« Nous maintenons une forte proportion des variétés standard du catalogue français »

Olivier Joselon, mainteneur de variétés - GSN Semences

GSN Semences, société historique dans le secteur des semences potagères, commercialise près de 500 variétés de semences potagères, fourragères et florales, dont plus de 300 relèvent du domaine public.

Pourquoi maintenir les variétés du domaine public ?

Nous maintenons une forte proportion des variétés standard du catalogue français. Ce sont, le plus souvent, les graines qui alimentent les sachets pour les jardiniers amateurs ou qui sont destinées à l’exportation. Au fil des multiplications, les variétés dégénèrent, deviennent hétérogènes. Des semences peuvent se mélanger lors de différents processus ou dans les champs de production. Par exemple, cela peut se produire si une parcelle est mal isolée d’une autre variété, ou se retrouve en contact avec des espèces sauvages qui viennent polluer la parcelle de production, etc. Si l’on reprend toujours un peu de semences d’une même parcelle de production, au bout de quelques années, la variété dévie, c’est-à-dire qu’elle dégénère ; elle ne correspond plus aux caractéristiques telles qu’elles ont été décrites ou définies au moment de son inscription. La vigilance s’exerce dans nos propres champs d’essais, mais nous sommes aussi alertés par nos clients, lors des contrôles officiels du SOC… et pour maintenir notre statut de mainteneur de la variété, nous devons fournir un échantillon conforme à la référence tous les 5 ans au GEVES pour le contrôle de maintenance.

Un article pour mieux comprendre la notion de variétés standard :
Semences : la qualité côté jardin

Comment se réalise une maintenance ?

Nous définissons un plan de maintenance. Si une variété dérive, il faut recommencer une maintenance, en repartant d’un échantillon conforme, que nous avons ou pas à notre disposition, conservé au froid, ou en nous fournissant auprès du standard GEVES ou de confrères semenciers. Si nous n’en n’avons pas, il faut repartir d’une souche, créer une pépinière, conduire la culture comme un maraîcher et écarter les sujets qui ne sont pas conformes à la variété. Les racines (exemple de la carotte) sélectionnées sont alors mises dans une structure sous abri pour éviter d’avoir des échanges de pollen extérieur, mais nous introduisons dans le tunnel des bourdons ou des mouches pour obtenir un brassage de pollen. C’est ainsi que nous obtenons des semences de pré-base. La vigilance de l’aspect sanitaire est essentiel : il n’y a pas de plantes étrangères, le désherbage est manuel, on arrose en goutte à goutte. Les plantes sont saines et conformes à la variété. Nous obtenons une vingtaine de kg de semences, qui seront multipliées par un agriculteur. L’objectif du tunnel de production est de fournir des semences de base pour quatre à cinq ans de production. Avant de les confier à un agriculteur multiplicateur, nous validons que la semence est conforme. Pour cela, un échantillon est ressemé dans un champ d’essai.  Parfois, il faut faire deux étapes de maintenance pour obtenir une variété stable. Les semences se conservent au congélateur et au frigo. Mais il faut régulièrement refaire des échantillons, car un échantillon qui a 20 ans est dégradé, donc devra être remplacé par un plus récent. 

Combien de temps dure le travail de maintenance ?

Cela dépend des espèces. Les plus faciles sont les espèces annuelles autogames, comme la laitue. En une année de maintenance, nous récupérons 200 grammes de semences, ce qui nous permet de faire une production commerciale dès l’année suivante. Les plus compliquées sont les espèces bisannuelles, qui ont besoin de deux années pour faire un cycle de production, et à faible taux de multiplication. Par exemple, pour le pois potager ou l’oignon, il faut près de quatre ans pour avoir suffisamment de semences pour la mise en marché.  

La maintenance coûte-t-elle cher ?

Nous le faisons, mais avant tout pour nos clients et pour être en conformité avec la réglementation. Car si les attentes des consommateurs ne sont pas satisfaites, ils ne travailleront plus avec nous. Les variétés dévient même si cela n’apparaît pas d’une année sur l’autre. Maintenir demande du temps, de l’observation, de la documentation et des moyens, tout cela a un prix. Nous testons chaque année nos productions pour valider que nos variétés soient toujours conformes. Nous définissons entre 30 et 40 variétés par an qui feront l’objet d’un plan de maintenance, soit environ 1000 échantillons issus des productions qui sont testés au champ. 

Comment décide-t-on de maintenir une variété ?

Certaines le sont car leur flux commercial est très important, comme dans le cas de la carotte nantaise. Elle est systématiquement reprise tous les 5 ou 6 ans. Les variétés à très faible volume, qui concernent uniquement le marché amateur, seront maintenues à minima. D’autres peuvent être abandonnées, si leur clientèle disparaît. Dans ce cas, on décide de ne plus fournir de variété au GEVES, et elle peut effectivement être radiée du catalogue. De même, si un confrère arrête une variété mais que nous avons de nouveaux clients, nous pouvons faire entrer une variété dans notre gamme et consolider nos volumes. J’ai même quelques variétés dont je suis mainteneur historique et unique, et pour lesquelles je maintiens systématiquement un échantillon. Par exemple, le radis de violet de Gournay, je l’avais en stock, et nous avons ressorti une production, lorsque sa demande a été relancée.

Avez-vous des attentes vis-à-vis des pouvoirs publics ?

Notre travail de mainteneur est mal reconnu. Il est difficile à valoriser sur les variétés du domaine public. Certains producteurs, sans être déclarés mainteneurs et sans faire ce travail, produisent des variétés et peuvent parfois les vendre moins cher. Pourtant, il faut des mainteneurs pour que la variété puisse encore être inscrite au catalogue !

Par ailleurs, beaucoup de variétés du domaine public n’ont qu’un seul mainteneur. C’est une énorme responsabilité sociétale pour ce dernier. Imaginez, il maintient seul une variété patrimoniale, et, en plus, on lui dit qu’il confisque la biodiversité !!! J’attends des pouvoirs publics qu’ils encouragent et récompensent les efforts de ces entreprises et structures qui maintiennent les variétés anciennes.

On accuse les semenciers de confisquer la biodiversité, mais le catalogue n’a jamais été aussi riche. Ce sont eux qui conservent dans leurs congélateurs, et à travers leurs champs d’essais, ces ressources génétiques, ils ont besoin d’une base très large et entretiennent la biodiversité. Tout le monde doit être soumis aux mêmes contraintes réglementaires et celles de la France sont un atout. Je pense que toutes les règles de germination, de purété d'espèce, variétale ou sanitaires ont permis que nous soyons leaders dans le secteur des semences. S’il n’y avait plus ces règles, nous ne ferions plus toutes ces étapes qui garantissent la qualité de nos semences. Elles seraient probablement moins chères, mais à quel niveau de qualité ?

Le GEVES (Groupe d'Etude et de contrôle des Variétés Et des Semences) est un groupement d'intérêt public, organisme officiel unique en France assurant l'expertise sur les nouvelles variétés végétales et l'analyse de la qualité des Semences. Il est constitué par l'INRAE, le Ministère en charge de l'Agriculture et SEMAE.

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