Nous avons l'objectif très important de l'agriculture durable

Philippe Momont, Directeur de la Recherche - Société Momont

Que préférez-vous dans votre activité de sélectionneur ?

Philippe Momont, Directeur de la Recherche - Société Momont
L'activité de terrain avant tout. Être au contact des plantes, les observer dans leur milieu naturel sous différentes contraintes. Il faut avoir la fibre agricole pour faire ce métier. Mes aïeux étaient des agriculteurs devenus semenciers et l'entreprise en est à la 5ème génération. C'est un travail d'équipe entre des spécialistes. Il demande de la persévérance et procure la satisfaction de constater des progrès année après année, petit à petit.

Comment répondez-vous aux attentes des utilisateurs, des consommateurs et de la société en général ?

Notre métier se situe bien en amont. Nous avons face à nous l'agriculteur, qui a besoin d'un moyen de production et de débouchés ; puis l'industriel, meunier, biscuitier, fabricant d'éthanol, qui a un cahier des charges précis ; et surtout le consommateur, qui veut des aliments sains, abordables, avec de bonnes qualités nutritionnelles. Il reste l'objectif très important de l'agriculture durable et du respect de l'environnement. Nous travaillons sur les résistances naturelles aux maladies, et nous cherchons aussi à mieux valoriser l'azote pour pousser avec moins d'engrais, et à mieux valoriser l'eau.

Concrètement, comment faites-vous ?

Nous essayons d'introduire dans les nouvelles variétés les qualités requises par les agriculteurs, les industriels et les consommateurs. Nous réalisons 600 à 800 croisements de blé chaque année, à la main. Nous obtenons 50 à 60 000 plantes deux générations suivantes. Après deux ans de tri, cela donne 3000 plantes retenues en expérimentation, pour aboutir après 4-5 ans à une cinquantaine pouvant être déposés à l'inscription au catalogue officiel des variétés. Le filtre de tri est la performance au champ en situations variées de sol et de climat, ou en cultivant sans aucune protection des plantes ou encore en réduisant de moitié les doses habituellement nécessaires d'engrais. Ainsi on décèle les variétés qui tirent leur épingle du jeu.

En tant que sélectionneur, avez-vous un rôle dans la préservation de la biodiversité ?

La diversité est un élément moteur de notre recherche. Nous ne pouvons pas prendre le risque de réduire ce patrimoine. Nous avons depuis toujours nos propres collections. Nous collaborons au réseau national de ressources génétiques avec la plupart des sélectionneurs privés, signataires de la charte nationale avec l'INRA. Nous contribuons tous à la collection nationale issue de ce réseau. L'accès aux banques de gènes, dont la plus célèbre est le Centre International pour l'Amélioration du Maïs et du Blé à Mexico, est libre et gratuit. En échange nous leur envoyons nos variétés dont ils se servent dans leurs programmes d'amélioration. Les entreprises privées non seulement contribuent aux réseaux nationaux et internationaux de conservation, mais elles les enrichissent constamment.

Est-ce que votre recherche est financée par des droits d’auteur ?

La variété est une innovation qui apporte un progrès, mesuré et reconnu officiellement. Elle est protégée par un Certificat d'Obtention Végétale qui garantit l'innovation, protège le consommateur et permet à son créateur, l'obtenteur, de percevoir des droits d'auteur lorsqu'elle est commercialisée. Tout comme dans l'industrie les brevets protègent les innovations. Sauf qu'en végétal, les variétés existantes peuvent être utilisées par quiconque pour en créer de nouvelles sans rien devoir à l'obtenteur. La création variétale demande des investissements lourds et longs. Par exemple notre société emploie 30 personnes à la recherche et y consacre 18 % de son chiffre d'affaires. Si l'on veut maintenir la compétitivité de l'agriculture, il faut pérenniser la recherche et maintenir sa rémunération.
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