Proposer des solutions ''vertes'' au monde de la peinture

Olivier Choulet - Président directeur général de la société Ecoat

Ecoat a été créée en 2011. Quel a été son parcours ?

Olivier Choulet - Président directeur général de la société Ecoat
Tout a commencé par une volonté individuelle de créer une start-up. Pierre Chevalier et moi-même, les deux co-fondateurs, connaissions le monde des peintures, qui était demandeur de solutions « vertes ». Ce marché émergeant se préparait à devenir plus conséquent, avec des besoins en innovation cruciaux. Nous nous sommes donc attachés à améliorer la performance des polymères d’origine végétale, en général considérés comme pas assez performants. En janvier 2011, le projet Ecoat a été validé par l’Incubateur Paca-Est. Cette structure vise à accompagner le développement de start-up, et fournit conseils et financements lors des premières étapes de création des sociétés. Et ces investissements ont été couronnés de succès car, en juin 2011, nous avons remporté le Concours national de l’entreprise innovante, organisé par le ministère de la Recherche et Oséo, dans la catégorie « Emergence ». Rebelote dans la catégorie « Développement » en 2012. A l’heure actuelle, Ecoat emploie dix personnes, dont huit chercheurs, et espère atteindre 1,5 à 2 millions de chiffre d’affaires en 2012.

Quels produits proposez-vous ? Qui est intéressé par ces alternatives végétales ?

Nous fabriquons des polymères biosourcés à 100 %. Nos clients sont les fabricants de peintures, qui produisent à leur tour des produits biosourcés à 95 %. Nous avons lancé un premier polymère végétal performant en 2011. Il n’est pas encore suffisamment économique, ce qui le cantonne dans un marché de niche. Je pense qu’il nous faudra encore deux à trois ans de recherche pour obtenir un polymère optimal. Le marché de la peinture est segmenté entre particuliers et professionnels. Aujourd’hui, les peintures biosourcées constitue un segment grand public et repose sur la pression de consommateurs volontaristes, tout comme il existe un segment de clients « bio » en alimentaire. De leur côté, les sociétés de peinture ne veulent pas changer leurs habitudes et privilégient la qualité du produit fini : il faut donc que les peintures biosourcées bénéficient, comme leurs homologues pétrochimiques, d’un séchage rapide et ne génèrent pas de perte de productivité. Or, les solutions actuellement proposées sur le marché sèchent moins vite et donnent des couleurs plus foncées. Les performances sont globalement les mêmes, mais ces petites différences font que les entreprises de peinture ne vont pas franchir le pas, surtout si la solution biosourcée est plus chère !

Pourriez-vous conquérir d’autres marchés que celui de la peinture ?

Nous pourrions investir d’autres marchés, tels que les vernis, les adhésifs, les textiles ou les liants pour papier. Mais nous préférons nous concentrer sur le marché des peintures, que nous connaissons bien. Il représente 20 milliards d’euros en Europe, soit 3 milliards d’euros pour les polymères qui interviennent comme ingrédients. Les versions « naturelles » de ces produits représentent de 5 à 10 millions d’euros pour les peintures, soit 2 à 3 millions d’euros pour les polymères. Les experts estiment que les polymères naturels devraient, d’ici 2020, atteindre 150 millions d’euros de parts de marché. Une hausse énorme, mais rapportée aux 3 milliards totaux… ce ne sont que quelques pourcents ! Le frein qui nous bloque actuellement : le coût du produit fini, que nous devons nous efforcer de réduire encore de 50 %. Les pistes se trouvent plutôt dans la structure du polymère et dans sa fabrication, que dans le modèle économique (sources d’approvisionnement).

Quelles ressources végétales constituent votre matière première ?

Les produits oléagineux (tournesol, soja) représentent la base de notre chimie. Nous nous approvisionnons principalement en acides gras de tall (résidus de l’industrie papetière entre autres). Leur intérêt : un coût moindre, avec des propriétés identiques à celles des acides gras du soja. Pour pouvoir approvisionner une industrie de masse telle que la nôtre, nous avons besoin d’une matière première peu chère, et d’une filière bien installée qui assure un approvisionnement constant. Nos procédés chimiques requièrent des acides gras, issus du tournesol. Nous pourrions également les tirer du colza : ça génèrerait quelques changements de procédés, mais ça demeure gérable. Nous utilisons également un polyol, qui peut être produit de différentes manières, et un polyacide, dont la performance repose sur différents critères dont la rigidité. Ce dernier s’avère plus difficile à obtenir, mais les substituts obtenus par voie végétale existent, et ont beaucoup d’avenir.

Discutez-vous avec les semenciers pour faire évoluer vos matières premières végétales ?

Oui et non. Nous faisons de la veille sur l’amélioration variétale, mais nous n’y participons pas. Et puis, notre objectif est de diffuser internationalement la solution technologique à base de polymères que nous avons développée. Aussi, si nous basons notre production sur une semence particulière, il sera difficile de nous étendre dans tous les pays, s’ils ne cultivent pas cette semence localement. Dès lors, il est nécessaire de partir de molécules standards pour s’approvisionner en matière première en grande quantité.

Quelles sont les attentes du marché de la peinture et du revêtement vis-à-vis des agroproduits ?

En termes de ressources végétales, une plante oléagineuse disposant de plus d’insaturations va intéresser les industriels. Mais ça ne va pas créer de nouveau levier de recherche. En effet, on pourrait imaginer, comme pour l’industrie pharmaceutique, récupérer les molécules végétales par hydroponie. Le principe : cultiver des « plantes à traire » produisant des molécules d’intérêt, puis induire un stress entraînant une hausse de ces molécules, pour les récolter dans un troisième temps. Une solution qui fonctionne, certes, mais uniquement pour des molécules à forte valeur ajoutée et requises en faible quantité. Ce qui n’est pas le cas avec le marché des polymères « verts », qui représente 60 000 tonnes de végétaux en intrants, et qui doit pouvoir proposer des prix de plus en plus bas pour passer du marché de niche au marché de masse.
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