Combustion & plantes agricoles : des granulés dans les chaudières !

Les ressources biologiques s’avèrent utiles pour faire carburer les moteurs, mais également les chaudières ! Dans cette optique, on utilise soit des cultures dites énergétiques (miscanthus, switchgrass, chanvre, etc.), plantées dans cet unique objectif, soit les déchets (ou coproduits) agricoles (pailles, enveloppes de graines de céréales ou d’oléagineux, rafles de maïs, fonds de silo, etc.). Ces derniers sont, de fait, de plus en plus recyclés pour produire des granules (ou agro-pellets) qui alimentent des poêles et des chaudières (semi-)automatiques, polycombustibles, de petites et moyennes puissances. Une alternative écologique très intéressante quand on sait, qu’en France, le chauffage des bâtiments et des habitations est le premier consommateur d'énergie note note [1].

Une combustion qui rend le CO2 emprunté à dame Nature

Ces biocombustibles produisent de la chaleur (ou de l’électricité) sans émettre plus de CO2 que celui fixé par les plantes lors de leur croissance. Toutes les espèces céréalières peuvent être utilisées comme biocombustibles. L’énergie que libère la combustion de la biomasse provenant d'un hectare de céréales équivaut à celle de 4.500 litres de fioul… soit la quantité nécessaire pour chauffer deux maisons de 100 m² à 18°C pendant un an note [5] ! Le contenu énergétique moyen de ces produits tourne autour de 4.800 kWh par tonne note [1], pour un taux de cendre qui varie de 1 à 5 %. Pour ne citer qu’un exemple, la paille de céréales existe actuellement sous forme de balles de paille entières dites rectangulaires. Son intérêt : elle ne requiert aucune transformation de la paille en amont. Elle est destinée à des chaufferies d'une puissance supérieure à 1 MW thermique et qui disposent d’une place suffisante pour la livraison de la paille note [4].

De la plante aux granulés, mode d’emploi

Les coproduits agricoles peuvent aussi fournir de l’énergie, une fois agencés sous forme de « granulés ». Ces granulés (ou agro-pellets) sont produits à partir de matières premières agricoles qui enchaînent des étapes de broyage, de mixage, de pressage puis de granulation pour aboutir à des granulés de 6 à 10 mm de diamètre et de longueur variable. A la différence du bois, aucune étape de séchage n’est nécessaire. Des additifs peuvent être ajoutés pour améliorer la combustion des granulés et répondre aux exigences réglementaires en termes d’émissions de fumées et de particules note [3]. Des normes existent désormais pour garantir la qualité des agro-pellets et optimiser les rendements des appareils de chauffage. Parmi elles, on peut citer les marques « NF Granulés Biocombustibles », « DIN+ » ou « Onorm » note [4]. Les avantages des agro-pellets cités par les fournisseurs sont les suivants : un approvisionnement stable et sécurisé, une énergie stockable non dangereuse et peu sensible à la spéculation, et la promotion d’une diversité agricole régionale. Car ces agro-pellets jouent souvent la carte du local, et vantent un approvisionnement qui permet aux agriculteurs de la région de pérenniser leur activité.

Projet Bran Blending : toutes les matières premières ne se valent pas

Autant les granulés de bois sont désormais des concurrents bien positionnés du gaz et de l’électricité pour le chauffage, autant le marché des granulés de coproduits agricoles évolue encore. La production française de granulés biocombustibles est passée de 17.000 tonnes en 2002 à plus de 350.000 tonnes en 2009 note [5]. Mais surtout, les scientifiques poursuivent les études visant à optimiser les agro-pellets. Le projet Bran Blending se positionne exactement sur ce segment. Actuellement en cours, il granule et teste l’aptitude à la combustion des granulés préparés à partir d’anas de lin, bale de riz, issues de silo (= coproduits du travail du grain), marc de raisin, miscanthus, paille de blé, paille de blé lessivée, paille de chanvre, paille de colza et sarment de vigne. Ses premiers résultats révèlent que l’aptitude à la granulation reste très variable selon les matières premières : le sarment de vigne se granule très facilement, à la différence du panic érigé, du miscanthus et de bale de riz qui ont une aptitude à la granulation plus délicate (problèmes de frictions, échauffement, de production de fines, de faible débit de production, etc.) note [2]. Du côté des émissions qui résultent de la combustion de ces matières premières, le miscanthus, le panic érigé et l’anas de lin ne posent aucun souci. En revanche, le marc de raisin, la paille de colza et les sarments de vigne génèrent un fort taux de CO, malgré un rendement constant (entre 85 et 90 %) pour l’intégralité des échantillons. Au final, cette étude met en avant des résultats positifs pour la paille de colza et le miscanthus, au niveau du taux de cendres et de la formation de mâchefer (résidus de l'incinération laissés en fond de four), et pour les émissions pour les sarments de vigne et les issues de silo. Forts de ces résultats, les chercheurs travaillent désormais sur des mélanges de ces mêmes matières premières pour limiter les problèmes liés aux cendres, mâchefers, oxydes d’azote et particules.

