Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?
Ce qui me passionne c'est de créer, de partir d'un objectif et d'y arriver. En plus j'ai la chance de travailler le lin, une plante magnifique, avec sa fleur gracile.
J'adore déambuler dans mes essais au mois de juin et j'y retourne par plaisir le samedi et le dimanche !
Comment identifiez-vous les besoins des utilisateurs de lin ?
Nous avons des programmes de lin textile et de lin oléagineux, deux destinations très différentes d'une même plante botanique. Le lin est utilisé par l'homme depuis au moins 10 000 ans et les Égyptiens employaient déjà le lin textile.
Le consommateur final ne se rend pas compte des détails techniques liés à la qualité de la fibre, mais nos clients filateurs, oui. Les filateurs européens sont très innovants et ont des cahiers des charges précis. Nous essayons de répondre à leurs demandes – celles qui sont réalistes, où la nature nous permet de progresser, comme sur le rendement et la qualité. Ne nous demandez pas de créer des fibres colorées d'origine !
Comment faites-vous pour créer de nouvelles variétés ? Quel est votre rôle vis-à-vis de la biodiversité ?
Nous regardons s'il existe une plante qui possède le caractère voulu, en réponse à chaque demande particulière. Nous cherchons à introduire ce caractère dans une nouvelle variété.
Notamment pour les
résistances aux maladies, le lin oléagineux est une bonne source de variabilité génétique.
Dans le monde, des collections de lin sont conservées en quelques endroits, en Russie, aux États-Unis, en France à l'INRA, en Argentine. Il y a eu de nombreux échanges entre ces banques de
gènes.
Nous conservons aussi des
lignées que nous avons créées nous-mêmes et qui ne sont pas devenues des
variétés, mais qui peuvent avoir des
caractères intéressants pour plus tard.
Quels sont vos objectifs de sélection ? Quelle serait la variété idéale ?
Nous apportons notre petit maillon dans la chaîne historique des plantes choisies par l'homme.
En lin textile nous cherchons la richesse en fibre, le rendement et les
résistances aux maladies. Ainsi, nous pouvons
sélectionner des plantes hautes pour avoir des fibres les plus longues possibles, très fines.
En lin oléagineux, nous recherchons le rendement en graines avec des graines plus grosses et plus riches en huile.
Comment vos travaux de recherche sont-ils financés ?
En Europe, le lin textile ne se cultive que sur la bordure maritime Normandie – Hollande. Nos
variétés sont sélectionnées dans le Pays de Caux et sont bien adaptées à leur terroir.
En lin, la création variétale est souvent le fait des producteurs eux-mêmes, les agriculteurs regroupés en coopérative qui ont décidé d'investir. Il n'y a pas de multinationale ! Mais la rentabilité de ces programmes longs et coûteux n'est pas tous les ans au rendez-vous ; c'est alors la coopérative qui prend en charge cet investissement pour son futur.
Nous sommes fragiles car l'avenir de la sélection dépend de la volonté des agriculteurs de continuer à investir.