Quels éléments vous ont poussé à devenir agriculteur ?
C’est une histoire de rencontre. Je suis parti en vacances dans la région natale de celle qui est devenue mon épouse. J’ai découvert l’agriculture alors qu’en tant qu’ingénieur du son, je n’avais aucune prédisposition ! Ce qui m’a vraiment donné envie d’être agriculteur, ce sont les semences. Cette partie du métier, où il faut créer une graine qui sera ensuite semée par d’autres agriculteurs , m’était tout à fait méconnue. L’idée de croiser des variétés pour en obtenir de nouvelles m’a fasciné. Par ailleurs, je me suis aperçu que c’était une agriculture qui permettait de dégager une marge économique supérieure aux cultures traditionnelles. J’ai vu que cela contribuait à rendre le projet d’une installation économiquement viable.
Les semences sont-elles une opportunité dans le cadre d’une installation ?
Oui, je pense. Cela peut aussi être un facteur favorable à l’installation d’un néo-rural, car cela sécurise économiquement un projet. Et, au-delà de cet aspect économique, multiplier des semences, c’est construire un large éventail d’espèces dans ses champs, permettant ainsi de participer à la biodiversité de ma région.
Avec plus d’une dizaine de cultures, j’ai le sentiment de participer à la diversité végétale de ma région, d’être un rouage de l’amélioration végétale. Et puis, suivre patiemment les plantes tout au long de l’année est passionnant.
Quels ont été les éléments qui ont contribué à la réussite d’un tel projet ?
Une longue préparation. Dans mon cas, entre l’idée initiale et l’installation, presque cinq ans se sont écoulés. J’ai fait des aller-retour entre Paris et la région pour travailler comme ouvrier agricole, et apprendre le métier à la base. Il faut de la patience, de l’opiniâtreté, avoir quelques moyens économiques pour acheter des terres, et s’assurer de l’accompagnement. J’ai bénéficié de la transmission du métier de ma belle-famille, de mes voisins et des professionnels que je suis allé voir. L’accompagnement compte beaucoup ! Une ferme reste une entreprise. Il faut accepter l’échec et savoir rebondir. Mais on peut avoir de grandes satisfactions : lorsque l’on réussit à mener une culture de bout en bout en passant au travers des mailles du filet météo ; ou dans la production de semences lorsque l’on reçoit les premiers résultats d’analyse en laboratoire et que l’on constate que la graine n’a pas de déchet et germe parfaitement. Cela donne le moral !
Qu’est-ce qui est le plus surprenant pour vous dans la culture des semences ?
Le fait d’être à l’origine de tout ce que les agriculteurs vont semer dans les années ultérieures. C’est un aspect presque irrationnel…Ce sont des cultures techniques, qui demandent une attention constante et une amélioration en continu. Elles nécessitent de nombreux contacts humains : pour faire mieux, il faut aller voir comment font les autres, agriculteurs, agronomes, entreprises de multiplication, etc. L’amélioration de ces process passe par ces rencontres avec les acteurs du monde des semences. Les défis à relever sont nombreux, comme par exemple en technique de désherbage mécanique ou de lutte contre les champignons.
Combien de temps faut-il pour devenir un agriculteur-multiplicateur compétent lorsque l’on part de zéro ?
Il faut savoir être patient. Chaque jour est un apprentissage : après sept années, je commence tout juste à m’approprier les aspects techniques de ce métier. Heureusement, nous sommes accompagnés par les spécialistes des établissements qui nous commandent les multiplications et également par des agronomes de notre filière. Les méthodes, les travaux, la météo évoluent en permanence… Le rapport au temps est l’un des éléments qui m’a le plus surpris. Entre le moment où l’on sème et celui où l’on récolte, s’écoule parfois presque une année. On apprend à suivre le temps et les saisons. Même si l’on sème la même espèce, cela se passe de manière différente tous les ans. D’une année sur l’autre, le travail est toujours différent. C’est ce qui me plait dans le métier d’agriculteur : échapper à la routine !