Notre rôle de sélectionneur est de participer à un défi sociétal majeur

Jean-Pierre Despeghel, Directeur Recherche Oléagineux Europe - Monsanto

Que préférez-vous dans votre métier de sélectionneur ?

Jean-Pierre Despeghel, Directeur Recherche Oléagineux Europe - Monsanto
Parmi beaucoup de choses, c'est avant tout la liberté de créer. Nous imaginons les produits à créer pour dans 10 ans car il faut de 7 à 12 ans pour créer une variété de colza. A l'intérieur de contraintes techniques nous pouvons exprimer notre créativité. Ce métier est complexe, le sélectionneur a beaucoup de partenaires autour de lui. C'est un travail d'équipe structurée où les rôles sont bien définis : celui qui assure le suivi des générations, le responsable de la fixité, celui qui gère la production des lignées parentales pour les hybrides,… Il se pratique aussi bien à l'extérieur dans les champs à travers l’Europe, qu'au bureau, au laboratoire ou dans la serre.

Comment voyez-vous votre rôle de sélectionneur vis-à-vis de la société ?

Notre rôle de sélectionneur, in fine, est de participer à un défi sociétal majeur. L'explosion de la population mondiale combinée à la diminution des surfaces cultivables nécessitera de produire plus sur moins de surfaces. L'augmentation de la productivité est un enjeu majeur pour demain. De plus la société demande de produire mieux avec moins de produits de protection des plantes et d'engrais. Plus que jamais l'amélioration des plantes est une clé de ces enjeux.

Comment faites-vous pour prendre en compte tous les besoins ?

Nous faisons la synthèse de besoins de différentes natures : les orientations en matière d'agriculture et d'environnement, que veut l’agriculteur, le consommateur, que demande l'industrie ? Au niveau agronomique, dans les régions ventées il faut des variétés qui résistent à l'égrenage, pour l'Est de l'Europe des variétés résistantes au froid. Nous essayons d’adapter le colza envers les aléas climatiques (sécheresse, tempêtes,…). Pour limiter les traitements chimiques, nous essayons d'introduire des gènes de résistance aux parasites qui se développent. Pour utiliser moins d'engrais, depuis longtemps nous avons mis nos pépinières au régime en les cultivant avec très peu d'azote pour sélectionner les plantes qui poussent le mieux avec moins d'engrais et sans traitement fongicide pour sélectionner les plus résistantes aux maladies. Pour l'huile, nous avons sélectionné des colzas légèrement enrichis en omégas 3.

Les sélectionneurs jouent-ils un rôle dans la préservation de la diversité, et si oui, comment ?

La diversité végétale est à la source de l'amélioration des variétés cultivées. Des caractères utiles, comme des résistances génétiques à de nouveaux parasites, peuvent se trouver dans des plantes sauvages. Heureusement, les sociétés privées non seulement ont maintenu chez elles du matériel végétal depuis très longtemps, mais ont enrichi la diversité avec leurs variétés et lignées. En France une collection nationale Brassica (colza, chou…) est en train de se mettre en place. Cela demande beaucoup de moyens. Les sélectionneurs privés et l'INRA définissent ensemble le matériel qu'ils y apportent, celui qui est indispensable à conserver pour éviter toute perte.
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