Pourquoi la Société française des gazons (SFG) s’est-elle attachée à caractériser d’une nouvelle manière les pelouses ?
Avec l’essor des préoccupations tournées vers le développement durable, des espaces verts alternatifs extensifs se sont mis en place, sans pour autant partager de critères consensuels.
Ainsi, quand une collectivité a le souci de la gestion écologique de ses espaces, elle définit des cahiers de charges spécifiques en inventant des classes qui lui semblent appropriées. Ces classifications dépendantes des villes, qui reposent en général sur des utilisations et des niveaux d’entretien particuliers, rendent difficile la comparaison des prestations et des coûts attachés. Résultat : donneurs d’ordre et fournisseurs de
semences et de plantes ont beaucoup de mal à échanger clairement sur leurs attentes et les réponses possibles, en l’absence d’un langage commun.
Ces enjeux nouveaux nous ont amenés à compléter les classes de gazons référentes qui sont listées dans les Cahiers techniques qui régissent notre profession et l’Encyclopédie des gazons. Jusqu’alors, nous n’avions pas de définitions détaillées de ce que sont ces pelouses dites différenciées ou alternatives. Cette nouvelle codification devrait permettre à la filière gazon (fournisseurs, installateurs, fabricants de matériel, etc…) de travailler en bonne entente.
Quelles sont ces nouvelles classes de pelouses ?
Nous avons mis en place trois fiches techniques qui explicitent les caractéristiques des pelouses dites « alternatives extensives ». Elles sont séparées en trois classes : la classe 1 qui concerne les « pelouses de zones et espaces structurés jardinés », la classe 2 pour les « pelouses de zones et espaces rustiques » et la classe 3 qui regroupe les « pelouses de zones et espaces à vocation naturelle ».
Quels critères les différencient ?
Ces espaces enherbés sont classés selon leur utilisation et leur niveau d’entretien. Ainsi, la pelouse extensive alternative de classe 1 concerne un espace de proximité à fonction large (aspect esthétique, balades, jeux, etc.) et une fréquentation du public relativement soutenue tout au long de l’année. Sont ici inclus les espaces jardinés, les jardins d’accompagnement, les espaces verts de lotissements, les espaces de jeux, les base de loisirs, ou encore, les cheminements engazonnés. Ces espaces favorisent l’optimisation des temps de travaux et des intrants (eau, fertilisants, désherbant, autres interventions).
Quant aux niveaux d’entretien, ils impliquent une pelouse maintenue à une hauteur moyenne comprise entre 7 et 9 cm, ce qui implique un déclenchement de la tonte à une hauteur maximum de 10 cm et une hauteur minimale de tonte tolérée à 7 cm. Soit 8 à 15 tontes dans l’année.
Que va permettre cette nouvelle classification ?
L’explicitation des différents types de pelouses alternatives extensives, associés à des usages et des degrés d’entretien précis, va permettre de faciliter l’expression des attentes du donneur d’ordre. De son côté, le prestataire disposera d’une palette de solutions adaptées pour y répondre. Dès lors, pour contractualiser avec les prestataires de services, les gestionnaires des espaces verts vont pouvoir demander à ce que X m² de pelouse soient gérés en classe 1, Y m² en classe 2 et Z m² en classe 3.
Cette codification des pratiques dans toute la filière permettra d’établir un devis plus précis que de demander d’utiliser moins d’eau et d’intrants dans la gestion des pelouses, ce qui est ingérable.
Avez-vous profité de ce travail pour clarifier certaines définitions ?
En effet. Nous avons précisé ce que voulait dire le mot « pelouse ». Graminées composées et légumineuses ont joué de tout temps un rôle pastoral en assurant pâturages et foin. Ce n'est que vers les XIVe et XVe siècles que l'homme a fait évoluer le concept de prairie en l'orientant et le différenciant en prairies naturelles, agréments et gazons et, plus tard, en gazons spécialisés (espaces verts, terrains de sports et ornements).
Aujourd’hui, de nouveaux modes de suivi apparaissent à nouveau. Ces principes de gestion actuels composent davantage avec la nature et entraînent de nouvelles fournitures des protocoles de création et d'entretien nouveaux pour ces nouvelles pelouses alternatives. La pelouse est une surface de verdure avec une dominante de graminées dont la hauteur est maintenue. Elle est dite alternative lorsqu'elle requiert moins d'intrants à la suite de l'adoption de bonnes pratiques culturales et de bonnes fournitures, et qu'elle remplit ses fonctions utilitaires, environnementales, sociales et sécuritaires... Les pelouses alternatives sont soit extensives (classes 1, 2 et 3), soit spécialisées.
Nous avons également précisé ce que signifiait le terme de « tonte », qui se décline en réalité sous trois formes. Tondre signifie « couper la feuille d’une plante herbacée à l’aide d’un outil tranchant. Cette action a pour vocation de limiter la hauteur atteinte par le couvert herbacée. A ce titre, elle doit être effectuée régulièrement ». Broyer consiste à « couper la feuille d’une plante herbacée, ou de couper une plante à sa base et en entier, à l’aide d’un outil tranchant. Le broyage a la particularité de couper le produit ainsi obtenu à plusieurs reprises avant que celui ne soit ramassé ou retombe au sol ». Et faucher implique de « couper à sa base et en entier une plante à l’aide d’un outil tranchant ».
Ce travail de mise à jour couvre-t-il toutes les utilisations des pelouses ?
Non. A l’heure actuelle, seules les pelouses alternatives dites extensives ont bénéficié de cette mise à jour technique. Il resterait encore à la SFG, si elle veut poursuivre ce travail, à définir ce que sont les pelouses alternatives dites spécialisées (couvre-sol, pour espace fleuri, pour friches urbaines, pour toiture, pour talus et berges, pour abords routiers, etc.). Cela permettrait d’harmoniser la filière du gazon en entier et que chaque intervenant puisse communiquer avec les autres de manière cohérente, sur des bases communes.
Et les particuliers dans tout ça ?
Ils vont également bénéficier de cette clarification de l’offre. Car elle devrait s’accompagner de la mise en place de labels ou de conditionnements encore inexistants. On pourrait ainsi envisager un label « pelouse alternative extensive de classe 1 » et guider les particuliers, et pas seulement les collectivités territoriales, dans cette démarche environnementale qui ne dépend pas de la surface. Car un jardin de 500 m² pourrait être différencié en classe 1 près des allées, en classe 2 plus loin et en classe 3 près de la clôture, avec l’envie de préserver la biodiversité et d’observer le milieu. Ce qui changera pour le particulier : sa stratégie d’entretien.
Les particuliers sont-ils moteurs de la mise en place de ces pelouses extensives ?
Oui. Car on constate que ces nouveaux usages des espaces verts répondent à la volonté des riverains. Ils ne désirent plus une pelouse sur laquelle ils ne peuvent pas marcher. On assiste donc à une réaffectation sociale des aménagements. La pelouse devient un lieu de convivialité sur laquelle on réapprend les équilibres, les diversités végétales, la faune parasite ou endogène, etc. Ce qui sous-entend un autre traitement de ces aménagements. Il est donc question ici de bien-être public, avec la nécessité de réintroduire et de préserver la nature en ville. Pour ne citer qu’un exemple réussi, la gestion différenciée de l’Ile-Saint-Germain (Hauts-de-Seine) est un succès. Les riverains peuvent marcher sur les pelouses, déjeuner sur l’herbe, et admirer les papillons et les abeilles qui sont préservés par cette gestion plus extensive.