Le chanvre, la petite graine aux multiples atouts

Le chanvre fait des émules : chez les industriels mais également chez les agriculteurs. Entre intérêts agronomique, écologique et économique, cette plante a de quoi séduire. Nicolas Danieau a fait le choix, il y a cinq ans, d’introduire le chanvre dans son assolement. Il nous explique pourquoi cette stratégie reste pertinente.

Nicolas Danieau exploite 8 ha de chanvre dans le nord de la Vendée. @ Carole Loiseau

Installé sur 190 ha à l’Herbergement, dans le nord de la Vendée, Nicolas Danieau possède également un élevage de 80 vaches laitières, pour une production de 800 000 litres de lait. Blé, maïs, mogettes et production de semences occupent la majorité des hectares de son assolement (1). Mais depuis cinq ans, une nouvelle espèce a fait son apparition sur l’exploitation : le chanvre, sur huit hectares. Une culture, développée et portée par la coopérative locale Cavac, qui a séduit Nicolas. 

Allonger la rotation

« Le premier objectif était de diversifier mon assolement pour réduire la pression maladies et avec elle, l’usage des produits de protection des plantes, explique-t-il. Dans ma précédente rotation, le blé revenait près d’un an sur deux sur chaque parcelle. Une stratégie qui favorisait notamment le développement du piétin échaudage, un champignon qui attaque les racines de la céréale et peut lourdement impacter le rendement. »

La levée, étape clé de l’itinéraire

« Le chanvre est une culture de printemps facile à conduire, résume-t-il. Seul impératif : réussir la levée. Le chanvre se sème tôt, dès le 15 avril. Mais pour assurer une levée rapide et homogène, la terre doit être un minimum réchauffée. Une fois le semis réalisé, je rappuie le sol pour assurer un contact parfait entre le sol et la graine. Une couverture rapide du sol réduit la concurrence des mauvaises herbes. Le chanvre peut alors pousser dans de bonnes conditions. »

Peu gourmand en intrants

Une fois levé, le chanvre ne demande aucun traitement phytosanitaire. « Ni insecticide, ni fongicide, ni herbicide, confirme Nicolas Danieau. Un réel atout pour la protection de l’environnement et pour faire baisser l’IFT (Indicateur de fréquence de traitement) de la ferme. Cette plante a besoin uniquement d’eau et d’engrais, apportés sous forme d’effluents en provenance directe de la ferme. Le chanvre valorise très bien le fumier et le lisier apportés avant le labour. »

Fauchage, fanage, mise en andains

Autre étape importante de l’itinéraire, la récolte. Le fauchage de la culture s’effectue en général fin août. Vient ensuite l’étape du fanage pour étaler les andains, 15 jours après. « La fauche et le pressage sont réalisés par une entreprise extérieure, poursuit-il. La graine de chanvre étant petite, elle nécessite du matériel spécifique. Cela nous évite d’investir dans ce genre d’outils qui, au final, serviraient peu sur la ferme. Le fanage et l’andainage sont en revanche réalisés par nos soins, avec notre propre matériel. Nous stockons les andains sur la ferme. Ceux-ci sont ainsi acheminés vers le site Cavac au fur et à mesure des besoins de l’usine au cours de l’année. »

Les blés profitent aussi du chanvre

Nicolas Danieau reconnaît que le chanvre n’est pas la meilleure marge de l’exploitation – cette place étant réservée à la mogette –, mais il fait partie des cultures rentables. « La marge du chanvre équivaut à une très bonne orge », précise-t-il. Mais son intérêt va bien au-delà du simple calcul économique. « Il est avant tout agronomique, résume-t-il. Un blé implanté derrière un chanvre produit en moyenne 5 à 10 quintaux de plus ! Non seulement cette culture permet de rompre le cycle des maladies mais il structure et aère le sol, facilitant l’implantation du blé derrière. » Par hectare, Nicolas Danieau récolte en moyenne 8 à 9 tonnes de chanvre, un peu au-dessus de la moyenne régionale qui, elle, oscille entre 6 et 7 t.

Des semences sur mesure

Les semences utilisées par Nicolas Danieau proviennent d’Hemp It, une entreprise basée dans le Maine-et-Loire, spécialisée dans la production de semences de chanvre. Cette structure regroupe près de 150 multiplicateurs. Au fil des années, Hemp It a développé des compétences et un savoir-faire spécifique dédiés à cette culture. Nicolas cultive en moyenne trois variétés. Comme pour les autres espèces, toutes les variétés de chanvre n’ont pas les mêmes caractéristiques. Elles se distinguent par leur potentiel de production de paille, de graine, de fibre, leur richesse en fibre, leur précocité ou encore leur sensibilité à la verse. Un choix de plus en plus varié, en fonction des débouchés visés, pour répondre à un marché en pleine croissance.

Du bâtiment à la cosmétique

Cet engouement pour le chanvre est directement lié à ses nombreuses utilisations : plus de 600 à travers le monde. Dans le bâtiment par exemple, il est apprécié pour ses performances thermiques, hygrométriques, acoustiques, sa stabilité au feu ou encore, sa résistance face aux rongeurs. En alimentation humaine, ce sont les qualités nutritionnelles de son huile, la richesse de ses protéines, de ses acides aminés, vitamines ou oligo-éléments qui séduisent. Des performances également exploitées en cosmétique. Dans le secteur automobile, les ingénieurs ont réussi à créer un plastique plus vert, plus léger grâce au chanvre. Et que dire des atouts de la paille de chanvre pour le paillage des cultures ou la litière des animaux ! Décidément, la petite graine de chanvre a tout d’une grande et n’a pas fini de nous étonner.

Carole Loiseau

(1)  70 ha de blé dont 15 en production de semences, 50 ha de maïs dont 40 ha en ensilage, 15 ha de mogettes en label rouge, 10 ha de trèfle violet en production de semences et 8 ha de chanvre.

De la graine à la chènevotte, en passant par la fibre ou les poussières, dans le chanvre, tout est utilisé (voir schéma ci-dessous). Au niveau mondial, plus de 600 produits dérivés de cette plante sont brevetés. La France fait partie des pays novateurs avec, par exemple, le brevet lié au béton de chanvre préfabriqué, pour la construction des bâtiments.

Les utilisations du chanvre (Source Interchanvre) :

Les utilisations du chanvre - Source : Interchanvre

  • Avec 20 000 ha, la France est le 1er pays producteur de chanvre en Europe (60 000 ha).
  • L’Aube est le département qui accueille le plus d’hectares de chanvre.
  • 1 500 producteurs en France.
  • Rendement moyen par ha : 1 t de chènevis et 7 t de paille.
  • Il peut atteindre 3,5 m de haut.
  • Les graines représentent 11 % du volume récolté, les pailles, 89 %.
  • Six industriels se partagent le marché en France : Cavac (85), AgroChanvre (Normandie), La Chanvrière de l’Aube (10), Interval (21), Planète Chanvre (Ile de France) et GatiChanvre (91)
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