Comment définiriez-vous la gestion différenciée des espaces verts ?
Traditionnellement, on dit que c’est une gestion qui s’adapte aux spécificités des sites dans un souci constant de développement durable, c'est-à-dire en alliant les aspects sociaux, économiques et environnementaux.
A Lille, nous y voyons un formidable outil de renaturation de la ville, pour une remise en état de l’écosystème urbain. Il s’agit de travailler au service de la biodiversité, mais surtout pas au détriment de l’urbain et du paysage. La gestion différenciée nous permet de travailler à une échelle locale, en alliant les dimensions horticoles et éco-paysagères. C’est un levier pour offrir une autre forme de paysage aux lillois. Dans notre approche, nous ne faisons pas d’opposition entre la dimension sociale et la dimension naturelle. Nous définissons des espaces de vie au sens large.
Nos espaces verts sont des paysages, des lieux de détente, et aussi des écosystèmes, c'est-à-dire des lieux ou l’ensemble du vivant peut cohabiter, vivre et se reproduire.
Dans quel contexte la ville de Lille a-t-elle mis en place une gestion différenciée pour ses espaces verts ? S'inscrit-elle dans un projet plus global ?
La préoccupation de faire des espaces verts des espaces de nature est au cœur d’un travail inscrit parmi les stratégies fortes de la ville : Agenda 21, schéma directeur des parcs et jardins, et plan Biodiversité. Lille a été classée 2ème capitale de la biodiversité en 2010.
Concrètement, la gestion différenciée se met en place depuis une dizaine d’années, grâce à un vrai travail d’équipe, cumul des intelligences et des sensibilités. L’approche pluridisciplinaire permet de belles avancées. Il y a une vraie volonté politique et beaucoup d’acteurs qui y travaillent : des jardiniers, le service animation, le service bureau d’étude et création, un technicien écologue pour l’expertise naturaliste, le service urbanisme. Peu à peu se met en place une approche durable et une vision réellement naturaliste, via la mise en place de sites pilotes, en particulier l’espace du parc de la citadelle, où la gestion différenciée est très pointue.
Aujourd’hui nous poursuivons l’effort par une démarche planifiée, déclinant les plans de gestion différenciée sur tous les espaces verts.
Quel rôle y joue une association comme Nord Nature Chico Mendes ?
C’est un de nos partenaires-ressources clés ! Ils participent en particulier à l’observatoire naturaliste de la ville, et à la sensibilisation des scolaires et du grand public. D’autres associations comptent aussi beaucoup, comme « Les Blongios, la nature en chantiers», « Entrelianes », ou « Noé Conservation ».
Ce sont des associations vertueuses qui font un grand travail. Nous bénéficions aussi d’un important réseau naturaliste et d’éducation à l’environnement.
Quels sont vos objectifs ?
Nos objectifs prioritaires sont la renaturation de la ville et le développement de la biodiversité, sans que cela se fasse au détriment de l’usage et du paysage.
Par exemple, c’est aller plus loin que le simple semis d’un gazon fleuri. Il s’agit de réfléchir aux populations qui y habitent, aux graines qu’il faut choisir, etc. Il faut dans ce cas encadrer les origines génétiques de la
semence, garantir les fournisseurs, choisir minutieusement les mélanges d’
espèces indigènes.
De la même façon, dans le cadre de la politique « zéro phyto », la strate herbacée doit être pensée dans sa diversité, et en minimisant les traitements. Notre réflexion nous amène à favoriser des mélanges qui permettent d’avoir des gazons d’aspect horticole mais avec une belle diversité végétale, afin de jouer positivement sur la biodiversité.
Comment se concrétise la gestion différenciée sur le terrain ?
Nous faisons un suivi naturaliste permanent, comme le comptage des papillons, grâce à la présence d’un écologue, et de jardiniers formés pour passer du statut de ‘jardinier horticole’ à ‘jardinier de nature’.
Et depuis une dizaine d’année, les volets de notre gestion différenciée sont multiples :
- Recréation de certains milieux, notamment les zones humides,
- Politique de fauche différenciée, déclenchée par l’écologue en fonction des peuplements,
- Suivi des cortèges floristiques, et fleurissement mellifère,
- Pastoralisme urbain avec la traction animale pour la fauche à venir,
- Politique « bois mort », pilier de la chaine alimentaire et contributeur à fertilité du sol,
- Recréation de gîtes et de nichoirs pour insectes et avifaune : meules de feuilles ou de branches, reprofilage des berges, essences champêtres locales…,
- Rationalisation de l’eau,
- Transition des engrais chimiques aux engrais organiques. Par exemple, il n’y a aucun traitement sur les gazons,
- Principe de taille douce, etc…
Avez-vous communiqué à ce sujet et quelles ont été les réactions des habitants ?
Nous communiquons via des périodiques et sur notre site web, et par les leviers d’animations à destination des lillois, grâce au service animation nature. Nous proposons des rendez-vous conviviaux avec les habitants (ex : le « jour de la nuit » pour faire prendre conscience de la pollution lumineuse, les fêtes de la nature,…) et déclinons avec l’ensemble des partenaires associatifs et municipaux un programme annuel d’animations (200 sorties/an) via le fascicule « la nature à Lille ».
Nous proposons également aux habitants d’agir concrètement pour la nature via différents dispositifs : « Verdissons nos murs », ou encore un plan Apiculture. Nous offrons la possibilité de mettre des ruches sur notre territoire et nous contribuons à perpétuer un savoir qui tend à se perdre via une école d’apiculture urbaine.
Les retours que nous avons dans le cadre des rendez-vous avec les habitants sont plutôt positifs et la forte participation aux animations montre l’intérêt croissant des lillois pour la nature en ville.
Avez-vous été amené à partager cette expérience avec d'autres collectivités ?
Nous faisons partie du réseau « plantes et cité » et sommes aussi en lien avec l’association des directeurs parcs et jardins. Nous avons également un fort réseau via le plan Biodiversité, les associations naturalistes, et nos animations.
D’autres collectivités viennent comprendre sur place notre démarche, au travers de visites ou de colloques. Nous tâchons de montrer qu’une ville peut être un moteur de changement dans les idées, et que l’écosystème urbain peut constituer le refuge d’une biodiversité qui n’existe pas ailleurs.
Lille doit se montrer exemplaire et reproductible, et nous avons vocation à continuer et réinventer cette expertise d’un jardinage de nature.
Plus d’informations sur le
site de la Mairie de Lille.