Gestion de l'eau : un agriculteur qui s'implique

Daniel Martin, en quoi consiste la gestion concertée de la ressource en eau ?

Daniel Martin est agriculteur dans l'Ain, où il cultive essentiellement des céréales. Dans ce département, l'accès à l'eau ne pose généralement pas de problème majeur. Pourtant, en 2003, la sécheresse a été très sévère. Renforcer la gestion collective de la ressource en eau est alors apparu comme une nécessité, ce qui a conduit à définir des règles plus précises que par le passé.
Pour les eaux dites de surface (ruisseaux, rivières, lacs…), la Chambre d'Agriculture est chargée de recenser les besoins prévisionnels en eau d'irrigation des exploitants agricoles. Cela se fait tous les ans au sortir de l'hiver. On attribue des droits à chacun, qui prennent la forme de débits de pompage autorisés. Chaque exploitant connaît donc a priori le nombre de m3 par heure qu'il est autorisé à prélever pour alimenter ses cultures en eau. Par la suite, ces autorisations sont révisées en fonction de la situation réelle des cours d'eau. Toutes les rivières sont équipées d'instruments qui permettent de mesurer les débits et d'évaluer l'état de la ressource. Différents seuils permettent de déclencher la mise en place de mesures spécifiques.

Concrètement, ces seuils correspondent à quoi ?

Le premier, régulièrement atteint en période estivale est le seuil de vigilance. Lorsque ce seuil est atteint, une cellule de crise sécheresse est constituée. Cette cellule se réunit régulièrement pour suivre l'évolution de l'état de la ressource. Lorsque la situation devient plus problématique, on peut atteindre un second seuil : le seuil de restriction. Les débits autorisés initialement pour les besoins de l'irrigation sont alors revus à la baisse. Parfois, on met en place des systèmes de tour de d'eau : l'un peut pomper le lundi, son voisin le mardi etc. Le dernier seuil est un seuil d'interdiction. Lorsqu'il est atteint, l'irrigation est tout simplement arrêtée. Mais cela arrive très rarement dans notre région.

Mais lorsque l'on parle de gestion concertée, cela suppose l'implication d'utilisateurs extérieurs au milieu agricole ?

Bien sûr. Les collectivités locales, les pêcheurs, les professionnels du tourisme, les kayakistes, ont eux aussi des intérêts à défendre vis à vis de la ressource en eau. Ils sont associés aux discussions dès la mise en place de la cellule de crise sécheresse.

Vous êtes responsable d'une association nationale d'agriculteurs irrigants. Quelles perspectives envisagez-vous pour l'avenir ?

La mise en place de retenues d'eau donne de bons résultats, et de notre point de vue il faut l'encourager. A l'échelle du bassin versant auquel mon exploitation est rattachée, les besoins annuels en eau d'irrigation correspondent à la quantité d'eau qui s'écoule en 24h dans la rivière avec un débit normal. Bien entendu c'est un calcul purement théorique, mais ça donne un point de repère.

A quoi ressemblent ces retenues d'eau ?

En plaine, à de grandes piscines ! Enfin, disons plutôt à des réservoirs bâchés. L'idée et de récupérer l'eau qui passe sous le nez des agriculteurs et retourne directement à la mer pendant les périodes pluvieuses, et de l'utiliser lorsque le manque d'eau se fait sentir. Dans des zones de coteaux, on peut appliquer le même principe et stocker l'eau en excédent grâce à des systèmes de retenues collinaires.

Si la solution est aussi simple, pourquoi ne pas la généraliser tout de suite ?

Elle est simple, mais coûteuse. Les agriculteurs ne peuvent pas assumer seuls la charge financière que cela représente. Pour nous, l'idée est de mettre en place une stratégie gagnant-gagnant ou chacun trouve son compte. Certaines expériences ont montré que c'était possible, puisque des réserves en eau constituées sur ce principe sont utilisées pour les besoins d'irrigation, mais aussi pour réalimenter des rivières habituellement sèches en été. Par ailleurs, ce n'est pas si simple que cela. On ne crée pas une retenue n'importe où et n'importe comment. Il faut tenir compte des différents aspects environnementaux : nature du sol et du sous-sol, présence d'espèces animales et végétales protégées… Une étude préliminaire est indispensable.
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