Bannir les « pelouses interdites » !

Jean-Marc Lecourt - Directeur adjoint - DLF France

Qu’attend aujourd'hui une ville de ces espaces verts ?

Jean-Marc Lecourt  - Directeur adjoint - DLF France
La question est plutôt de savoir ce qu’attendent les habitants d’une ville, de la part de leurs élus,  en ce qui concerne les espaces verts ! Car c’est une notion aussi variable que la diversité des villes composant notre pays ! Cependant, invariablement, la réponse des citadins sera un havre de verdure au sein de la cité, un jardin au cœur de la ville pour en faire une cité verte, un lieu paisible, apportant de l’oxygène et de la sérénité, un lieu accessible à tous sans apporter de contraintes supplémentaires.

Comment la filière « semences » répond-elle à ces attentes sociétales et quel est son rôle dans l’élaboration des espaces verts ?

Il y a d’une part les contraintes liées aux usages auxquelles la filière, grâce à sa recherche et sa sélection, doit répondre, pour que les pelouses d’aujourd’hui et de demain soient des pelouses sur lesquelles nos concitoyens puissent marcher et s’allonger, bannissant ainsi les fameux panneaux « pelouse interdite » ! De même, l’entretien des pelouses ne doit pas avoir un impact environnemental négatif, et sur ces aspects-là également, nos services de recherche et développement permettent de conduire des gestions alternatives.

Que se cache-t-il précisément derrière ce que nous appelons communément un « gazon » ?

Pour constituer cette surface engazonnée, il faut de nombreuses années d’observation et de sélection qui permettent de définir les meilleures variétés au sein des espèces les plus adaptées pour un usage donné, sur un lieu spécifique. Il faut aussi tenir compte des conditions édaphiques [relatives aux rapports entre le sol et le vivant] et climatiques spécifiques. Si nous prenons le temps de nous allonger sur le gazon, nous pouvons aussi nous apercevoir que c’est un lieu d’une réelle richesse en termes de biodiversité. 

Quels sont les différents types de gazon qui existent aujourd’hui ? Comment sont-ils sélectionnés ?

Il est admis qu’il existe trois grandes typologies pour les espaces engazonnés : les gazons d’agrément, les gazons à usages sportifs et les pelouses alternatives extensives. Pour répondre à ces usages et ces gestions d’espaces différents, nous faisons appel à différentes espèces en association : principalement des graminées auxquelles sont parfois associées des légumineuses, voire des fleurs pour composer les fameuses « pelouses fleuries ». Les principales espèces sont les ray-grass anglais, plantes d’installation facile très résistantes au piétinement, les fétuques rouges à feuilles fines et densité élevée, et les fétuques élevées qui présentent une excellente résistance au piétinement. Mais je pourrais continuer ainsi longtemps à énumérer des espèces car il existe une quinzaine d’espèces inscrites au Catalogue Officiel Français des variétés à gazon et au sein de ces espèces en tout plus de 230 variétés ! La sélection, c’est avant tout un patient travail d’observation. On débute par des observations en pépinière, plante à plante, en notant avec précision le comportement de chacune d’entre elles pendant une période de deux ans : maladies, couleur, précocité, résistance au froid ou à la sécheresse, etc. Les meilleurs sujets sont multipliés. Les semences obtenues sont semées en micro-parcelles et celles-ci sont finement observées. C’est ainsi que l’on peut connaître la capacité des plantes à satisfaire les besoins de l’utilisateur : rester vertes été comme hiver, résister aux maladies cryptogamiques, supporter le piétinement, avoir une croissance faible pour limiter les tontes, etc. Le gazon doit aussi garder une finesse et une densité parfaite, garant d’un aspect esthétique irréprochable. À l’issue de cinq à six années d’examen, de dizaines de notations sur des dizaines de milliers de plantes, les individus les plus intéressants sont choisis.

La recherche sur les gazons s’oriente-t-elle vers des objectifs de « développement durable » ?

Cette sélection est depuis longtemps sensible aux objectifs de « développement durable », bien avant que cela ne soit à la mode ! L’amélioration  des variétés de gazon est un processus continu. Parmi les axes prioritaires de nos sélectionneurs citons la diminution des besoins en intrants, notamment en eau, et la diminution des productions de déchets de tonte. Les sélectionneurs sont toujours à l’affût de nouvelles voies possibles. On parle aujourd’hui de la kolérie ou des fétuques ovines pour leur capacité à survivre dans des milieux très pauvres, on vante aussi certaines espèces tropicales pour leurs capacités particulières (Zoysia pour sa faible croissance, Paspalum vaginatum pour sa tolérance au sel, etc.). Pourtant les espèces majeures restent le ray-grass anglais, les fétuques rouges et la fétuque élevée. De cette dernière, on peut attendre une évolution dans les prochaines années. Grâce à sa capacité à résister à la sécheresse, son utilisation pourrait augmenter, si nous réussissons à améliorer la finesse de ses feuilles. Un type particulier de ray-grass (tétraploïde) est également disponible et offre une plus grande rusticité (meilleure résistance aux maladies, au froid et à la sécheresse). Enfin, le salut de nos gazons de graminées pourrait venir d’une association avec les légumineuses. Leur capacité à fixer l’azote de l’air est très intéressante d’un point de vue agronomique. Il suffit de trouver les légumineuses adaptées à cette utilisation. Après un trèfle blanc nain gazonnant, c’est maintenant une luzerne avec une meilleure résistance à la sécheresse. 
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