Peinture, encres ou nettoyants. Les solvants interviennent partout dans notre vie quotidienne. Difficile de les éviter… et de préserver sa santé. Car ces liquides, qui ont la propriété de dissoudre, de diluer ou d’extraire d’autres substances, libèrent des composés organiques volatils (COV), dont les risques sur la santé humaine sont désormais avérés, tout comme leur contribution à l’accroissement de l’effet de serre. Une alternative : les agrosolvants, principalement constitués de dérivés de colza et de tournesol.
12,5 % de solvants substituables dans les peintures
En France, on consomme près de 600.000 tonnes de solvants, majoritairement issues de la pétrochimie
note [2]. Pour lutter contre leurs effets indésirables, des règlements (voir encadré) ont été adoptés, visant à réduire, voire interdire, l’usage de certains d’entre eux. Ils incitent donc à substituer les molécules toxiques par des équivalents moins dommageables. Carine Alfos, responsable du département lipochimie de l’Iterg, estimait il y a cinq ans que, dans les peintures, 12,5 % des solvants étaient substituables : « Les agrosolvants avec, parmi eux, les esters d’huiles végétales se placent dans la catégorie de ces solvants de substitution, avec des avantages indéniables sur le plan environnemental. Ils n’ont rien à envier aux solvants pétrochimiques du point de vue technique
note [4]. »
Des agrosolvants qui ne sont pas exempts de tout danger…
On estime qu’ils représenteront 10 % du marché en 2015, contre 2,5 % en 2009. Leurs fonctionnalités sont les mêmes que celles des solvants classiques, c’est-à-dire qu’ils permettent de dégraisser (des métaux), de diluer (des peintures), de décaper (des vernis), de purifier (l’air), etc. Mais à la différence des solvants pétrochimiques come le White Spirit qui convient à différentes surfaces, un agrosolvant est spécifique à une application donnée pour les traitements de surface
note [2].
En outre, « même si ces agrosolvants sont biodégradables, ils restent des solvants organiques, rappelle l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (Inrs)
note [1]. Certains sont identiques à ceux obtenus par voie pétrochimique. Dans tous les cas, le fait que les agrosolvants soient issus de matières premières renouvelables n’est pas synonymes d’absence de danger. Certains agrosolvants sont des irritants ou des allergisants puissants, d’autres sont très inflammables, etc. »
… mais qui représentent une meilleure alternative !
Alors, à quelles attentes répondent-ils effectivement ? « La substitution des solvants d’origine pétrochimique par les agrosolvants constitue l’une des voies de réduction des émissions de COV générés par les solvants et l’un des moyens de remplacement des solvants à risques, estime la CRCI/ARIST Champagne-Ardenne. Certains solvants d’origine pétrolière devront être impérativement remplacés. Les principaux atouts des agrosolvants sont une moindre toxicité et leur biodégradabilité. En termes de coût, ils sont actuellement deux à trois fois plus chers que les solvants pétrochimiques. »
40.000 hectares d’oléagineux ,
30.000 hectares de plantes sucrières
En 2004, ces agrosolvants ne représentaient qu’1 à 2 % des solvants utilisés en France. Ils sont issus des filières céréales et oléagineux. Dans le cas des céréales, et des plantes riches en sucres en général (pomme de terre, betterave à sucre, sorgho, etc.), l’obtention des solvants passe par un processus de fermentation. Dans le cas des oléagineux, c’est-à-dire les plantes riches en huiles (colza, tournesol, soja, arachide, sésame, lin, etc.), les solvants prennent généralement la forme de mélanges d’esters méthyliques d’acides gras. Le marché européen des solvants en 2002 représentait plus de 40.000 hectares d’oléagineux et 30.000 hectares de plantes sucrières
note [3].
La sélection variétale, source d’innovation
La chimie du végétal commence à intégrer l’intérêt de privilégier les ressources végétales comme matière première. Et attire l’attention sur la nécessité de développer la recherche variétale. En témoignent ces 60 chercheurs et professionnels travaillant dans le domaine de l’extraction des produits naturels, qui se sont réunis en janvier 2010 pour définir les principes de l’Eco-Extraction. Les deux premiers principes développés sont les suivants : « Favoriser l’innovation par la sélection variétale et l’utilisation de ressources végétales renouvelables, et privilégier les solvants alternatifs et principalement ceux issus des agroressources », révèle Farid Chemat, directeur du laboratoire des techniques d'éco-extraction de produits naturels (GREEN) à l'université d'Avignon.
« En consacrant 10 % de la SAU française aux besoins de la chimie, on peut remplacer complètement le carbone fossile dans la pétrochimie, estime Paul Colonna, de l’Inra
note [4]. Matières premières et énergie seront de plus en plus chères. Jusqu’ici, avec de l’énergie bon marché, on a plutôt adapté le process à la matière première. A l’avenir, il sera crucial de disposer de la bonne matière première permettant d’utiliser les procédés les plus économes. Par les liens étroits qu’elle permet entre le champ et l’usine, cette intégration verticale est un atout important pour cultiver les plantes et les
variétés les mieux appropriées. »
Sources :
[1] INRS – Fiche Solvants ED4230 – Les agrosolvants - Juillet 2012
[2]
Les agrosolvants - Fiche PRIV N°2 – Août 2009
[3] Les agrosolvants ou biosolvants - CRCI/ARIST Champagne-Ardenne - Mars 2007 - Fiche n°10 - Rédigée par Nina Quélénis
[4] Réussir Céréales Grandes Cultures - Novembre 2007 - N° 208