Conserver les semences pour préserver la biodiversité

Exemple du centre de ressources biologiques céréales à paille de Clermont-Ferrand
Le centre de ressources biologiques (CRB) céréales à paille de Clermont-Ferrand, qui dépend de l’INRAE, est une structure qui fournit des ressources génétiques aux chercheurs, sélectionneurs privés mais aussi aux agriculteurs et particuliers. Son nouveau responsable, Clément Debiton, a la charge de s’assurer que les collections de semences restent viables et que le travail de caractérisation, de structuration et de valorisation de ces collections se poursuive.

 INRAE Boulat Didier

Des banques de semences organisées par espèce en France

19 CRB travaillant sur les espèces végétales (dont 11 dépendent de l’INRAE) sont fédérés au sein du pilier « plantes » de l’infrastructure nationale RARe (ressources agronomiques pour la recherche) et sont répartis par espèce sur tout le territoire français. Ils rassemblent des accessions (entités génétiques) qui viennent de pays du monde entier au sein d’une même structure afin de permettre leurs meilleures conservation et valorisation.
Le CRB de Clermont-Ferrand, situé au sein de l’unité de recherche Génétique, Diversité et Ecophysiologie des Céréales, est spécialisé dans les céréales à paille. Ce CRB gère environ 27 000 accessions, dont 14 000 blés tendres, 2 800 autres blés (dont les blés durs), 6 600 orges, 1 600 avoines, 1 400 triticales et 450 espèces sauvages ou apparentées, comme les aegilops, et 80 seigles.

Décrire, évaluer et structurer les collections

L’enjeu pour les CRB est d’améliorer les connaissances des accessions qu’ils conservent pour mieux les valoriser. Cela commence par une caractérisation des accessions selon leurs données dites « passeport » (nom d’espèce, dénomination, pays d’origine, nom du donneur, date d’inscription, date d’introduction dans la collection, statut juridique…). Ces informations sont ensuite complétées par une  description des caractères agro-morphologiques (hauteur, compacité de l’épi, couleur de glumes…). Certaines accessions, étudiées lors de programmes de recherche, sont également caractérisées génotypiquement (composition génétique) et décrites selon leur niveau de résistance aux maladies au travers de réseaux d’évaluations. Toutes ces informations sont intégrées dans une base de données et permettent d’avoir une meilleure connaissance des accessions conservées. Ces données sont le plus souvent produites lors de programmes de recherche comme cela a pu être le cas lors du projet investissement d’avenir Breedwheat qui s’est clos fin 2020. Toutes ces informations ont notamment permis de caractériser la diversité génétique mondiale présente au sein des collections du CRB. 
Si la recherche d’exhaustivité dans l’introduction de nouvelles  accessions est nécessaire, la mission du CRB est d’abord d’aider les scientifiques, en répondant à leur besoin spécifique selon leur thème de recherche ou leur programme de sélection.« Avant d’intégrer une nouvelle accession dans le CRB, nous nous posons toujours la question de la pertinence de cette introduction : cette accession est-elle bien caractérisée pour ses données « passeport », est-elle diffusable (libre de droit), aura-t-on les moyens de la caractériser et la valoriser que ce soit par des chercheurs, sélectionneurs ou des agriculteurs ? », commente Clément Debiton.

Multiplier et régénérer ces ressources

Toutes les ressources présentes au CRB doivent être viables et distribuables aux différents utilisateurs, que ce soit les chercheurs pour mener à bien leurs études, les sélectionneurs pour leurs programmes de sélection mais aussi les agriculteurs pour les cultiver. Pour cela, les semences sont conservées en chambre froide et leur qualité contrôlée régulièrement en réalisant un suivi de leur taux de germination. Si les différents lots passent en-dessous d’un certain seuil de germination ou qu’ils n’ont pas été régénérés depuis plus de 15 ans, ils sont remis en terre pour être multipliés à nouveau.
Le CRB de Clermont-Ferrand implante entre 1 600 et 2 000 accessions chaque année afin de régénérer les accessions qu’il conserve. « Le but est de maintenir la viabilité des 27 000 accessions. Dans 50 ans, il faut que l’on puisse toujours les fournir, qu’elles poussent, produisent du grain, etc. », explique Clément Debiton. Si la plupart des céréales sont autofertiles, la particularité de ce CRB est sa capacité à fournir aux chercheurs effectuant des travaux de génotypage, des semences dont la pureté est garantie par la pose de sachets avant la floraison des épis. Ainsi, aucun pollen extérieur n’a pu venir altérer l’accession conservée, ce qui est très important pour de telles analyses.  
Chaque accession est multipliée soit en tunnel, soit dans une pépinière sur 3 lignes. Dix épis par accessions sont ensachés sur la ligne centrale avant leur floraison. Ces épis sont récoltés séparément avec des ciseaux et battus sur une machine spécifique.

Distribuer les ressources

Chercheurs et agriculteurs peuvent faire la demande de grains auprès du CRB céréales à paille, à condition que les accessions ne soient pas protégées par un brevet ou un certificat d’obtention végétal : « En fonction de nos stocks, on fournira à une personne 100 graines par accession commandée, une fois. À sa charge ensuite de les multiplier pour les réutiliser l’année suivante », déclare Clément Debiton. Les accessions sont distribuées sous réserve de signatures d’accords de transfert de matériels qui engagent le respect de la règlementation en vigueur. Ils permettent également d’avoir une traçabilité des ressources distribuées par le CRB. 

Répondre aux enjeux d’avenir

Puisque le rôle des CRB consiste à conserver, maintenir et valoriser la diversité des espèces au travers de recherches scientifiques, il est intéressant de penser qu’au niveau mondial des réponses à des problématiques actuelles et futures sont sans doute présentes dans les différentes accessions conservées. Par exemple, des accessions provenant d’Afrique du Nord sont peut-être porteuses de gènes de résistance à des stress thermiques ou hydriques qui pourraient être intégrés dans des programmes de sélection en France pour répondre aux problématiques de changement climatique.
Il paraît donc essentiel que les centres de ressources biologiques puissent continuer à bénéficier du soutien des pouvoirs publics pour pouvoir poursuivre l’exploitation et l’enrichissement des connaissances de cette immense source de diversité présente dans  leurs collections.
Emilie Morin
 

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