Créer des légumes sains et qui ont du goût

Denis Lor, Directeur de la Sélection Clause

Que préférez-vous dans le métier de sélectionneur ?

Denis Lor, Directeur de la Sélection Clause
Le plus intéressant dans le métier de sélectionneur c'est de créer. Il faut le faire avec beaucoup d'imagination et de bon sens. Le sélectionneur doit être un amoureux de la nature, passionné par les plantes. Il doit être prêt à subir toutes les intempéries, car il travaille à l'extérieur : dans la boue ou le gel pour observer les carottes en hiver, ou en pleine chaleur pour noter les melons l'été. Il doit être marathonien car son travail n'aboutit qu'après environ 10 ans ! Sa meilleure récompense est le succès des variétés qu'il a créées.

Comment répondez-vous aux besoins des consommateurs ?

La société demande des produits sains, comportant le moins de résidus chimiques possibles, qui aient du goût, qui se conservent, à des prix stables. Pour obtenir des produits plus sains, la résistance génétique aux maladies est un de nos axes majeurs de recherche. Nous y consacrons la moitié de notre temps. Nous avons même des spécialistes des maladies qui scrutent les épidémies à travers le monde. Nous travaillons la saveur et la conservation des légumes. Enfin, nos clients les producteurs du monde entier ont besoin de variétés bien adaptées à leurs propres conditions agroclimatiques locales.

Les sélectionneurs jouent-ils un rôle dans la préservation de la biodiversité, et comment ?

Nous consacrons 10 % de notre effort de recherche au maintien de collections de matériel génétique. Nous échangeons avec des banques de gènes partout dans le monde, et en particulier en France, nous participons à celles de l'INRA. Nous réalisons en clubs de sélectionneurs privés avec l'INRA des maintenances des collections nationales, en de nombreuses espèces (melon, chicorée, piment, tomate, aubergine,…). L'ensemble de ces collections constitue le réservoir mondial de possibilités. Par exemple, nous avons découvert dans une courgette du Nigéria, par ailleurs immangeable, une résistance à un virus qui sévissait en Europe. Avec d'autres semenciers nous maintenons des variétés anciennes pour jardiniers amateurs avec beaucoup de soin. Nous les reproduisons conformément aux types d'origine décrits dans les anciens catalogues, en bon état sanitaire, sans mélange. Ce travail de collection nous sert entre autres de ressources génétiques. Nous avons ainsi trouvé dans une ancienne laitue une résistance au froid qui a rendu possible la culture des laitues dans les zones de montagne.

Comment pouvez-vous financer tout ce travail de recherche ?

La mise au point d'une variété demande de lourds investissements, de l'ordre de 2 à 3 millions d'euros. Et il existe beaucoup de piratage dans notre secteur d'activité. Notre politique est de ne pas confisquer la nature en appliquant les principes de la Convention UPOV qui protègent les Nouvelles Variétés tout en permettant aux autres Sélectionneurs d’avoir accès à cette variabilité pour poursuivre leur travail d’amélioration génétique. Nous voulons assurer la juste protection de nos variétés en contrepartie de tous nos efforts de recherche.
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MD
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