Qu'est-ce qui vous plaît dans votre métier ?
Le métier de
sélectionneur est varié. Il se pratique à l'intérieur et à l'extérieur, au contact de nombreuses personnes, parfois seul face aux plantes dans la nature. Je suis en relation avec mes collègues de l'entreprise, des techniciens, parfois des agriculteurs, et jusqu'à la vache, puisque c'est pour elle que je travaille !
Si ce métier fait appel à des connaissances scientifiques, il demande surtout un bon esprit d'organisation. Lorsque nous préparons les semis, il faut compter un maximum de graines, les trier, les préparer et les mettre en petits sachets en un minimum de temps puis les expédier à de nombreux lieux pour essais. Le tout sans erreur et bien répertorié pour la traçabilité – à tout moment on peut remonter la généalogie de toute
semence.
Pour bâtir vos programmes de sélection, comment identifiez-vous les besoins et comment y répondez-vous ?
Pour moi, je sélectionne le maïs comme nourriture pour les vaches. C'est la plante entière qui est utilisée.
Le maïs est la base de l'alimentation de la majorité des troupeaux laitiers, parce que c'est une plante idéale pour les ruminants.
Nous créons des
variétés les plus digestes possibles, en essayant de bien respecter l'équilibre entre amidon et fibres. En effet l'énergie fournie par le maïs vient d'une part de l'amidon du grain, d'autre part des fibres des tiges et feuilles qui favorisent la rumination des animaux. C'est bon pour leur santé et leur bien-être.
D'où viennent vos ressources nouvelles ?
Nous avons besoin de variabilité génétique. Nous la trouvons dans des
variétés existantes, ou dans des
lignées en réserve stockées dans des universités, des organismes de sélection, des banques de
gènes dont l'une des plus célèbres est le Cimmyt (Centre International pour l'Amélioration du Maïs et du Blé) à Mexico.
Comme la gestion des collections est un travail très lourd et pas directement rentable à court terme, les entreprises s'associent souvent.
En France elles ont créé le GIE Promaïs pour rassembler les variétés ou les populations anciennes et les entretenir. L'INRA de Clermont-Ferrand stocke les graines en chambre froide et les établissements assurent la survie de toutes ces populations en les ressemant régulièrement afin qu’elles conservent une bonne
faculté germinative.
Comment pouvez-vous financer tout ce travail de recherche ?
Il faut savoir qu'un croisement de départ, dont on multiplie la descendance, donne lieu à des essais sur 3 à 5 sites dans les premiers stades, et jusqu'à 30 à 50 sites en fin de cycle de sélection ! Et cela pour des milliers de
croisements nouveaux chaque année. Le nombre de petites parcelles d'essais pour une société de sélection se compte en plusieurs centaines de milliers.
C'est un budget colossal chaque année, à financer pendant 7 à 10 ans avant de commencer à vendre le résultat de ces investissements. Il est évident que le semencier attend des droits d'auteur pour pouvoir rentrer dans ses frais, sinon pourquoi travaillerait-il ?
Pour protéger l'utilisateur, la loi européenne a prévu que les
variétés ne peuvent être vendues que si elles sont vraiment nouvelles, ce qui est vérifié dans un réseau public officiel, et si elles apportent un réel progrès lui aussi mesuré et prouvé. En contrepartie, le semencier peut protéger sa création sur laquelle il touchera alors des droits d'
obtenteur.