De la biomasse disponible… mais pas n’importe comment !

Attention : si on exporte systématiquement les coproduits agricoles ou les résidus de culture pour produire de l’énergie, on les détourne d’un usage fort courant dans le monde céréalier. Celui d’enrichir le sol en matières organiques. En effet, quand ces éléments sont restitués au sol, ils libèrent des minéraux qui deviennent disponibles pour les plantes et participent à stabiliser les sols. Dès lors, quel équilibre permet de produire de la biomasse destinée à un usage énergétique tout en maintenant la qualité des sols ? Une question importante, car les terres fortement céréalières (le Nord, la Beauce, la Chartraine, etc.) possèdent également le moins de stock de matières organiques, selon une étude de l’Inra en 2002. Et de la nature du sol (argileux ou sableux) dépend également sa structuration, et un besoin plus ou moins important en matières organiques… Tout cela pour dire que, selon le type de sol considéré, on pourra exporter plus ou moins de pailles de céréales, sans éroder les sols. Et cela dépendra également du type de pailles. Car la Chambre Régionale d'Agriculture de Provence Alpes Cotes d'Azur a analysé en 2009 que les pailles de riz seraient facilement exportables et valorisables, du fait de la difficulté à les enfouir, et que seule la paille de blé dur détenait un réel potentiel de valorisation énergétique. En 1999, une étude avait ainsi conclu que le potentiel de pailles exportables était de 4 millions de tonnes, soit 1,59  million de tep /an (tep = tonne équivalent pétrole). Un chiffre intéressant, mais qui demande finalement d’étudier les sols français au cas par cas, pour être en mesure de préconiser, selon les territoires, les pratiques équilibrées pour exporter la biomasse à des fins énergétiques note [7]. [1] Ecovalorys.com qui renvoie désormais vers L'Epi Salvagnacois [2] Bioénergie International, Magazine & Portail [3] & [4]Biomasse Energie Ile-de-France [5] La Biocombustion sur le site Passion Céréales [6] La luzerne de Puisieulx [7] ARVALIS-infos.fr
Un agro-pellet produit à partir de luzerne déshydratée se caractérise par un pouvoir calorifique inférieur (PCI) (= la quantité d’énergie comprise dans une quantité de combustible), supérieure à 4,4 MWh/tonne. Un chiffre réduit à 2,2-3,9 MWh/tonne pour les plaquettes forestières et à 3,7-4,2 pour la paille en balle. Ainsi, l’utilisation de 2,5 tonnes d’agro-pellets permet d’éviter la consommation de 1.000 litres de fioul note [6]. Ou de réduire sa facture énergétique d’environ 50 % pour une maison de 200 m² qui consommerait 3 500 litres de fioul… ou huit tonnes de luzerne déshydratée !
Les biocombustibles peuvent également produire de l’électricité, via la cogénération : durant leur combustion, ils génèrent à la fois de la chaleur et un courant électrique. On obtient de très bons rendements avec cette méthode, d’environ 85 %, à comparer avec les 40 % des centrales nucléaires. Néanmoins, cette technique n’est pas très développée en France, à la différence du Danemark et de l’Espagne où des unités de cogénération, utilisant des biocombustibles céréaliers, ont été mises en place note [5].
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