Vous êtes le président de la Société française des gazons (SFG). Quand a-t-elle été créée et quels sont ses objectifs ?
La SFG est une association de type loi 1901, née en 1984. Son but est de développer et de diffuser les connaissances en faveur de tous les gazons, quel que soit leur usage, et de développer la pratique de toutes actions aidant à perfectionner la culture des gazons. Notre travail se base sur des considérations scientifiques, sans aucun parti pris.
C’est pourquoi on essaye de repositionner le débat sur les gazons : ils sont souvent décriés, soit de manière subjective, soit par ignorance. On les décrit ainsi comme des surfaces végétales gourmandes en eau, exigeantes en entretien, consommant de nombreux produits phytosanitaires… ce qui est pour le moins exagéré !
Un gazon naturel consomme tout de même beaucoup d’eau, non ?
Sur ce point, il faut préciser que les besoins en eau sont très variables selon la composition du tapis végétal, le substrat utilisé et le lieu d’implantation géographique du gazon naturel. On pourrait imaginer que dans le Sud, il pourrait être plus intéressant d’installer une pelouse synthétique pour éviter un surcoût lié à une consommation accrue d’eau. Mais, en réalité, ces régions ne sont pas forcément les moins arrosées et les systèmes de récupération d’eau de pluie permettent d’éviter ces surcoûts associés à l’arrosage avec de l’eau potable.
En outre, l’élévation de la température constatée sur les pelouses synthétiques plastiques nécessite l’installation de systèmes d’arrosage, pour abaisser cette température…
Comment diminuer la consommation en eau des gazons naturels ?
Dans les zones qui bénéficient de moins de pluie, le choix des
espèces et des
variétés constituant le gazon naturel s’avère primordial. Pour les terrains de sport, on fonctionne essentiellement avec trois espèces principales : la fétuque élevée, le ray-grass anglais et le pâturin des prés. On utilise également de la fétuque rouge pour gagner en souplesse et améliorer la densité du terrain.
Les caractéristiques de ces espèces, que l’on utilise pures ou en association : une très bonne
résistance au piétinement et à l’arrachement.
Comment choisir la combinaison gagnante pour son gazon naturel ?
Au sein de chacune de ces trois
espèces, on dispose d’un très grand nombre de
variétés, aux qualités très variables. Chaque collectivité locale peut se renseigner sur les possibilités existantes en consultant le
Catalogue français des espèces et variétés, dont certaines ont été testées pour l’usage des gazons.
Il existe ainsi un index Sport, qui précise si les variétés sont adaptées à des utilisations sportives, et une colonne qui précise la
résistance à la sécheresse de ces variétés. Au final, le choix des variétés est au moins aussi important que le choix des espèces. En revanche, la notion de prix n’est pas forcément liée à la qualité intrinsèque de la variété. C’est complètement déconnecté. Ce serait donc faire un faux calcul que de vouloir économiser sur la
semence par rapport au coût de revient par surface.
Les gazons naturels demandent un certain entretien. Qu’en est-il des pelouses synthétiques ?
Les terrains synthétiques ne sont pas sans entretien. Il suffit de constater que toute une gamme de matériel s’est développée dans ce but depuis plusieurs années. En effet, l’entretien doit être soigné et régulier. Sinon, le terrain perd sa qualité intrinsèque en termes de souplesse, de qualité de jeu, est envahi de mousse et de mauvaises herbes, voire de bactéries staphylocoques qui sont préjudiciables pour la santé des joueurs.
C’est comme une piscine : si on ne traite pas l’eau, ou la pelouse synthétique, ça devient un bouillon de culture. On utilise donc des biocides sur les terrains synthétiques… tout comme on épand des phytosanitaires sur les gazons naturels utilisés pour les terrains de sport, mais dans une bien moindre mesure ! La quantité d’herbicides utilisée dépend quant à elle de l’aspect irréprochable ou non que l’on demande au terrain de sport : s’il s’agit de terrains de ligue 1, la donne sera bien différente de celle d’un terrain d’un petit village de campagne, où les trèfles sont tolérés.
Certains présentent le choix d’un gazon naturel comme un choix écologique. Votre avis ?
On se trouve actuellement dans une logique de développement durable, qui associe des notions sociales, économiques et environnementales. Et, en effet, quand une collectivité fait le choix d’un gazon naturel ou d’une pelouse synthétique, elle doit se poser ces trois questions : Sur le plan social, quel est le nombre d’heures de jeu qui seront pratiquées sur ce terrain et combien de pratiquants vont y jouer ? Au niveau économique, quels sont les conditions d’installation et les moyens d’entretien que je dois mettre en place et quelles sont les répercussions de mon choix sur l’environnement ?
Ainsi, est-ce que je choisis une surface de près d’un hectare d’herbe qui va fixer le carbone et dégager de l’oxygène dans une zone urbaine ou plutôt une surface synthétique qui va contribuer à augmenter la température localement ? Sans compter les problèmes de recyclage du produit en fin de vie car, à l’heure actuelle, seuls 20 % des pelouses synthétiques sont recyclables.
La polémique entre gazons naturels et pelouses synthétiques intervient-elle dans d’autres domaines que les terrains de sport ?
On assiste au développement de gazons synthétiques dans les jardins de particuliers, notamment dans le Sud de la France. A titre personnel, je demande à voir si ces particuliers seront toujours satisfaits dans deux ou trois ans, après avoir constaté la hausse de température à proximité de ces sols, l’odeur de plastique chaud qui en émane et le nécessaire entretien.
On constate également quelques mises en place sur des abords routiers, pour améliorer la sécurité des équipes d’entretien. Mais le passage fréquent des voitures entraîne des salissures très rapides des surfaces synthétiques… qui doivent donc être entretenus plus souvent.
Enfin, il existe certaines velléités sur le golf. Les intendants de terrain doivent modérément apprécier : si on leur confie un aspirateur à la place d’une tondeuse, c’est moins noble ! Les joueurs soulignent également un jeu faussé, avec des sensations très différentes d’avec une pelouse dont les nuances de densité et de hauteur génèrent des différences de jeu beaucoup plus fortes.
Pour éclairer les collectivités locales, quelles compétences mettez-vous à leur disposition ?
Le manque d’informations objectives dont disposent les élus pour guider leur choix constitue aujourd’hui le principal problème auquel la SFG veut remédier.
D’ores et déjà, les collectivités locales peuvent nous contacter directement via notre site Internet (où se trouve un petit guide sur les terrains de sport où sont décrits les arguments en faveur de chaque type de pelouse) ou le groupe d’expertise technique, qui peut répondre à des questions très fines. On intervient en diagnostic immédiat, de façon à orienter vers des sociétés qui peuvent répondre aux besoins des collectivités de manière plus précise. On dispense également des formations techniques, à l’occasion de salons professionnels comme Green Expo.
Mais ces formations sont rarement à destination des élus. C’est pourquoi on envisage d’y remédier prochainement, car ils sont de plus en plus sensibilisés à ce sujet !
Le site de la Société Française des Gazons : www.gazonsfg.org