La création variétale me passionne

Jayne Stragliati - Responsable recherche blé France chez LIMAGRAIN

Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?

Jayne Stragliati - Responsable recherche blé France chez LIMAGRAIN
J’aime vraiment être sur le terrain. La création variétale est quelque chose qui me passionne, que ce soit le suivi en pépinière, les essais, ou le comportement des variétés. Nous avons de bonnes et de mauvaises surprises ! Il y a aussi beaucoup de challenges par rapport au climat, aux maladies qui affectent les plantes, à l’évolution des besoins sur le marché. Ces évolutions, année après année, sont très intéressantes.

Quelles sont vos « sources » pour l’amélioration des plantes ?

Il existe plusieurs sources pour l’amélioration du blé : les variétés commercialisées de notre propre société ou des autres obtenteurs (que nous pouvons utiliser grâce au système des Certificats d’obtention végétale), les variétés provenant d’autres pays, les variétés « ancêtres » du blé, les « banques de gènes » (variétés anciennes ou anciennement commercialisées).

Que faites-vous pour les préserver et les régénérer ?

Chaque obtenteur a sa propre façon de procéder. Nous avons des chambres froides bien contrôlées, où nous pouvons stocker de petites quantités de semences pendant des années. De temps en temps, nous ressemons certaines variétés pour nous assurer qu’elles sont toujours vivantes. Comme nous ne pouvons pas tout garder, nous faisons aussi appel à des « banques de gènes ». Nous travaillons également en réseau avec d’autres obtenteurs.

Qui peut les utiliser ? Sont-elles accessibles à tous ?

Dans ce contexte, tous les obtenteurs du réseau peuvent utiliser les variétés « ressources ». Toutes les variétés inscrites peuvent être utilisées. Après l’inscription, l’obtenteur demande une protection lui assurant des revenus, mais elle reste totalement disponible pour faire d’autres croisements. Par contre, chaque entreprise a ses propres « lignées internes » qui concernent la recherche en cours.

Comment identifiez-vous les attentes de la société ? Comment y répondez-vous dans votre métier de sélectionneur ?

Nous travaillons avec des meuniers, et donc en fonction de leurs demandes : pain industriel, pain artisanal, etc. Les cahiers des charges sont différents en fonction des utilisations finales, ce qui suppose des variétés bien adaptées à chaque besoin : farine jaune pour la fameuse Banette, conservation plus longue pour le pain de mie, etc. Il y a aussi des attentes fortes de la part de la société et du consommateur concernant l’environnement et la réduction des pesticides. Bien sûr, les sélectionneurs y travaillent, ils font en particulier des essais en « bas intrants », c’est-à-dire avec moins d’engrais et de pesticides. Il s’agit de sélectionner des variétés d’avenir, en accord avec le Plan « Ecophyto 2018 » qui consiste à réduire de 50% les traitements phytosanitaires. Quand nous sommes face à de telles demandes, nous ne pouvons évidemment pas y répondre immédiatement. Cela peut prendre du temps, dix ans en général. Certaines choses évoluent lentement, comme  le goût des consommateurs. Et nous avons le temps d’y répondre finement. Mais d’autres changent beaucoup plus vite, comme par exemple une nouvelle réglementation, à laquelle il est difficile de répondre immédiatement, car le travail de recherche et de sélection variétale suppose du temps…

Citez-nous quelques exemples concrets d’amélioration végétale

Sur le blé, certaines variétés ont été conçues spécifiquement pour la fabrication des biscuits, d’autres pour celle du pain. Du côté des résistances aux maladies, nous pouvons citer la fusariose (maladie due à un champignon qui apparaît sur les épis au moment de la floraison). Cette maladie entraîne des mycotoxines, très nocives pour la santé. Des obtenteurs travaillent donc à l’élaboration de variétés qui y résistent au mieux. Sinon, nous retrouverions des résidus de ces toxines dans nos assiettes. Dans ce domaine, l’alimentation infantile a évidemment des exigences extrêmement strictes.

Quel est l'intérêt du « Certificat d'Obtention Végétale » ?

Le Certificat d’Obtention Végétale apporte tout simplement le financement pour les programmes de recherche ! Il est très important pour les obtenteurs, car la recherche coûte cher et se réalise sur le long terme. Si les agriculteurs ont accès à de bonnes variétés (résistance aux maladies, farines panifiables), c’est avant tout grâce a la recherche, il est donc normal qu’elle soit financée ! Je travaille souvent en contact avec des agriculteurs, et beaucoup trouvent ce système COV logique pour avancer, progresser, trouver des solutions. Dans notre travail de recherche, nous utilisons différentes ressources génétiques, et nous les « brassons ». Nous explorons les ressources génétiques, nous nous les échangeons. Ce travail est donc une vraie richesse pour la diversité génétique !
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