Les toitures végétalisées : des solutions écologiques et adaptées

Pierre-Alexandre Swistek - Membre Adivet

A quels besoins la toiture végétalisée répond-elle ?

Pierre-Alexandre Swistek - Membre Adivet
L’objectif de la toiture végétalisée est la protection de l’étanchéité du toit, en particulier contre les agressions thermiques et les rayons du soleil. D’autre part, le système de végétalisation constitue un lestage de la membrane d’étanchéité permettant de lutter contre les effets du vent. D’autres bénéfices sont évidents. L’aspect esthétique est indéniable, ainsi que les avantages en termes de confort thermique, acoustique et d’amélioration de la qualité de l’air en ville. Les toitures végétalisées peuvent aussi être des refuges de biodiversité (flore et faune, insectes et oiseaux, etc.) : elles représentent des écosystèmes accueillants en milieu urbain et peuvent s’insérer dans des corridors écologiques, participer à la trame verte, à la réintroduction de la nature en milieu urbain. Un autre impact important est l’ « effet retardateur des pluies d’orages », qui permet de mieux réguler l’arrivée des précipitations dans les réseaux d’eaux pluviales. L’isolation des bâtiments est par ailleurs de plus en plus réglementée, et la toiture végétale pourrait jouer un rôle dans la régulation thermique des bâtiments. Les différents intérêts des toitures végétalisées font l’objet d’études menées par l’association ADIVET, certains de ses membres et des établissements de recherche nombreux en France. Ils doivent être quantifiés pour pouvoir être mis davantage en avant. Il est impossible de faire des généralités sur les bénéfices des toitures végétalisées, car ils dépendent de la configuration des bâtiments (support, orientation, pente, etc.) et des systèmes de végétalisation mis en place.

Quelles sont vos principales cibles?

Les établissements publics (écoles, maisons de retraites, etc.) sont les plus végétalisés. Ces techniques se développent aussi dans le secteur privé (grandes surfaces, centres commerciaux, parkings, aires d’autoroute, sièges de sociétés, etc.). Aujourd’hui, les particuliers s’y intéressent davantage car les toitures végétalisées sont de plus en plus médiatisées, visibles. Elles étaient souvent jusqu’à présent réalisées sur des bâtiments neufs : le projet d’architecte était pensé dans son ensemble, dès le départ. Désormais, pour de nombreux particuliers, il s’agit de rénovations, et plusieurs questions se posent : le support de la toiture existante sera-t-il capable de supporter la charge d’un système complet de végétalisation ? D’autre part, il est plus technique de végétaliser une toiture en pente qu’une surface plane, ce qui est souvent le cas des maisons individuelles.

Les toitures végétalisées existent-elles depuis longtemps ? Est-ce aujourd'hui un marché en développement ? S’inscrivent-elles dans les projets de « nature en ville » ?

Les scandinaves construisent des «toitures jardin» depuis des millénaires. Les pays du Nord ne sont paradoxalement pas les plus avancés aujourd’hui dans ce secteur. L’Allemagne est leader, suivie par la France. C’est un marché en fort développement depuis ces dernières années mais la croissance s’est ralentie. Certains acteurs français travaillent à l’export, sur l’Europe occidentale, les Amériques, dans quelques pays d’Asie comme la Chine et Singapour. Les toitures végétalisées participent à la reconquête de la nature en ville. Elles permettent en particulier de lutter contre les phénomènes d’ilots de chaleur, pendant l’été. Il est possible d’abaisser localement la température des centres-villes de quelques degrés au moment des forts épisodes de canicule par une gestion raisonnée de la végétalisation en ville. Les toitures végétalisées participent également à la biodiversité en milieu urbain. Des études sont en cours, comme à Paris : Le Muséum National d’Histoire Naturelle a lancé une étude afin d’apprécier les impacts des toitures végétalisées dans ce domaine. Le Prieuré est partenaire de cette étude.

Quelles sont les techniques mises en œuvre dans une telle installation ?

Des règles professionnelles ont été établies, elles cadrent les techniques de végétalisation afin de respecter l’étanchéité du bâtiment, d’assurer la mise en place de système végétalisés durables. Les toitures extensives tendent en particulier à constituer des écosystèmes autonomes et durables, à entretien réduit. Quel que soit le mode de végétalisation, extensif ou semi-intensif, la rétention d’eau et le drainage du système doivent être dimensionnés par rapport aux besoins des plantes et aux contraintes techniques de la toiture. Les choix de la constitution de chaque couche du système de végétalisation, ainsi que ses caractéristiques, sont importants pour assurer la pérennité du couvert végétal. Il existe quatre couches incontournables pour constituer un système de végétalisation : la couche de végétation est enracinée dans une couche de substrat, sous laquelle se trouvent une couche filtrante et une couche de drainage facilitant l’évacuation de l’eau. En fonction de la localisation, du climat, de la pente, de l’exposition, des contraintes techniques du projet, des choix variétaux, une étude permet de déterminer le système le plus adapté.

Quelles sont les espèces végétales phares de ces toitures ?

Les sedums sont les principales plantes utilisées : ils sont suffisamment résistants aux contraintes des toitures extensives. La palette végétale s’est diversifiée au fil des années, avec des vivaces résistances et peu exigeantes, des aromatiques, des graminées et des herbacées. Plus on augmente l’épaisseur du substrat, plus la capacité de rétention en eau augmente et plus la diversité végétale peut s’accroître (en même temps que l’entretien de la toiture, bien sûr !). Plusieurs modes de végétalisation existent : des végétaux «précultivés» comme les bacs (exemple : l’Hydropack®), des tapis et des végétaux implantés en toiture comme les fragments (boutures), et des plantes en godets ou en mottes.

Où trouve-t-on de beaux exemples de toitures végétales ? Quelle est la toiture végétale idéale?

Beaucoup de réalisations sont très belles, mais nombre d’entre elles sont installées en toitures terrasses, non visibles du grand public. C’est d’ailleurs l’intérêt des façades végétalisées et des toitures en forte pente, d’être plus visibles. Les toitures végétalisées, vivantes, sont variées ; il est impossible de définir un idéal. Certaines sont purement extensives, couvertes de différentes espèces de sedum, très belles, demandant peu d’entretien, avec un aspect naturel. On trouve aussi des toitures colorées, semi-intensives, paysagées, aménagées, plus artificielles. Les toitures « biodiversité » présentant une flore plus diversifiée, parfois spontanée, elles peuvent avoir un aspect plus sauvage : elles participent au retour de la nature en ville, accueillent bon nombre d’espèces animales.
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