Le catalogue mondial des variétés cultivées en pomme de terre décrit plus de 4000 variétés !

Éric Bonnel - Directeur Recherche et Développement chez le semencier breton Germicopa

Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier de sélectionneur ?

Éric Bonnel - Directeur Recherche et Développement chez le semencier breton Germicopa
C'est un métier de gens passionnés et passionnants ! Un métier très ancien, mais très méconnu. Les sélectionneurs aiment et respectent les plantes, les observant et les préservant dans leurs environnements naturels pour les valoriser et les améliorer au service des besoins humains, alimentaires ou non alimentaires.

Pour sélectionner, comment prenez-vous en compte les attentes des utilisateurs et des consommateurs ?

La définition des objectifs est l'aspect le plus délicat de notre métier : la perception de ce que le consommateur voudra dans 20 ans ! Le marché ne demande pas une variété unique. La pomme de terre étant une espèce dont la génétique est extrêmement complexe, il est illusoire de penser réaliser une variété qui allie plus de 3-4 qualités majeures. Ainsi pour les frites il faut des variétés ayant une teneur élevée en matière sèche, des tubercules de gros calibre, une couleur de produit frit stable.

Les sélectionneurs jouent-ils un rôle dans la préservation de la biodiversité ? De quelle manière ?

Les ressources génétiques sont indispensables à la sélection de la pomme de terre, pour rechercher en permanence des sources de résistances aux nouvelles maladies et virus, pour innover et introduire de la variabilité parmi les variétés cultivées. Les collections de travail des sélectionneurs du secteur public et du secteur privé, contribuent à la conservation et à l’enrichissement d’une diversité génétique importante par les effectifs concernés (plusieurs centaines de clones et plusieurs milliers de graines) mais surtout par toute l’information acquise et conservée. Ainsi Parmentier ne comptait en Europe qu’une quinzaine de variétés cultivées, aujourd’hui le Catalogue Communautaire en comprend plus de 1500 ! Avec 80 à 100 nouvelles variétés contre 30 à 40 retraits chaque année, le Catalogue s'enrichit donc de 50 à 60 nouveautés par an! Et les variétés retirées demeurent le plus souvent en collection et en banques de gènes. Les sélectionneurs en pomme de terre procèdent régulièrement à des échanges. Ainsi un Catalogue mondial des variétés cultivées en pomme de terre décrit plus de 4000 variétés ! Pour l’accès à l’information sur ces ressources génétiques, des bases de données ont été harmonisées et rendues librement accessibles sur le réseau internet.

Comment vos travaux de recherche peuvent-ils être financés ? Y-a-t-il une propriété intellectuelle sur les plantes ?

La sélection d'une nouvelle variété de pomme de terre demande 10 ans, suivis de 10 autres années de multiplication et de développement. La problématique concernant les droits d'obtenteur est exactement la même que celle des droits d'auteur pour les musiciens et écrivains, ou plus généralement de la contrefaçon en bien des domaines de l’activité économique : accepte-t-on la contrefaçon sur des pièces dans les moyens de transport, les avions ? Ou sur des médicaments ? C’est la capacité à s’adapter aux changements des milieux écologiques et socio-économiques qui serait plus sûrement affectée si la sélection privée devait cesser faute de financement. En Europe, avec le développement des lois de protection des variétés végétales, la sélection privée s'est développée. Après 50 ans, des progrès importants ont été apportés par de grandes variétés devenues publiques issues de la sélection privée. En pomme de terre, la propriété intellectuelle conférée par le Certificat d’Obtention Végétale (Convention UPOV) remplit pleinement son objectif initial de promotion de la création variétale, pour satisfaire efficacement les besoins des marchés avec une grande diversité de variétés adaptées, pour le bénéfice de la société et sans aliéner le libre accès aux ressources génétiques.
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