Biotechnologies : quels apports pour la création variétale en oléagineux ?

Bruno Grèzes-Besset - Coordonateur recherche oléagineux - Biogemma

Dans quel secteur travaille l’entreprise Biogemma ?

Bruno Grèzes-Besset - Coordonateur recherche oléagineux - Biogemma
Biogemma est une entreprise de biotechnologie végétale impliquée dans la recherche amont au service des sociétés semencières actionnaires (amélioration variétale) et d'acteurs de la filière (Sofiprotéol). C’est une entreprise française développée et financée par le monde agricole. L’entreprise a pour objectif d’identifier les facteurs génétiques (gènes ou régions génétiques) impliqués dans l’expression de caractères importants au niveau agronomique telle que l’efficience d’utilisation de l’eau ou de l’azote. Ces résultats sont utilisés ensuite soit pour développer des plantes génétiquement modifiées en céréales, soit pour identifier des marqueurs génétiques directement exploitables dans des programmes de sélection variétale.

Sur quelles espèces travaillez-vous ?

Nous réalisons une recherche amont pour la filière semences notamment, afin de lui permettre d’améliorer les variétés. Nous travaillons sur les céréales comme le maïs et le blé, sur les oléagineux, que sont le colza et le tournesol, ainsi que sur le pois. Il s’agit dans tous les cas d’espèces de grandes cultures. Nous avons deux approches : une axée sur la production d’organismes génétiquement modifiés (OGM) pour les céréales, destinée principalement au marché américain, et une conventionnelle pour les oléagineux.

Vous travaillez pour les semenciers. Qu’attendent-ils de vous ?

Nous nous efforçons de fournir aux semenciers des outils technologiques tels que des marqueurs moléculaires, des cartes génétiques, des évènements de transformation pour le développement d’OGM et des connaissances sur les gènes impliqués dans la constitution du rendement. Le tout pour qu’ils puissent les exploiter dans leur programme de sélection variétale. Actuellement, nos projets ciblent moins la production spécifique de certains produits, comme la composition en acides gras des plantes, que l’amélioration de la productivité en situation de contraintes, qu’elles soient biotiques (résistance aux maladies) ou abiotiques (résistance à la baisse d’intrants azotés ou au stress hydrique).

Il semble difficile de mener des recherches prospectives. Est-ce votre cas ?

Nous travaillons essentiellement dans le domaine de la recherche appliquée. Le semencier répond à la demande d’un consommateur. Aussi, si un industriel le contacte pour le développement d’une plante qui produise un élément particulier, ce semencier mettra en place la sélection variétale adaptée, car un débouché se sera créé. La démarche consiste donc à répondre au mieux à une demande précise. Par exemple, dans le cas des biocarburants, les projets de recherche en oléagineux chez Biogemma privilégient actuellement l’amélioration de la productivité en huile dans un contexte de durabilité des cultures, plutôt que l’obtention d’une huile spécifique répondant à un critère particulier.

Dans quel contexte s’inscrivent vos projets sur les oléagineux ?

Le marché mondial des oléagineux est dominé par les huiles de palme (38 Mt) et de soja (48 Mt), puis les huiles de colza (23 Mt) et de tournesol (12 Mt). Il y a eu une croissance importante de la production ces 25 dernières années et la demande mondiale est en croissance de 5 % chaque année. L’huile est exploitée en alimentaire, en biodiesel et en chimie renouvelable. La demande mondiale en 2050 pour l’alimentaire est évaluée à 30 Mt de plus qu’aujourd’hui. En Europe, le marché biodiesel visant 10 % de taux d’incorporation dans les carburants en 2020, induira une demande supplémentaire de 10 Mt.

Collaborez-vous à des programmes de recherche sur le sujet ?

Oui. Citons le programme SUNYFUEL, soutenu par l’ANR, axé sur le tournesol. Lancé il y a trois ans et désormais achevé, ce programme visait à augmenter la productivité du tournesol sous contrainte hydrique, notamment pour la production de biocarburants. D’autres projets sont actuellement en cours sur le tournesol, comme le projet Oléosol, développé dans le cadre des appels d’offres FUI impliquant le pôle de compétitivité Agrimip, et le projet Sunrise en cours de lancement dans le cadre des projets « Grand emprunt ». D’autres projets existent au niveau international comme un projet développé au Canada, qui vise à séquencer le génome du tournesol et auquel nous participons. Un volet de ce projet vise à exploiter la biomasse du tournesol pour développer des biocarburants de seconde génération. Concernant le colza, nous avons par le passé été engagés dans des programmes de recherche visant à modifier sa teneur en acide gras pour des utilisations industrielles par transgénèse. Actuellement, nos projets privilégient l’amélioration de la productivité en huile dans un contexte de culture à bas intrants, et réduction des apports azotés et produits phytosanitaires.

Dites-nous en plus sur le programme Oléosol, actuellement en cours.

Le tournesol est une plante oléagineuse présentant de nombreux avantages, notamment sa tolérance au stress hydrique et sa faible consommation d’intrant (engrais et produits phytosanitaires). En revanche, en comparaison du colza, première espèce oléagineuse en France, sa productivité est moindre. C’est pourquoi plusieurs programmes ont été mis en place à la fois par l’Inra et les établissements privés pour investir dans la recherche sur le tournesol et favoriser sa culture. C’est dans ce cadre que le programme Oléosol a été mise en place dans le cadre des appels d’offres FUI de soutien aux entreprises. Démarré en 2009, il se termine fin 2012. Il s’agit de fournir au tournesol les outils de recherche en génomique dont disposent d’autres espèces de grandes cultures plus avancées, comme le maïs par exemple. Concernant les outils, nous avons ainsi développé des marqueurs moléculaires permettant la construction de cartes génétiques denses, ainsi que la caractérisation de régions génomiques et gènes d’intérêt. Dans un volet plus appliqué, la résistance au stress hydrique était notre objectif majeur. Bien que le programme ne soit pas encore achevé, les semenciers exploitent déjà des marqueurs génétiques produits dans les programmes de sélection. Les retombées en termes de création variétales surviendront d’ici six à huit ans.

Votre vocation est de fournir aux sélectionneurs des connaissances sur les supports génétiques, gènes ou régions génétiques, impliqués dans l’expression de caractères agronomiques d’intérêt. Quelle est la suite ?

Nous exploitons ces informations pour produire soit des plantes génétiquement modifiées pour une meilleure expression de ces caractères, soit pour identifier les allèles ou combinaison d’allèles d’intérêt utilisables dans des programmes d’amélioration variétale. L’expression d’un gène dans une plante ne conduit pas forcément à l’expression directe du caractère dans la plante. Il existe en effet de nombreux systèmes de régulation, inhibitions, rétrocontrôles empêchant parfois les expressions souhaitées. Modifier une productivité nécessite une connaissance poussée des gènes et des voies métaboliques impliquées. Les travaux actuels sur les génomes et l’acquisition de connaissances de plus en plus poussées sur les supports génétiques en jeu permettront dans les années à venir de pouvoir décortiquer de façon plus fine les caractères d’intérêt. Tous les outils et les connaissances mis en place pourront être utilisés pour étudier de façon spécifique une voie métabolique ou l’expression d’un gène. Nous préparons donc l’avenir !
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