Les agro-pellets, voie de valorisation énergétique des coproduits agricoles

Matthieu Campargue - Directeur de RAGT Energie

Quel est l’état du marché concernant les coproduits de récolte ?

Matthieu Campargue - Directeur de RAGT Energie
La valorisation des coproduits de récolte est en pleine expansion ces dernières années. En cause : un potentiel énorme et un besoin d’énergie à partir de biomasse en plein développement. Car la filière bois énergie, qui a été sollicitée dans un premier temps pour remplir cet usage, atteint ses limites en termes de ressources facilement collectables. D’où l’intensification de la substitution du charbon par la biomasse, pour des usages collectifs ou domestiques.

Les agriculteurs modifient-ils leur choix de cultures pour produire des coproduits valorisables en tant que biomasse ?

Actuellement, l’agriculteur a peu changé ses choix de cultures en projetant de produire une réelle ressource pour les agro-pellets. Néanmoins, cela démarre. En témoignent ces agriculteurs qui, dans le cadre de reconversion (betterave, par exemple), ont implanté en masse du Miscanthus et du switchgrass (Panicum virgatum) chez Bourgogne pellets et Champ d’Energie, deux groupements d’agriculteurs qui, à la suite de reconversions, ont implanté des cultures énergétiques. Le potentiel actuel des coproduits agricoles est tellement important qu’il n’y a nul besoin d’inciter l’agriculteur à implanter des cultures dans le but d’obtenir ces coproduits. Rappelons qu’ils sont générés à deux stades : lors de la récolte (tige, feuilles, etc.) et durant l’exploitation industrielle (lors des étapes de triage/séchage, marc de raisin, poussières de chanvre, balle de riz, etc.). A l’heure actuelle, les agriculteurs ne cultivent pas les plantes en espérant rapporter davantage avec les coproduits.

Comment la filière des granulés agricoles se met-t-elle en place ?

Elle s’organise depuis 2007. Cette année-là, nous avons développé notre premier agro-pellet formulé, additivé, avec des caractéristiques proches des granulés bois. Nous avons donc dû développer la filière en présentant ce nouveau produit, composé de rafles de maïs, issues de silos, coproduits de la vigne, et travailler à la mise en place de normes de type AFNOR (2007) puis ISO (2013) pour ce nouveau type de combustible. Cinq ans plus tard, les quantités produites sont faibles : 30 000 à 50 000 tonnes par an en France, et de 200 000 à 300 000 tonnes par an en Europe. Mais le potentiel est énorme : nous assistons actuellement à une tension importante sur la ressource bois. Celle-ci se voulait être la solution de préférence pour faire des granulés combustibles. A l’origine, les granulés étaient faits avec de la sciure, puis avec des plaquettes de bois. Désormais, des usines se montent pour faire des granulés bois avec des rondins, tellement la ressource est concurrencée.

Avez-vous en tête un exemple de production réussie d’agro-pellets issus de « déchets » agricoles ?

Je vais vous partager un exemple concret issu d’un de nos clients, la coopérative Ile-de-France Sud, basée à Etampes (91). Elle collecte chaque année 600 000 tonnes de céréales et génère entre 3 000 et 5000 tonnes de déchets sous forme d’enveloppes de grains, de grains cassés, de poussières. Ces « déchets » étaient historiquement valorisés dans des usines agroalimentaires tournées vers l’alimentation animale, en Bretagne. Jusqu’aux années 2000, ils leur étaient vendus, puis donnés. Par la suite, en 2007, ces usines en sont venues à demander à la coopérative Ile-de-France Sud de payer pour accepter de reprendre ses « déchets ». A ce stade, la coopérative nous a contactés. Nous lui avons réalisé une formulation adaptée pour que ses « déchets » deviennent un combustible : un agro-pellet appelé Calys. La coopérative a alors investi sur une petite unité de production de ces agro-pellets et produit depuis 2009 un agro-pellet Calys Ile-de-France Sud.

Qui bénéficie des agro-pellets produits ? Les exploitants sur leur exploitation ou des acheteurs extérieurs ?

Pour poursuivre sur ce même exemple, les céréales (et donc leurs coproduits) sont produits à 20 km autour d’Etampes. Les coproduits, transformés en combustibles, sont utilisés intégralement sur l’intercommunauté d’Etampes, dans des bâtiments de la collectivité. Cet exemple montre que, sur ce marché-là, nous sommes sur des circuits courts. Ils permettent, comme le répètent le directeur de la Coopérative Ile-de-France Sud et le député maire d’Etampes, d’insérer le monde agricole dans le monde urbain et de réinsérer l’agriculture dans la ville.

Quels sont les axes de recherches variétales actuellement développés en faveur des granulés ?

En termes de recherches, nous avons assisté l’Institut du Végétal Arvalis sur des essais d’implantation de cultures énergétiques pérennes (Miscanthus, switchgrass) et annuelles (fétuque, sorgho, etc.). Objectif : estimer le potentiel de production de ces plantes que l’on va qualifier au tonnage à l’hectare pour la production d’énergie. On constate d’ores et déjà que ces cultures nécessitent un apport hydrique important pour obtenir de bons rendements. Par exemple, la production de Miscanthus, estimée de 20 à 25 t/ha au Royaume-Uni ou dans le nord de la France, n’a été que de 6 à 7 t/ha près de Toulouse. Il y a aussi du travail à faire sur les modes d’exploitation et de récolte de ces plantes (récolte en mars, donc difficulté à rentrer dans les champs, traitement de culture non adapté, semis des rhizomes, etc.). En parallèle, notre filiale RAGT Semences développe des semences pour les bioénergies, à travers des projets de méthanisation en Allemagne, et avec pour fer de lance d’améliorer la productivité et le pouvoir méthanogène des plantes issues de ces semences.

Quels sont actuellement les freins au développement de ces cultures énergétiques ?

Nous travaillons beaucoup sur des cultures pérennes type Miscanthus, switchgrass ou canne de Provence. Elles doivent représenter globalement 5000 à 6000 hectares en 2012, mais peinent à trouver une valorisation en combustion. En cause : le coût important d’implantation/exploitation pour l’agriculteur, qui passe notamment par un coût très élevé des semences. Dans le cas du Miscanthus, par exemple, il faut compter 2800 à 3000 €/ha de végétal, auxquels s’ajoutent 500 à 700 €/ha d’implantation, lié à des besoins de main d’œuvre importants. Sans compter que le traitement de la première année représente 210 à 250 €/ha et la récolte de 230 à 300 €/ha. Le tout génère un prix de sortie de champ un peu élevé pour cette filière. Les conclusions actuelles sont que la gestion des cultures pérennes est difficile pour l’agriculteur car la rotation des cultures est impossible et les indicateurs d’exploitation sont perturbés ; le potentiel de production de biomasse n’est pas plus important que sur des cultures classiques et n’est pas adapté à toutes les exploitations ; enfin, les coûts d’implantation demeurent très importants. Plusieurs groupements d’agriculteurs ayant implanté ces cultures, comme Terr’Nova (qui regroupe Champ d’énergies, Bourgogne pellets et Sidesup), se tournent actuellement vers le paillage et la litière, qui se valorisent mieux en terme de rachat de matière première pour l’agriculteur et dont le marché aval est mieux développé et plus facile à atteindre.
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