibbérellique – qui empêche la formation des pépins. Mais il faut recommencer chaque année. Sur les tomates, il est possible de pulvériser de l’auxine (une autre hormone naturelle) pour obtenir le même résultat.

Faut-il se priver de pépins ?

Pour la banane, oui, car c’est cette absence de pépins qui a rendu sa consommation possible, avec le développement de la partie charnue, et en a fait un des fruits les plus consommés.  
A une époque où le naturel est tant plébiscité, cette mode du "sans pépins" peut questionner. Pourquoi se priver de pépins quand ils sont plutôt petits et ne gênent pas la consommation de l’aliment ? L’absence de pépins prive aussi de ses bienfaits nutritifs, comme les polyphénols, la vitamine E, les acides gras essentiels… qui, à leur façon, concourent à notre nutrition.
Mais, quoi qu'il en soit, il en faut pour tous les goûts ! Si les fruits et légumes connaissent un tel succès, c'est qu'ils ont su répondre à une demande.
Marie Rigouzzo
 

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